samedi 28 février 2009

Chômage : le défi du “pouvoir-vivre”, c’est maintenant !


Le mois de janvier 2009 aura vu 90 200 actifs de plus être mis au chômage. Après deux années de relative amélioration, le marché du travail en France s’était fortement retourné en 2008, avec 217.000 personnes supplémentaires inscrites ou réinscrites à l’ANPE à la fin décembre. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie 1 (personnes sans emploi, immédiatement disponibles, à la recherche d’un emploi à durée indéterminée à temps plein) a explosé en janvier, progressant de 90.200 par rapport à décembre (+4,3%) et de 15,4% depuis 1 an, pour s’établir à 2,204 millions.
Quelques éléments d’analyse plus précis : explosion des licenciements économiques (+ 23,5% en un mois) ; dégradation spectaculaire pour les emplois précaires (- 32% de contrats en janvier) ; chute de l’offre d’emploi (-14% par rapport au mois de décembre) ; une hausse du nombre de chômeurs qui sur l’année (+ 15,4%) frappe plus encore les hommes (+21,8%) que les femmes (+8,7%), et surtout les moins de 25 ans (+23%).

Cette accélération de la hausse du chômage, entraînée par une crise dont la dureté s’affirme un peu plus de mois en mois, apporte un argument supplémentaire à l’appel que, avec mon camarade Akli Mellouli (maire adjoint de Bonneuil-sur-Marne), nous avions voulu lancer l’été dernier (Pour un PS retrouvé : cap sur le pouvoir-vivre, tribune reproduite dans mon post du 19 novembre 2008).
Alors que le gouvernement Fillon venait de relever le plafond du nombre de jour travaillés dans une année pour les “travailleurs autonomes” (autrement dit, les cadres), je lui avais en effet proposé de co-signer une tribune adressée au journal Le Monde. Celle-ci dénonçait une politique aberrante en matière de temps de travail. C’est-à-dire une politique allant à rebours des mouvements et des aspirations à l’oeuvre dans notre société, en particulier l’aspiration à pouvoir trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale - élément crucial de ce que j’appelle le “pouvoir-vivre”.
À cette réalité, que nous observons dans notre entourage proche ou moins proche, s’en ajoute désormais une autre : la hausse accélérée du chômage rattrape aussi les cadres. Pour les titulaires d’emplois moins qualifiés (plus souvent concernés par les CDD et l’intérim), le marché de l’emploi a commencé de se retourner déjà il y a 6 mois. Les cadres sont toujours touchés avec un décalage, mais désormais ils sont de plus en plus nombreux à chercher un emploi (sur les 50 000 emplois supprimés depuis septembre dans le cadre de plans sociaux dans les grandes entreprises, 8500 sont des emplois de cadres). Et pour ceux qui perdent leur emploi et pour les jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail, la durée du chômage ne cesse de s’allonger.

Ce qui accentue encore le caractère aberrant de la politique alors dénoncée, allant dans le sens d’une augmentation du temps de travail. Plus encore aujourd’hui qu’au moment où j’ai écrit cette tribune, les entreprises doivent réfléchir à réduire le temps de travail. C’était d’ailleurs le titre d’un entretien accordé par Xavier Lacoste (directeur général du cabinet Altedia) au journal Les Echos (édition du 26 février).
Soulignant que le gouvernement pensait déjà avoir atteint un sommet en novembre (avec 64000 chômeurs de plus), on pourrait bien “aller de record en record s’il n’incite pas les entreprises à modifier leurs pratiques”, en faisant fonctionner les dispositifs d’amortissement interne qui permettraient de limiter les licenciements. À ce stade en effet, malgré le changement de conjoncture, et sauf dans quelques secteurs (hôtellerie, verrerie, chimie), les entreprises n’ont quasiment pas recours à ces dispositifs.
Pour limiter les licenciements économiques, les entreprises pourraient par exemple réduire leur temps de travail ; avoir recours aux accords de RTT défensifs (largement utilisés à la fin des années 1990 pour amortir le ralentissement de l’emploi).
Le gouvernement, pour sa part, pourrait renoncer aux heures supplémentaires défiscalisées (mises en oeuvre en 2007 dans un contexte d’expansion économique) au profit d’exonérations de charges liées à la réduction du temps de travail.
Si le chômage partiel permettrait dans une certaine mesure de “limiter la casse”, beaucoup d’entreprises ignorent qu’elles y ont droit. De sorte que beaucoup de secteurs multiplient les licenciements économiques sous la pression notamment de leurs actionnaires. Il faudrait donc que l’administration du travail comme le Pôle Emploi fassent un gros effort de pédagogie et d’information pour changer les réflexes en la matière.
Autre piste : réactiver les contrats aidés (beaucoup moins nombreux aujourd’hui qu’à la fin des années 1990) pour maintenir les compétences des salariés mis au chômage et leur permettre d’accéder à de nouvelles qualifications.

Deux certitudes en revanche, également mises en avant par Xavier Lacoste. Premièrement, les mesures annoncées la semaine dernière par Nicolas Sarkozy ne sont pas de nature à freiner l'arrivée de dizaines de milliers de chômeurs tous les mois.
Deuxièmement, la nouvelle convention d'assurance-chômage n'est pas non plus adaptée à la situation, et fait peser de lourdes menaces sur l'avenir. La durée d'indemnisation des chômeurs de longue durée va se réduire, et dans un an c'est autant de personnes qui seront assistées par l'Etat, par le biais de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et du revenu de solidarité active (RSA). Les entreprises sont donc en train de perdre des compétences considérables, ce qui, à long terme, peut leur coûter extrêmement cher.

En août dernier, soucieux d’éviter un congrès de déchirements, nous appelions à ce que le PS se retrouve pour imaginer une politique du pouvoir-vivre. Aujourd’hui, les conditions semblent émerger pour que, toutes sensibilités confondues, les socialistes se retrouvent.
Marqué par les réactions entendues à la suite du Congrès de Reims. Marqué aussi par les réactions entendues au “Contre-plan de relance” (dont l’honnêteté nous oblige à reconnaître que, outre ses qualités, il avait le défaut majeur d’être trop “classique” et foisonnant pour ouvrir des perspectives claires et nouvelles), je forme un voeu. Que les socialistes, s’étant retrouvés, approfondissent ce rassemblement dans l’élaboration audacieuse d’une politique du pouvoir-vivre. Cet effort me paraît être un passage obligé pour que, au-delà des retrouvailles internes, nos concitoyens à leur tour se retrouvent vraiment dans les propositions de notre famille politique !




vendredi 27 février 2009

Action syndicale et droits humains: comprendre le prix de l' "ordinaire"!


Vendredi 27 février 2009 de 19h00 à 20h30, à

La Maison de l'Amérique Latine
217, Boulevard Saint-Germain
75007 PARIS

La situation des syndicalistes et des droits de l'homme en Colombie


Projection du documentaire (30mn, 2008) de Hollman Morris, journaliste colombien.


Avec la participation de Mario Cardona Marin, défenseur des droits de l'homme, et d'un représentant de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Modérateurs : Coordination Colombie et Commission Syndicats d'Amnesty International France.

Coordination Colombie d'Amnesty International.
www.amnesty.fr
colombie@amnesty.fr

jeudi 26 février 2009

L'exécutif rabote les libertés... et en prend d’inquiétantes avec l'éthique républicaine !


Ci-dessous, deux articles parus ces dernières 48 heures dans Libération et dans le journal Le Monde, suite aux propos tenus publiquement par Nicolas Sarkozy lors du sommet franco-italien de Rome (avant-hier mardi). Le président de la République a affirmé que la future nomination du secrétaire général adjoint de l’Elysée, François Pérol, à la tête du futur groupe Caisse d’épargne-Banque Populaire ne posait pas de «problème» aux yeux de la Commission de déontologie de la fonction publique.

À l'évidence, c’est là prendre d’inquiétantes libertés avec l’éthique républicaine, en particulier avec le respect dû aux artisans du bon fonctionnement de la République
. En effet, la Commission n’a pas été saisie du cas Pérol, et son président nie s’être jamais exprimé sur le cas personnel de M. Pérol - encore moins au nom de la Commission qu’il préside.


Pantouflage de Pérol : le gros mensonge de Sarkozy (Grégoire Biseau, Libération du 24/02)

Contrairement à ce qu'affirme Nicolas Sarkozy, la Commission de déontologie de la fonction publique ne s'est pas prononcée sur la nomination du conseiller de l'Elysée à la tête du futur groupe Banque populaire - Caisse d'épargne.

Nicolas Sarkozy a manifestement quelques soucis avec la déontologie. Depuis Rome, lors du sommet franco-italien, le président de la République a déclaré devant la presse que la future nomination du secrétaire général adjoint de l’Elysée, François Pérol, à la tête du futur groupe Caisse d’épargne - Banque Populaire ne posait pas de «problème» aux yeux de la Commission de déontologie de la fonction publique.

Cette dernière est censée se prononcer en cas de pantouflage, c’est-à-dire de départ d’un fonctionnaire vers le privé pour vérifier qu’il n’existe pas de conflits d’intérêts potentiels.

D’après Sarkozy, la Commission de déontologie «a donné son point de vue, et son point de vue a été communiqué aux deux banques. Il sera rendu public et vous verrez qu’une fois de plus c’est la différence entre une polémique et un problème, de problème il n’y en a pas».

Il semble que le président de la République prenne ses rêves pour la réalité. Car la Commission n’a pas été saisie du cas Pérol. Et ne s’est pas réunie pour en discuter. «On n’a jamais évoqué le cas de François Pérol, assure un membre de la Commission interrogé par Libération, puisque notre prochaine réunion est prévue pour le 11 mars».

A l’Elysée, un porte-parole tente de rattraper le coup en expliquant que «la Commission ne s’est pas encore réunie, mais elle a émis un avis "off", positif, qu’elle a communiqué aux banques. C’est ce qui se passe dans les cas d’urgence» (1).

En réalité, il semble bien que cette procédure d’urgence soit totalement inconnue: «Cela fait des années que je siège à cette Commission, et à ma connaissance une telle procédure n’a jamais été convoquée», selon le membre de la Commission interrogé par Libération.

Le président de la Commission de déontologie, Olivier Fouquet, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Quant aux banques, elles refusent de dire si elles ont, ou non, reçu le fameux avis «off» de la commission. Mais puisqu’on vous dit qu’il n’y a pas de problème…

(1) L'Elysée a déclaré mardi soir avoir obtenu un courrier de la Commission de déontologie assurant qu'il n'y avait «pas d'inconvénient pénal» à la nomination de François Pérol. L'accord a été obtenu via une lettre du président de la commission Olivier Fouquet, a-t-on précisé de même source.



Affaire Pérol : le président de la Commission de déontologie se démarque de l’Elysée (Claire Gatinois et Anne Michel, Le Monde, 26/02)

Pour faire taire la polémique liée à la nomination de François Pérol, secrétaire général adjoint de l'Elysée à la tête du groupe issu de la fusion des Banques populaires et des Caisses d'épargne, Nicolas Sarkozy a-t-il forcé la main de la Commission de déontologie ? Dans une lettre adressée, mercredi 25 février dans l'après-midi, par courrier électronique, à l'ensemble des membres de cette commission, Olivier Fouquet, son président, se livre à une mise au point qui révèle ses doutes croissants quant à la conformité de la nomination de ce proche de M. Sarkozy à la tête de la future deuxième banque française.

Dans ce courrier électronique que Le Monde a pu consulter, M. Fouquet explique que la "position" qu'il a exprimée dans le courrier adressé mardi 24 février à Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, où il se disait a priori favorable à la nomination de M. Pérol (Le Monde du 26 février), n'engageait en aucun cas la commission.

Il précise qu'il a rendu cet avis, car, souligne-t-il, M. Pérol ne souhaitait pas être entendu par la commission, raison pour laquelle M. Guéant l'avait personnellement sollicité. Le président de la Commision de déontologie rappelle aussi que ses conclusions ont été motivées par des cas de jurisprudence récents. Il indique que "dans l'hypothèse où l'on considérerait que François Pérol s'est comporté de la manière habituelle dont se comportent les membres de cabinet, alors, dans cette hypothèse-là, on peut considérer qu'il n'est pas nécessaire que la commission statue".

M. Fouquet rappelle qu'il ne s'est pas exprimé sur le cas personnel de M. Pérol. Aussi, ajoute-t-il, quand Nicolas Sarkozy a annoncé que la Commission avait été saisie et émis un avis, "j'ai donc dû le démentir et j'ai demandé la publication de la lettre à l'Elysée".

Le chef de l'Etat avait affirmé, mardi, que "la Commission de déontologie a donné son point de vue (..) De problème, il n'y en a pas", avait assuré le chef de l'Etat.

“On ne peut pas exclure qu’il ait outrepassé ses fonctions”

La controverse provoquée par le "parachutage" du secrétaire général adjoint de l'Elysée à la tête du nouveau groupe Caisse d'épargne-Banques populaires (CEBP) est-elle en train de se transformer en "affaire d'Etat", comme l'estime Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste?


Pour éviter pantouflage et corruptions, la Commission de déontologie peut interdire, dans certains cas, le départ de fonctionnaires ou agents de l'Etat vers le secteur privé. Interrogé par Le Monde, M. Fouquet explique que, depuis 2007, la saisine de cette Commission est, la plupart du temps, "facultative".

M. Pérol estime, que "compte tenu de la nature des fonctions qu'il a exercées", il peut s'en exonérer, indique M. Fouquet. En effet en tant que secrétaire général adjoint de l'Elysée, celui-ci n'était pas a priori décisionnaire, le pouvoir étant entre les mains du chef de l'Etat et de ses ministres. Toutefois, dans un passé récent, tous les membres de cabinet qui ont rejoint le secteur privé sont passés devant cette Commission.

M. Guéant, lui, n'a pas saisi la Commission, mais il a demandé à M. Fouquet un avis consultatif sur la nomination de M. Pérol. Ce dernier le lui a transmis par courrier. Dans cette lettre, le président de la Commission indiquait "à titre personnel", que si M. Pérol avait exercé ses fonctions "dans des conditions habituelles", différents cas antérieurs laissaient penser qu'au regard de la jurisprudence, son départ ne poserait pas de problème.

Le président de la Commission s'est notamment appuyé sur l'exemple de Gilles Grapinet. Cet ex-directeur de cabinet d'Hervé Gaymard et de Thierry Breton à Bercy a rejoint le Crédit agricole, en 2007. Mais son cas n'est pas comparable à celui de M. Pérol, car il n'est pas devenu numéro un de la banque, mais directeur de la stratégie.

En outre, l'avis concernant M. Pérol a été rendu sans étude approfondie du dossier. "Je ne l'ai pas entendu", précise M. Fouquet. M. Pérol "a pu intervenir dans un dossier; on ne peut pas exclure qu'il ait outrepassé ses fonctions, prévient le président de la section finance du conseil d'Etat, il faut le vérifier".

Dans le cas de la fusion des Banques populaires et des Caisses d'épargne, par exemple, M. Pérol aurait-il pu jouer un rôle assimilé à une forme de contrôle ce qui interdirait son départ ? "Tous les membres du cabinet n'ont pas passé des mois à travailler sur un dossier comme l'a fait M. Pérol. Toutes les réunions sur cette fusion bancaires avaient lieu dans son bureau", fait remarquer un proche.

Ce point ne sera vérifié que si la Commission est saisie. Si l'Etat ne ne le fait pas, c'est "à ses risques et périls", signale M. Fouquet. Si la saisine de la Commission n'était pas réclamée alors qu'elle le devrait, l'intéressé risque deux ans d'emprisonnement et 3 000 euros d'amendes. "C'est un délit pénal", rappelle M. Fouquet.

Jeudi 26 février, les deux premières étapes décisives, préalables à la nomination de M. Pérol à la tête du groupe fusionné, devraient pourtant être franchies. Le secrétaire général adjoint de l'Elysée était sur le point d'être élu par le conseil des Caisses d'épargne à la tête de la banque, après la démission forcée de son ex-patron Bernard Comolet. La veille, il avait été désigné par le conseil des Banques populaires pour en prendre la tête. "A l'unanimité", a précisé la ministre de l'économie, Christine Lagarde.

mercredi 25 février 2009

Environnement et sécurité sanitaire : malgré la crise, ne pas “laisser filer” !


On dit que les habitants de Paris sont souvent les derniers à visiter la Tour Eiffel... C’est un peu ce qui s’était passé jusqu’à présent pour moi avec le Salon de l’agriculture. Aussi étonnant que ça puisse paraître, vu mes origines et mes liens avec le monde rural, je n’y étais encore jamais allé ! Mais il y a quelque temps que je ne suis pas retourné en Auvergne, et certains sons, certaines odeurs, certaines images commençaient à me manquer !

Avec... Obélix, "compatriote" d'1 tonne et quelques élevé dans le Cantal à Pierrefort (un des “berceaux” de ma famille maternelle)


Le Salon de l’agriculture, lieu de plaisir, donc. Mais aussi d’une meilleure connaissance de notre environnement “immédiat”...

Hier mardi, des exploitants d’Ile-de-France y ont sonné l’alarme : chaque année, sont “grignotés” plus de 2000 hectares du territoire rural de notre région (où la surface agricole représente encore 50% du territoire, soit 576 000 hectares sur 1,2 millions).
Cette évolution a été évoquée lors d’un colloque organisé au Salon par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et la Chambre interdépartementale d’agriculture d’Ile-de-France. Chaque année, ce sont en moyenne 2000 hectares qui passent dans les projets d’extension urbains, poussant les exploitants à cesser leurs activités. Les plus touchés sont les arboriculteurs et les maraîchers, ainsi que les jeunes désireux de s’installer comme exploitants (car une entreprise agricole doit être gérée sur le long terme, les emprunts nécessaires à son exploitation devant être contractés sur au moins 20 ans).
À l’origine de ce “grignotage” : les projets d’extension urbains, auxquels s’ajoutent les projets urbains annexes (routes, réseaux ferroviaires, centres commerciaux...).
Le défi que cela soulève : trouver une combinaison “gagante-gagnante” entre compétitivité économique et compétitivité agricole (plus largement, valorisation de la partie du territoire francilien susceptible d’accueillir une activité agricole). C’est ce qu’a souligné Philippe Mauguin (directeur régional de l’agriculture, de l’alimentation et des forêts).
Première recommandation, de bon sens : “éviter de gaspiller des espaces en les bétonnant plus que de besoin”.
Deuxième recommandation : lorsqu’un grand projet est prévu sur un territoire, l’espace agricole doit être aussi envisagé comme une richesse (et une source de richesse), et non pas simplement comme une “réserve foncière”, même si “les besoins en logements et l’expansion des villes sont inévitables”.


Cette réalité qui travaille le territoire de notre région m'inspire deux réflexions.

1. Quand une municipalité située en territoire urbain ne joue pas pleinement le jeu républicain en matière de construction de logements, les conséquences sont certes difficiles à percevoir à l’échelle de la seule commune. À l’échelle régionale en revanche, on voit nettement combien est lourde la responsabilité d'un tel refus de prendre réellement toute sa part de l’effort collectif dans ce domaine. Même avec une marge de manoeuvre réduite en termes de réserve foncière permettant de construire un habitat facilitant réellement l’accès au logement (social en particulier), il est donc capital de ne rien gaspiller de cette marge ! Ce qui, à Vincennes par exemple, n’est à l’évidence pas le cas (beaucoup d'autres que moi l'ont déjà souligné, et j'aurai d'autres occasions de le faire).

2. Prenons garde à ce que notre environnement, et la qualité des rapports que nous entretenons avec lui, ne soient pas les grands sacrifiés des politiques mises en oeuvre pour faire face à la crise. Si la crise actuelle doit aboutir à l’émergence de nouvelles lignes de force en matière de modes de vie et de fonctionnement de l’économie, l’enjeu environnemental doit être pris à bras le corps au même titre, et avec autant de rigueur, que la lutte contre la précarisation et les exclusions. D'autant plus qu'elle se confond quelquefois avec cette lutte. Or à cet égard, certains signes ne manquent pas d’inquiéter...

Ainsi Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), s’alarmait-il il y a quelques jours des conséquences déjà palpables de la crise (et de sa gestion par les Etats) sur la surveillance et la prévention des maladies animales transmissibles à l’homme. Car la tentation est grande de faire des économies sur les postes budgétaires correspondants, considérés en quelque sorte comme “dormants”. De fait, on observe un peu partout à travers le monde - tant dans les pays en développement que dans les pays développés - une décroissance des budgets publics dans les domaines relatifs à la santé animale, à commencer par les ressources affectées à la surveillance et à la détection précoce des maladies d’animaux (sauvages ou d’élevage). Cette tendance frappe notamment les “fonds de compensation” (provisions destinées à indemniser les éleveurs le cas échéant, et absolument nécessaires quand il s’agit de faire accepter à un éleveur la saisie et la destruction de ses bêtes, comme cela est apparu récemment dans plusieurs pays en développement avec l’épizootie aviaire causée par le virus H5N1). Or, assurer sur la durée une bonne gouvernance vétérinaire et une surveillance efficace coûte infiniment moins cher que la gestion tardive de crises sanitaires animales. L’enjeu est particulièrement significatif dans les pays encore aux prises avec la “grippe aviaire” (Egypte, Indonésie, Chine).

Plus près de nous, le tout récent arbitrage du Premier ministre britannique Gordon Brown de construire sur le site de l’aéroport d’Heathrow une troisième piste et un sixième terminal. Cela, malgré l’opposition de plusieurs membres de son cabinet, dont David Miliband (ministre de l’énergie et du réchauffement climatique). Et alors que Greenpeace déplore de voir l’aéroport ainsi étendu devenir “le plus gros émetteur de CO2 en Grande-Bretagne”.
Certes, la décision du premier ministre britannique est à replacer dans une politique visant avant tout à sauver le système bancaire britannique (une priorité après la faillite en septembre dernier de la banque Lehman Brothers), puis à limiter les effets d’une récession annoncée comme violente notamment en soutenant la consommation. (Le projet privé en cause à Heathrow devrait donner du travail à 65000 personnes d’ici à 2020, ce qui n’est pas négligeable.)
Mais Gordon Brown avait souvent répété que la crise financière serait l’occasion d’investir dans les secteurs porteurs de “croissance verte”. À cela s’ajoute, symbole fâcheux, celui de la préparation des Jeux olympiques de 2012 (accueillis à Londres), qui ne semble pas non plus très “vert”. Enfin, plus largement, cette décision s’inscrit dans un contexte qui voit l’annonce d’une série de grands travaux - où l’environnement fait figure de parent pauvre.


Doté depuis le printemps dernier d’une nouvelle “Déclaration de principes” à l’adoption de laquelle j’avais participé comme délégué fédéral, le Parti socialiste place désormais la qualité de notre environnement, et de notre rapport avec lui à travers le temps, au coeur de son projet politique. J'espère vraiment que nous saurons concrétiser cet engagement. Non seulement dans notre discours et nos prises de position face aux politiques n’allant pas dans ce sens, mais aussi dans nos propositions - par exemple au moment des prochaines élections européennes et régionales - et bien sûr le cas échéant dans leur mise en oeuvre. En matière d'environnement et de sécurité sanitaire, malgré la crise, ne laissons pas "filer" les choses ! Les enjeux méritent bien cet effort !


lundi 23 février 2009

Revenir dans le commandement intégré de l’OTAN: "un contre-sens historique majeur" pour Ségolène Royal


Dimanche 8 février dernier, à Munich,
Nicolas Sarkozy réaffirmait son intention de voir la France revenir dans le commandement intégré de l’OTAN (43 ans après sa sortie de celui-ci, décidée par le général de Gaulle). Ci-dessous, une tribune de Ségolène Royal, parue il y a quelques jours dans le journal Le Monde. L’ex-candidate socialiste à l’élection présidentielle y déplore cette option, en la replaçant dans une perspective historique et dans le contexte géopolitique actuel.


Si l'élection du président Obama a d'abord réconcilié l'Amérique avec elle-même, elle a aussi posé les fondements d'une réconciliation de l'Amérique avec le reste de la planète. En dénonçant avec courage l'aveuglement de la puissance brute, en acceptant d'écouter le monde tel qu'il est, complexe, riche, mais aussi fragmenté et imprévisible, en plaçant sa confiance dans le dialogue avec tous plutôt que dans le coup de poing solitaire, il a sonné le glas d'une vision impériale dont le seul résultat aura été l'impasse irakienne.

Avec son retour dans le commandement intégré de l'OTAN, la France envoie un signal de repli sur la sphère occidentale qui va à rebours de la stratégie d'ouverture impulsée par Barack Obama. Cette décision, prise quand George W. Bush était encore en fonctions, n'est pas le gage d'une nouvelle relation avec les Etats-Unis, ces derniers ayant de plus en plus besoin d'une Europe politiquement forte et indépendante. Au fond, ce repli traduit un triple contresens : sur l'évolution du monde aujourd'hui ; sur le rôle de la France et de l'Europe dans les relations internationales ; sur les garanties de notre sécurité collective.

Le mur de Berlin est tombé depuis presque vingt ans. En vingt ans, de nouvelles puissances ont émergé, à l'image de la Chine, de l'Inde ou encore du Brésil. Les menaces ont changé, les conflits aussi. Les risques d'affrontement entre blocs ont laissé place à une prolifération de guerres civiles et à la déterritorialisation d'un terrorisme transfrontière. Des Etats se sont effondrés, de nouvelles zones grises sont apparues dans les interstices de l'ancien empire soviétique, les trafics de toutes sortes se sont globalisés.

Face à ces bouleversements, l'OTAN a traversé une crise d'identité profonde. Partiellement périmée par l'effondrement du Pacte de Varsovie, la doctrine de sanctuarisation de l'espace Atlantique a été élargie au profit d'une logique d'intervention extérieure, au Kosovo, puis en Afghanistan. Certaines ambiguïtés majeures n'ont pas pour autant été levées. L'OTAN demeure une organisation marquée par la guerre froide, avec pour corollaire le leadership politique et militaire que les Etats-Unis y exercent. Ainsi s'explique sa force d'attraction sur les anciens satellites de la Russie, désireux de s'affranchir de l'"étranger proche" de Moscou en se plaçant sous le "parapluie" américain.

Fermée aux grandes puissances non occidentales, mais ouverte à des théâtres d'opérations extérieures, l'Alliance vit dans un entre-deux délicat. Elle apparaît désormais comme le bras armé de l'Occident dans le monde, sans avoir la légitimité dont bénéficierait une alliance à vocation universelle. Avant de décider d'une réintégration au sein du commandement militaire intégré, il aurait donc été souhaitable qu'un débat politique s'engage sur les nouvelles missions confiées à l'OTAN. Faut-il, alors que d'autres pays s'affirment sur la scène internationale, donner le sentiment de nous crisper sur la "famille occidentale" ?

Ne risquons-nous pas de nous enfermer dans une logique défensive d'avant-hier, alors même que le monde est en train de basculer ? Ne donnons-nous pas le signal de l'enfermement, alors que nous devons être dans un mouvement d'ouverture ?

Dès les années 1960, le général de Gaulle avait compris l'intérêt de jouer un rôle de "pont" entre l'Est et l'Ouest, entre le tiers-monde d'alors et ceux que l'on n'appelait pas encore les pays du Nord. Bien que la donne ait changé, cette posture est plus pertinente que jamais. Le monde a besoin de pays qui jouent le rôle de médiateurs, voire de recours, politique et moral. Cela vaut pour la France. Mais cela vaut aussi pour l'Europe dans son ensemble. L'indépendance de la politique étrangère n'est pas destinée à flatter l'esprit cocardier. Elle est le fondement d'une stratégie d'influence globale destinée à nouer le dialogue, en évitant d'être marqué au fer rouge par l'assignation à un camp.

Bien sûr, le retour dans les structures de l'OTAN ne signifie pas une adhésion de droit à toutes les opérations de l'Organisation, mais il est évident que notre participation aux commandements de l'OTAN fera peser sur nos choix d'engagement une pression morale considérable. L'étouffante pression de l'unanimité ne constituera jamais un gage sûr de notre liberté, car il faut beaucoup de force d'âme pour s'opposer lorsqu'on est seul. Non, le cadre de l'OTAN n'est pas aussi flexible et protecteur de notre indépendance diplomatique que Nicolas Sarkozy cherche à le faire croire. Or, les drames vécus en Irak ont prouvé que la France voyait juste. Cette voix pourra-t-elle encore s'élever demain ? Rien n'est moins sûr. En tout état de cause, ce tournant ne peut pas être pris sans un débat et un vote au Parlement.

Enfin, la réintégration de la France dans l'OTAN aurait pu se comprendre comme un choix tactique s'inscrivant dans le cadre d'un projet ambitieux pour une Europe de la défense indépendante. Des bases solides pour l'Europe de la défense étaient d'ailleurs selon Nicolas Sarkozy la condition nécessaire à notre retour dans l'OTAN. En lieu et place, on trouve un maigre bilan.

Les importants moyens humains et financiers qui vont être mis au service de l'OTAN auraient eu plus de sens s'ils avaient été précédés par de nouveaux moyens mis au service de l'Europe. On ne peut demander à l'Europe de la défense de progresser tout en consacrant plus de moyens à l'OTAN. Il y a ici une contradiction forte qui ressemble à un choix trop facile de l'OTAN contre l'Europe.

Plus que jamais, il faut doter la France et l'Europe d'une vision stratégique. Les idéaux de paix et de démocratie que les pères fondateurs voulaient pour l'Europe, et qui sont les nôtres aujourd'hui, ne sont pas des horizons qu'il faut invoquer au détour d'un discours : ils sont les fondements réels de notre puissance et de notre rayonnement dans ce monde. L'Europe de la défense n'est pas seulement un dispositif militaire, c'est avant tout un pilier au service d'une identité propre, fondée sur le droit, l'esprit de justice et l'indépendance. Soyons-en sûrs : c'est de cette Europe dont les Etats-Unis et le monde ont besoin aujourd'hui."

samedi 21 février 2009

"République sociale" et "république démocratique" : deux combats à mener de front !


Cela fait maintenant plus d’un an que j’exprime mon inquiétude quant au sort fait aux libertés publiques fondamentales sur notre propre territoire. Et que j’appelle à faire à cette question la place centrale (pas exclusive certes, mais centrale) qui doit impérativement lui revenir aujourd’hui, dans le débat public
. Nécessité d’une vigilance permanente et d’une exigence sans faille quant au respect de ces libertés : cette réalité, aujourd’hui criante, je me suis souvent efforcé de la mettre en lumière auprès d’interlocuteurs divers, comme citoyen ou comme militant socialiste. Sans malheureusement être toujours entendu.
Je l’ai entre autres fait, il y a maintenant plus d’un an, comme animateur du groupe de réflexion que j’ai animé pour préparer les dernières élections municipales à Vincennes. À l'issue de ce travail collectif, nous étions un certain nombre à avoir tiré l'enseignement suivant : même au niveau local, la promotion des libertés et des droits de chacun et la vigilance quant au respect réel de ceux-ci est un axe d’action et de réflexion prioritaire. (Quelques mois plus tard en juin 2008, souvenons-nous, la Haute Autorité à la Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité rappelait à l'ordre Laurent Lafon et sa majorité.)
Je l’ai fait, au printemps 2008, lors d’une journée de travail organisée au CNAM par le “Pôle des reconstructeurs” en vue du Congrès socialiste de Reims. Dans un échange chaleureux par micros interposés, j’avais alors exprimé devant celle qui est depuis devenue Première secrétaire du PS, Martine Aubry, le sentiment suivant : malgré la crise économique et sociale qui se profilait (ou peut-être, justement, en raison de sa brutalité annoncée) il y avait urgence à ce que notre famille politique réinvestisse le champ des valeurs et des pratiques républicaines - combat qui fait en partie le coeur de notre engagement commun, à nous socialistes.
Ou encore, à la fin du mois d’octobre 2008, dans un courrier adressé à Laurent Lafon - et demeuré à ce jour sans réponse. Dans une lettre ouverte au Président de la République, des élus locaux de toutes sensibilités (y compris des élus UMP et Modem aux parlements français et européen) venaient de s’élever contre la politique du gouvernement dans les Centres de rétention administrative (dont le CRA de Vincennes), en particulier contre le fait qu’il serait de plus en plus difficile de contrôler réellement les conditions de vie faites aux personnes qui s’y trouvent retenues. Je lui demandais donc de m’indiquer clairement quelle était sa propre position sur ce sujet intéressant tous les élus de la République française, ainsi que la position de sa majorité municipale. (Voir mes posts du samedi 6 décembre 2008, et du mercredi 10 décembre 2008.)



Aujourd’hui, cet engagement personnel - quelquefois malicieusement moqué par quelques amis ou camarades qui, de façon d'un certain point de vue compréhensible, pensaient raisonnable de le passer par "pertes et profits" au profit d’autres sujets - apparaît plus que jamais d’actualité. Ce diagnostic et cet appel à la vigilance, et à une exigence sans faille en matière de respect des droits et des libertés publiques, s’avèrent à l’évidence gravement fondés.
Est-ce la connaissance raisonnée de l’histoire du 20e siècle ? Est-ce le résultat de l’accumulation de mesures et d’actions gouvernementales, qui en rend plus visibles les défauts? La question des libertés retrouve une place majeure dans le débat public, sur fond de vive inquiétude. Quelques éléments d’un état des lieux permettent de le comprendre !

Garde à vue : personne ne semble plus à l’abri, tant la procédure se banalise.
En huit ans, le nombre de personnes gardées à vue a explosé : en 2008, un Français sur cent (577 816 personnes, contre 336 718 en 2001) a subi ce régime de contrainte, dans des conditions souvent déplorable. En huit ans, le nombre de personnes placées en garde à vue a progressé de plus de 50 % ! Parce qu'ils ont simplement participé à une manifestation, qu'ils ont eu des mots envers des policiers ou le chef de l'Etat, des citoyens ordinaires sont poursuivis.

Lieux d’enfermement : remplissage jusqu’à saturation (et même au-delà). Tous les lieux d'enfermement se sont, en quelques années, remplis de façon spectaculaire. On le savait pour les prisons, dont le Parlement français, les instances européennes ou l'ONU ont dénoncé la situation scandaleuse. On le constate également pour les centres de rétention pour étrangers en situation irrégulière ou pour les hospitalisations sans consentement dans des services psychiatriques.

Vers un espace public saturé de systèmes de surveillance - eux-mêmes mal contrôlés.
Dans le même temps, les fichiers (rappelons-nous l’épisode du “fichier Edvige”) et les équipements de surveillance (vidéosurveillance) se sont multipliés - tandis que les organismes censés en contrôler l’utilisation voyaient leurs moyens progresser beaucoup moins vite. Une prolifération qui se fait dès lors dans des conditions souvent opaques et discutables, et dictée beaucoup plus par une logique de “marketing politique” que par une volonté d’efficacité. Prolifération aussi de l'arsenal législatif. Depuis 2001, dix-sept lois ont, d'une manière ou d'une autre, renforcé les moyens de la police et de la justice pénale. C’est dire le soin apporté à la conception et à l’application de chacune. Et quatre nouveaux textes sont en préparation !

Tout cela au service d’une action finalement inefficace, voire dangereuse.
Les chiffres officiels témoignent que, en réalité, l'insécurité la plus traumatisante (les atteintes aux personnes) a continué à progresser. Quant aux risques de dérapage qu’une telle politique multiplie - d’autant plus qu’une situation économique et sociale cruelle polarise les attentions -... n’insistons pas. On a déjà vu que le principe même de liberté, le sentiment de sa réalité sur le territoire de la République française pour nos concitoyens, se trouve bel et bien fragilisé (voir mon post du lundi 5 janvier 2009). Non seulement inefficace, la politique actuellement menée par le gouvernement apparaît donc dangereuse.



Dans ce contexte, j’aperçois avec soulagement au sein du Parti socialiste des indices d’un sursaut salutaire... et nécessaire !

Ainsi, lors de la réunion de lancement de “L’Espoir à gauche” (le 31 janvier dernier), Vincent Peillon a rappelé la place essentielle du combat pour les libertés publiques dans l’engagement commun des socialistes. Réaffirmant - comme le montre l’histoire de notre famille politique - que la question de la démocratie a toujours été, pour la gauche, un combat absolument central, il a rappelé que “ce qu’a fait Jaurès fut de réconcilier la république démocratique et la république sociale. Un gain que l’on serait, à l’évidence, bien mal inspiré de “liquider” ! Cela accompagné d’un appel vigoureux et sans équivoque à la vigilance et à la combativité sur le terrain des libertés : "Quand les libertés sont en cause, nous devons nous lever !”
Etre en pointe dans la défense et la promotion de ces libertés n’est pas une option parmi d’autres, que l’on pourrait choisir en fonction de considération tactiques : c’est tout simplement une obligation dès lors que l’on est socialiste. Ne pas se résigner à sous-traiter ce combat à telle ou telle autre formation politique (comme revenait en quelque sorte à le faire, le fait d’ériger en enjeu majeur du Congrès de Reims la question d’éventuels accords futurs avec l’appareil politique du Modem, avant tout travail approfondi sur la base de nos propres valeurs), assumer pleinement notre histoire en étant en première ligne sur un enjeu aussi actuel que celui-ci : c’est aussi cela, être socialistes !

Est-ce cette voix forte qui a été entendue ? ou le degré d’exigence d’un nombre croissant de militants socialistes - et tout simplement de concitoyens ? En tout cas, le PS semble s’être décidé à reprendre, face à cette question, toute sa place dans l’espace public. En effet, devrait paraître dans quelques semaines un “Livre noir” sur les libertés publiques, fruit d’un travail coordonné par Marie-Pierre de La Gontrie (secrétaire nationale chargée des libertés publiques et de l’audiovisuel). Ce document passera au crible la politique en matière de reconduites à la frontière, de sécurité et de médias, ainsi que la réforme de la justice et la question de l’équilibre des pouvoirs. Cette initiative – qui pourrait se prolonger, fin mars, par un rassemblement de l’ensemble de la gauche sur le thème des libertés publiques – vise à mettre au coeur du débat une problématique sur laquelle Nicolas Sarkozy et ses proches apparaissent de plus en plus contestés. Elle procède aussi de la conviction, réaffirmée par Marie-Pierre de La Gontrie à son tour, que « la défense des libertés publiques ne doit pas être considérée par les socialistes comme un supplément d’âme».

Comme militant, j’y vois aussi un appel à amorcer une réflexion collective et courageuse sur des questions comme : les conditions de régularisation des sans-papiers ; les moyens efficaces et raisonnables d’assurer réellement la sécurité de nos concitoyens (quid de l’installation de caméras de surveillance dans les lieux publics ? comment mettre un terme à certains comportements policiers – et gendarmesques - inacceptables ?) ; quel contenu donner au secret de l’instruction ; comment assurer réellement la protection des sources des journalistes ?... Autant de questions que, pour les socialistes que nous sommes, il ne s’agit certainement plus d’esquiver ! Plaçant la mise en oeuvre des principes républicains, et notamment de la liberté, au coeur de mon engagement (voir mon post du mercredi 21 janvier) et de la nécessaire “revitalisation” du PS, on comprendra que je m’en réjouisse !


samedi 14 février 2009

Conquérir tous ensemble en Val-de-Marne : un programme d’action qui mobilise !


Hier soir
(vendredi 13 février) se réunissaient à Maison-Alfort les secrétaires de plusieurs sections socialistes du Val-de-Marne. Au programme : prise de contact, et présentation générale de la démarche militante que j’ai amorcée, suite à mon expérience lors de nos dernières campagnes, afin de renforcer notre rôle et notre présence dans l’espace public dans les villes actuellement “tenues” par la droite.
Nous avions notamment pu commencer à faire connaître cette démarche, il y a quelques mois, lors d’un Conseil fédéral où je m’étais adressé à cette fin aux militants et responsables fédéraux présents. Nous avions alors été rejoints par des camarades de plusieurs communes du Val-de-Marne, notamment Charenton et Saint-Maurice, puis Maison-Alfort.

Depuis quelques semaines, je m’étais évidemment réjoui d’être sollicité par plusieurs secrétaires de section de notre département (notamment du Perreux-sur-Marne et de Bry-sur-Marne) pour poursuivre ce travail qui leur paraissait utile, et profitable à notre engagement commun. J’avais toutefois souhaité attendre que la rentrée fédérale “officielle” ait eu lieu, que les nouveaux secrétaires de section aient pu s’installer dans leur fonction, et que j’aie eu l’occasion de rencontrer personnellement notre nouveau Premier secrétaire fédéral (ce que j’ai eu l'occasion de faire en marge de la journée de réflexion d’Alfortville le 25 janvier dernier), avant de prolonger notre démarche.

Malade (le contre-coup de plusieurs semaines un peu... éprouvantes ?), je n’ai pu être présent à ce dîner, de même que plusieurs camarades qui s’en étaient excusés (les secrétaires de section de Saint-Mandé, Sucy-en-Brie, Joinville-le-Pont notamment). J’avais donc demandé à ma secrétaire de section de me représenter.
Toutes et tous ont cependant pu prendre connaissance de notre travail et de ses enjeux. J’avais notamment envoyé à nos camarades en responsabilité depuis peu les deux documents nés des réunions de travail que j’avais organisées, définissant l’esprit de notre démarche et proposant des axes de travail et d’action. Ces textes avaient été précédemment mis en ligne sur le forum internet ouvert par la fédération afin que puissent en prendre connaissance les différents candidats à la fonction de Premier secrétaire de la fédération socialiste du Val-de-Marne - dans un premier temps Denis Weisser, Akli Mellouli, et Luc Carvounas, actuel Premier secrétaire fédéral.


Denis Weisser, Akli Mellouli, Luc Carvounas


Ainsi que je l’ai confirmé à ceux de nos camarades conviés à ce dîner, je suis naturellement disponible pour donner corps aux objectifs que nous avions commencé à définir. Je travaillerai, en particulier, à informer et à mobiliser nos militants quelles que soient leur fonction et, bien sûr, leur ancienneté dans notre famille politique. Certains d’ailleurs me font déjà savoir qu’ils souhaitent prendre une part active à cette démarche... Autant de signes très encourageants !

jeudi 12 février 2009

Crise dans les DOM : le Parti socialiste sera sur le terrain dès samedi pour compléter ses propositions

Dans mon post de dimanche dernier, j'ai souligné quelques enjeux qui me paraissent être en cause dans la crise actuelle dans les Outre-mers et dans une prise en charge sérieuse de celle-ci. En cette fin de semaine, le Parti socialiste montre qu'il entend prendre à bras le corps le travail appelé par cette crise.

Ainsi Vincent Peillon, député européen et pressenti pour jouer un rôle clé dans l’animation de la prochaine campagne pour les élections européennes, a critiqué hier (mercredi11 février) la gestion de la crise en Guadeloupe, qui montre selon lui que Nicolas Sarkozy "gouverne mal".

"On voit qu'il y a le Premier Ministre (François Fillon) en coupe-feu entre le secrétaire d'Etat (à l'Outremer Yves Jégo) maladroit et le président de la République absent", a commenté ce proche de l'ex-candidate à la présidentielle Ségolène Royal, sur i-Télé.

"C'est très préoccuoant pour ces gens qui sont dans une situation d'une extrême difficulté, mais c'est préoccupant aussi pour l'art de gouverner", a-t-il jugé. "Ce qui pose problème aujourd'hui aux Français, c'est que Nicolas Sarkozy gouverne mal", a-t-il affirmé.

Selon lui, "il n'y a pas de résultats, il n'y a pas de ligne, il y a de la confusion, de l'agressivité, des attentions sélectives, des pans entiers de la population qui ne sont pas écoutés, pas pris en compte et à un moment, quand la crise est là, cette façon de gouverner, cette présidence "ça m'suffit" qu'on a eu pendant un an et demi (...), elle trouve ses limites". (Pour un aperçu plus complet de cette intervention de V. Peillon, avec notamment son appel à construire un rassemblement de tout le Parti socialiste sur des bases sérieuses et loyales, voir la synthèse et la vidéo mis en ligne sur son blog à l'adresse suivante : http://peillon.typepad.fr/index/2009/02/nicolas-sarkozy-gouverne-mal.html .)


Dans ce contexte, et “devant la dégradation de la situation dans les Outre-mers”, le PS enverra samedi deux délégations aux Antilles et à la Réunion, “pour analyser avec sérieux la situation, écouter la population et ses représentants, dans un esprit de solidarité et de responsabilité”, et en vue de compléter ses propositions lors du débat pour la prochaine loi sur l'outre-mer.

Les députés Christian Paul, ex-secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, et François Lamy, conseiller politique de Martine Aubry, se rendront samedi en Guadeloupe et dimanche en Martinique.

Le député Arnaud Montebourg et et le sénateur David Assouline iront à La Réunion samedi matin, accompagnés de David Lebon, directeur de cabinet adjoint de Martine Aubry.

"Ils rendront compte de leur mission aux instances nationales du Parti socialiste dès leur retour", ajoute le communiqué adressé par le PS à la presse.

Pour le député Christian Paul, ancien secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, qui part aux Antilles, ce “marathon de rencontres” (les élus guadeloupéens samedi, martiniquais dimanche, les représentants des organisations syndicales et comités créés pour ce combat contre la vie chère, les socio-professionnels et les deux fédérations du PS) doit permettre de faire "un point de la situation le plus précis possible" au lieu “d'analyser uniquement depuis Paris".

mercredi 11 février 2009

Recherche et enseignement supérieur : les raisons d’un mécontentement massif


Qu’est-ce qui sous-tend les protestations massives contre la politique annoncée par Valérie Pécresse (ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche) ?
En quelques lignes - sans doute un peu “sèches” et schématiques faute de temps, je m’en excuse -, voici quels éléments de réponse j’ai retiré à la fois de mes lectures et de mes échanges avec des acteurs concernés (enseignants, enseignants-chercheurs, étudiants). Ils s’articulent autour de cinq problématiques.

1. La réforme du statut des enseignants-chercheurs

À l’heure actuelle, c’est le “décret de 1984” qui s’applique : les universitaires sont engagés (comme maîtres de conférence et comme professeurs) par des commissions locales de spécialistes, en fonction d’une liste de “qualifiés” (établie par le Conseil national de suniversités, CNU). Les promotions sont décidées pour moitié localement, et pour moitié au niveau national (par le CNU), dans tous les cas en fonction des critères suivants : qualité de leurs recherches (surtout pour le national), qualité de leur enseignement et participation à l’administration de l’université (surtout au niveau local).

Ce que la réforme annoncée changerait : 95% des promotions seraient décidées au niveau local (par une commission nommée par le Président de l’université) ; c’est aussi ce Président qui déciderait comment chaque universitaire doit répartir son temps entre l’enseignement, et ses travaux de recherche ; l’évaluation du travail de chaque universitaire aurait lieu systématiquement tous les 4 ans.

Ce qui "bloque" :
- les risques de “localisme” voire de “clientélisme”,
- une évaluation approximative et “à la louche” du travail des universitaires (basé principalement sur la quantité d’articles et d’études signés),
- un “rabotage” du temps disponible pour la recherche,
- la perte d’indépendance des universitaires (alors que le principe de cette indépendance est affirmé dans la Constitution),
- à un moment où l’encadrement et l’accompagnement des étudiants doit d’urgence être amélioré, la réduction annoncée des effectifs d’universitaires promet une dégradation de la qualité de leur travail (charges de cours croissantes pour la majorité d’entre eux, moins de temps pour la recherche).

2. La masterisation de la formation des enseignants (primaire et secondaire)

À l’heure actuelle, les enseignants pouvaient être recrutés à partir de bac +3 (niveau licence) - pour les agrégés, niveau maîtrise soit bac +4 -, sachant que les titulaires du CAPES (Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) ont souvent un niveau d’études plus élevé que cela.

Ce que la réforme annoncée changerait : les enseignants seraient recrutés à partir de bac + 5 (niveau master, c’est-à-dire l’ancien DEA). Le gouvernement fait valoir que, recrutés à un niveau d’étude plus élevé, les enseignants bénéficieront de salaires plus élevés.

Ce qui "bloque" :
- une baisse du niveau de compétence demandé dans les concours de recrutement (pour le concours de recrutement des professeurs des écoles ou pour le CAPES, le nombre et le poids des épreuves exigeant une maîtrise technique des disciplines seraient diminués, tandis qu’apparaîtrait une épreuve générale de “connaissance du système éducatif”) ;
- les futurs “masters enseignement” comporteraient trop peu de stages pratiques “sur le terrain”, préparant à l’exercice concret du métier d’enseignant ;
- pour les étudiants, c’est une ou plusieurs années d’études supplémentaires à financer (insuffisamment compensées par les systèmes de bourses annoncés et par l’indemnité de 300 euros par mois maximum envisagée pour le stage en 5e année).

3. Les moyens humains et financiers disponibles dans les universités

Valérie Pécresse dit consacrer, sur le plan budgétaire, un «effort sans précédent pour la recherche et les universités».

Valérie Pécresse,
ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche




Les présidents d’université et les syndicats affirment que c’est en réalité le contraire : plus de 1000 suppressions d’emplois dès 2009, suivies d’autres suppressions dans les années à venir, transferts de charges obligeant les universités “autonomes” à assumer des tâches supplémentaires sans les moyens supplémentaires que cela exigerait... suscitent la colère même des présidents d’université les mieux disposés vis-à-vis du gouvernement.

4. Les organismes de recherche et leur fonctionnement

Le 22 janvier, Nicolas Sarkozy a donné un an aux organismes de recherche (CNRS, Inserm...) pour se transformer en “agence de moyens”. C’est-à-dire en distributeurs de crédits à des “opérateurs de recherche” (les universités).

Ce qui "bloque" (par la plupart des chercheurs des organismes de recherche concernés, par des universitaires travaillant dans les Unités mixtes de recherche, par le prix Nobel de physique Albert Fert...) :
- cette transformation est impossible dans les délais fixés ;
- les réformes prévues dans cette logique font courir le risque d’un éclatement de ce qui est actuellement la véritable colonne vertébrale du système de recherche français (saucissonnage du CNRS en “instituts”, mise en cause de l’affiliation au CNRS de nombreuses Unités mixtes de recherche, remplacement progressif des crédits de base par des crédits pour tel ou tel programme thématique décidé par une Agence nationale de la recherche sans conseil scientifique.

5. L'importance accordée aux conditions de travail et de vie des étudiants

Valérie Pécresse estime avoir déjà fait beaucoup : revalorisation du plafond des bourses sur critères sociaux (c’est-à-dire révision à la hausse du niveau de revenus des parents à partir duquel un jeune peut bénéficier d’une bourse) ; création d’un sixième échelon de bourses correspondant à l’exemption des frais d’inscription.

Ce qui est demandé par les organisations étudiantes (qui voient dans les éléments ci-dessus un “saupoudrage”) :
- des mesures concrètes pour le pouvoir d’achat des étudiants qui sont parmi les premières victimes de la crise, par exemple en accordant aux boursiers un “dixième mois” de bourse et en augmentant le niveau des bourses (UNEF),
- une aide à la recherche du premier emploi sous forme d’une allocation (versée pendant 3 mois à 1 an), pour faire face au “sas de précarité” qui menace de piéger les jeunes entre la fin des études et la première embauche (en particulier les boursiers se retrouvat démunis de toute ressource) (UNEF),
- des efforts conséquents pour améliorer la qualité de l’encadrement et de la pédagogie dont bénéficient les étudiants pendant leur formation (FAGE),
- définition et mise en oeuvre d’un plan pluriannuel de recrutement pour cela (FAGE).

Pour approfondir la question, je vous renvoie à la page qui s'y trouve consacrée sur le site de la fondation Terra Nova (avec notamment deux entretiens filmés et des liens vers plusieurs articles) : http://www.tnova.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=605

mardi 10 février 2009

Enseignants-chercheurs: la démonstration de force (source : AFP)


(Source : Reuters)

Après une mobilisation réussie mercredi dernier, les enseignants-chercheurs ont remis ça aujourd'hui, avec succès.

Au total, ils étaient entre 43 000 et 100 000 manifestants à travers la France: entre 17 000 et 50 000 dans les rues de Paris, près de 5000 à Lyon, entre 1 200 et 2000 à Grenoble et plus 600 à Clermont-Ferrand. A Montpellier aussi la mobilisation a été forte (1.400 selon la police, à 3.000 selon les organisateurs). A Lille, les syndicats tablent sur 1.200 manifestants. A Toulouse, le compteur affiche: 5000 manifestants.

Plusieurs présidents d’universités se sont moblisés, comme ceux de Toulouse-II et Paris-VIII. Mais le succès de cette mobilisation s'explique surtout par le soutien des étudiants et dans une moindre mesure des lycéens, répondant à l'appel de plusieurs organisations. (Unsa-Education, AutonomeSup, la Fage, la Confédération étudiante (Cé) et les lycéens de l’UNL). L'Unef appelle à une nouvelle journée «de grèves et d'actions des étudiants» jeudi.

Déjà très mobilisés sur le décret Pécresse, des doctorants lyonnais ont lancé ce mardi une campagne nationale de signatures autour d'un texte consacré à un aspect moins médiatisé de la mobilisation actuelle: le projet de décret de contrat doctoral unique.

«La mobilisation a atteint un cap»

L'ampleur de la mobilisation le confirme: la nomination hier par Valérie Pécresse d'une médiatrice chargée de «retravailler» le projet de décret ne convainc pas. «C'est une ridicule provocation qui n'est pas à la hauteur des milliers de manifestants», répond ce mardi Jean Fabbri, secrétaire général du Snesup-FSU, principal syndicat de l'enseignement supérieur.

Dans le même temps, Jean-François Copé, le patron du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a annoncé la création d'un groupe de travail, composé de trois députés UMP, sur la réforme contestée du statut des enseignants-chercheurs. Daniel Fasquelle, Claude Goasguen et Benoist Apparu vont désormais «travailler aux côtés de Valérie Pécresse». Il s'agit de «d'assurer le suivi de la mission de médiation qu'elle vient d'initier».

Le PS, les Verts, le NPA (le nouveau parti d'Olivier Besancenot) et le député UMP (villepiniste) François Goulard demandent le retrait du décret tandis que le député UMP Daniel Fasquelle entend aller plus loin en déposant dès lundi une proposition de loi visant à «améliorer» le projet de décret.

«La mobilisation a atteint un cap. Les étudiants sont inquiets. Aujourd'hui, c'est trop tard, il faut que Valérie Pécresse renonce à sa réforme sur les enseignants-chercheurs», ajoute Jean-Baptiste Prévost, président de l'Unef.

La ministre Pécresse a rendez-vous mercredi à 16H00 avec une partie de la communauté universitaire. Certaines organisations, comme le Snesup-FSU, refusent d'y participer.

lundi 9 février 2009

Suppression de la taxe professionnelle : quel impact, quelles perspectives ?


Lors de son entretien télévisé de jeudi dernier (5 février), Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de supprimer la taxe professionnelle. Pour rappel, il s’agit d’un outil fiscal créant un lien entre les entreprises et les territoires où elles se trouvent, pour permettre aux collectivités locales de réaliser les infrastructures et les services publics nécessaires à l’activité économique sur ces territoires. Pour le "non-expert" que je suis en matière fiscale, c'est un champ de réflexion certes technique mais intéressant qui s'ouvre, et que j'entends prendre le temps d'investir car il me paraît important (quelle compensation pour le manque à gagner ? quelle(s) solution(s) alternative(s) envisager ? etc.).
En attendant, je reproduis ici le communiqué, reçu de mes camarades de la fédération du Rhône, que Gérard Collomb a adressé à la presse le 6 février, en tant que maire de Lyon, Président du Grand Lyon et de l’association des communautés urbaines de France.

" Je suis surpris de cette annonce de suppression de la taxe professionnelle alors qu'aucune concertation ni aucune étude sérieuse n'ont été menées pour envisager sa substitution.

Il est sans doute facile au Chef de l'Etat de décider la suppression d'une taxe dont les revenus constituent la première recette des collectivités dans leur ensemble, et notamment des organisations intercommunales.

C'est là une annonce qui vient contrecarrer un plan de relance pour lequel les collectivités locales, qui représentent 73% de l'investissement public en France, sont appelées à se mobiliser massivement.

Au total, la taxe professionnelle représente aujourd'hui 25 milliards d'euros (soit 40% du total de l'impôt sur le revenu des ménages par exemple, ou encore 40% de l'impôt sur les sociétés).

On voit donc les conséquences que pourrait entraîner cette suppression si aucune solution de substitution satisfaisante n'était mise en place.

Il eût certainement été plus difficile au Président de la République de supprimer ou de baisser une taxe perçue par l'Etat…

Dans le Grand Lyon, le produit de la taxe professionnelle s'élève en tout à 785 millions d'euros. Le Grand Lyon en perçoit 523 millions (soit 50% de ses recettes), le Département et la Région se partageant le solde.

Une telle mesure ne peut donc être prise sans qu'ait été préalablement trouvé un impôt équitable qui continue à assurer le lien entre les entreprises et les territoires, et qui permette aux collectivités locales de réaliser les infrastructures et les services publics nécessaires à l'activité économique.

Pour cela, comme Président de la première Communauté Urbaine de France et comme Président de l'Association des Communautés Urbaines, je souhaite que le Gouvernement apporte dans les plus brefs délais une réponse aux interrogations qui sont celles des élus locaux et des habitants de leur collectivité."


Gérard Collomb, maire de Lyon

dimanche 8 février 2009

Retour (vital) vers le présent !


Entre 15 000 et 20 000 personnes ont manifesté jeudi dans les rues de Fort-de-France
contre la vie chère. (AFP)



Est-ce l’effet de la programmation d’une chaîne hertzienne trois jeudis soirs de suite ("Retour vers le futur" I, II, et III) ? Cette fin de semaine a porté jusqu’à mes oreilles une information qui, en quelque sorte, me ramène de plusieurs semaines (ou mois !) dans le passé. Une de mes camarades se demande si j'ai "changé de motion". D’abord amusé qu’elle puisse occuper certains esprits, j’ai ensuite trouvé cette question intéressante, par le "témoignage" qu’elle appelle de la part du militant socialiste que je suis.

1) Dans semaines précédant le dernier Congrès du PS, qui s’est tenu à Reims du 14 au 16 novembre derniers, j’ai choisi après avoir beaucoup réfléchi de soutenir une motion et d'en informer personnellement ses représentants dans notre département. Cette motion, c’était la motion E. J'en ai porté les valeurs et partagé les aspirations, notamment en étant candidat au secrétariat de section au titre de la motion E. En effet, ces valeurs et ces aspirations me sont apparues en phase avec la période de son histoire où se trouve le Parti socialiste, et avec les exigences auxquelles nous, socialistes, devons aujourd'hui répondre dans l'espace public.
Pour les mêmes raisons, je reste convaincu de leur justesse dans la réalité d'aujourd'hui, et de leur fidélité profonde à l'idéal socialiste. C'est pourquoi j'ai décidé de rejoindre le pôle de travail "L'espoir à gauche". Je souhaite y trouver un espace collectif, marqué notamment par l'esprit que représente à mes yeux quelqu'un comme Vincent Peillon (exigences de rigueur et d'efficacité, de fidélité aux valeurs historiques du socialisme et d'ouverture sur le monde tel qu'il va). Pour mieux contribuer à notre travail collectif, à nous socialistes.
[NB : à la demande de plusieurs camarades, que je remercie de leurs remarques, les lignes qui précèdent ont été récrites pour ne laisser place à aucune ambiguïté.]

2) Pendant la préparation de ce Congrès, j’ai fait mon possible (lorsque j’ai pu décider de ma place sur les listes) pour ne pas siéger à son issue dans telle ou telle instance officielle simplement comme représentant d’une motion. Pour plusieurs raisons. Notamment celle-ci : le plus souvent possible, c’est en fonction d’objectifs de travail concrets, et en fonction des réalités que je perçois sur le terrain (au milieu de mes camarades et de mes concitoyens), que je fixe le cap et la forme de mon engagement militant à travers le temps. En outre, j'ai souhaité conserver le plus possible ma liberté de réflexion, dans une période pour le moins mouvementée, et en tout cas charnière, de l’histoire de ma famille politique.

3) Aujourd’hui, j’avoue ne pas raisonner spontanément avant tout en termes de “motions”. Pourquoi ?
Pour s’en tenir aux raisons politiques, disons d’abord que le positionnement de celles-ci les unes par rapport aux autres (quelquefois même leur organisation interne!) continue à connaître de sérieux “ajustements”. Ce qui, d’ailleurs, n’est pas illogique, ni mauvais.
Par ailleurs, étant donné le moment de leur histoire où en sont les socialistes - et au-delà, les progressistes -, et le moment de notre histoire où nous nous trouvons - à l’orée d’un 21e siècle où nous n’en finissons pas de rentrer laborieusement -, c’est davantage sur d’autres horizons que celui des “motions” héritées du Congrès de Reims que mon regard se porte en priorité.

L’horizon - encore flou - d’un socialisme du 21e siècle, dont les frontières restent à explorer, et à l’élaboration duquel des socialistes de sensibilités diverses (Vincent Peillon, Pierre Moscovici...) ont actuellement en commun d’essayer de donner la nécessaire impulsion. Ce qui passe par une phase de réflexion approfondie à laquelle nous avons, aussi, besoin de consacrer du temps.
C’est ce qui m’a conduit, dernièrement, à assister à l’assemblée inaugurale de “Besoin de gauche”, il y a deux semaines à Alfortville (voir mon post du dimanche 25 janvier 2009). Une journée de travail où c'est vrai - ce n’est pas une surprise vu mon parcours militant depuis 1999 et vu l’ouverture d’esprit qui caractérise Pierre Moscovici -, ont été mis en avant beaucoup d’axes de travail dans lesquels je me retrouve aussi, et un état d’esprit (“loyauté et liberté”) que je partage largement. (Voir le résumé qu’en fait P. Moscovici sur son blog, à l’adresse suivante : http://moscovici.typepad.fr/blognational/2009/01/besoin-de-gauche-2.html.)

L’horizon - en mouvement - du département
. Pas simplement parce que je suis régulièrement amené à me déplacer à travers le nôtre (hier encore, à Saint-Maurice). Cela crée des liens, certes. C’est aussi parce qu’il s’agit d’un échelon auquel on pense de plus en plus pour prendre en charge un certain nombre de difficultés que la crise actuelle réserve aux Français dans les mois à venir (je n’ai malheureusement pas eu le temps d’en parler, comme je l’aurais aimé, avec le conseiller général du canton de Vincennes-Est, Jean-Michel Seux, croisé hier après-midi à la Maison des associations de Vincennes lors de l’Assemblée générale de l’association des riverains du RER A). Ce qui pourrait appeler une modulation ou un recentrage des missions incombant aux collectivités territoriales concernées, et appelle donc réflexion. On aura l’occasion d’y revenir.

L’horizon - politique, culturel et humain - des territoires où se joue, aussi, notre entrée dans le 21e siècle et notre capacité à développer les atouts qu’il exige. En France, je pense aux zones sensibles (et plus largement aux groupes sociaux fragilisés) et aux DOM-TOM, comme la Guadeloupe et la Martinique. Là se jouent, on le voit en ce moment même, les défis de la régénération du lien social et du maintien de la cohésion nationale - tous deux indispensables pour prendre une part féconde dans un contexte de mondialisation accélérée et, à l’occasion, brutale. Là se joue, aussi, la prise à bras le corps du défi de la diversité culturelle : je participais ainsi la semaine dernière, à Créteil, à une séance de travail en vue de transposer en Ile-de-France un projet remarquable à cet égard, déjà mis en oeuvre à la Réunion.
Au-delà, je pense à l’Union européenne. Au-delà encore, à l’Amérique latine (où, comme le souligne Pierre Moscovici dans son livre La France dans un monde dangereux, d’expériences en matière de démocratie participative en politiques de distribution sociale des fruits de la croissance, se déploie une dynamique progressiste qui ouvre des perspectives pour construire un autre rapport à la mondialisation) ; au continent africain (j’aurai l’occasion d’y revenir) ; aux “géants émergents” (Chine, Inde). Vers ces horizons, nous devons aussi savoir nous tourner attentivement, et même tendre, pour comprendre tout ce que nous avons vocation à faire - y compris chez nous, au niveau local.

Amusons-nous à changer deux lettres à la question mentionnée au début de ce post, et l’on touchera au coeur des choses : sans doute suis-je ces temps-ci, y compris pour des raisons politiques, “chargé d’émotion”, et porté à l’écoute et à la réflexion. Dans la période actuelle, et face à celle plus dure encore qui s’annonce, comment ne pas l’être ? Et, vu ce que sont nos responsabilités et notre engagement communs, quoi de plus normal et de plus mobilisateur, pour n’importe quel militant socialiste ? Le tout est d’en faire bon usage, là où l'envie, les compétences et les disponibilités le permettent, et de la façon la plus complémentaire possible. Le congrès derrière nous, il y a tant à faire, tous ensemble!

dimanche 1 février 2009

Une semaine (et une entrée dans l’année 2009) placée(s) sous le signe du manque


La semaine politique - disons plus largement, citoyenne - s’est achevée pour moi cet après-midi, à la Maison de la Mutualité. Le Parti socialiste réunissait les siens pour une journée de travail articulée principalement autour du plan de relance alternatif rendu public le 20 janvier dernier, et de la préparation des élections européennes de juin prochain.
Dans l’ensemble, impression de force et de cohésion dans la volonté d’être présents au côté de nos concitoyens, et de bâtir un projet politique alternatif. Pour être honnête, et même si ce n'est pas là l'essentiel, j’ai regretté à quelques reprises la persistance d’une rhétorique "de congrès" dans une période qui ne l’exige pas. Ni à l’intérieur du PS, où l’on aurait tort de prendre à la légère ou d’ignorer le travail toujours nécessaire pour surmonter les “séquelles” du Congrès de Reims. Sous peine de ne pas faire redémarrer collectivement, comme le soulignait hier Vincent Peillon, tout le PS. Ni dans l’espace public où nos concitoyens, sonnés par une crise multiforme, sont aussi d’autant plus exigeants vis-à-vis des acteurs politiques.
Pour moi, cette journée aura aussi été l’occasion de retrouver avec plaisir des camarades de diverses sections du Val-de-Marne, avec qui nous ne nous étions pas croisés depuis la fin 2008.
Plus largement, elle offrait une belle occasion de faire le point sur les mouvements qui ont travaillé la France au cours des derniers mois et des derniers jours, et sur leur signification. Notamment en échangeant avec des militants issus de fédérations et de milieux professionnels très divers, mais aussi avec des responsables syndicaux et associatifs.
Ce soir, une douloureuse évidence s’impose : nous sortons d’une semaine placée (comme le début d’année) sous le signe du manque. Pour s’en tenir au champ politique, manque d’écoute ; manque de perspectives d’avenir ; manque de travail ; difficultés (annoncées ou déjà effectives) d’accès aux biens de première nécessité ; manque de coordination et de cohérence dans l’action.


Manque d’écoute

Le 5 juillet dernier, devant le Conseil national de l’UMP, Nicolas Sarkozy affirmait avec une satisfaction narquoise que “désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit”. La formidable mobilisation de jeudi a, de façon éclatante, balayé ce propos aussi aberrant que fanfaron.
Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs souligné lui-même, en reconnaissant aux manifestants “une inquiétude légitime”, et en se reconnaissant “un devoir d’écoute, de dialogue”. Mais au-delà de ce mea culpa convenu, quels actes concrets ? Rien, si ce n’est la confirmation par le Président de la république d’un rendez-vous avec les syndicats - déjà fixé avant la grève - en février.
Gageons que, dans le même temps, se poursuivra le rabotage des libertés publiques par lequel l’exécutif, plutôt que de s’employer à effacer les causes du mécontentement général, se complaît à empêcher ce mécontentement de s’exprimer.
De notre côté, nous, socialistes, affirmons avec force notre volonté de reprendre toute notre place dans l’espace public, au côté de nos concitoyens. C’est, à l’évidence, le meilleur moyen de les entendre. Pour ma part, je suis sincèrement heureux de cet état d’esprit général, et je le crois prometteur. Cafés-débats, tenue de notre permanence électorale de la rue Raymond-du-Temple, distributions de tracts, mobilisations dans le département, longues discussions au détour d’une rue ou d’un marché... Depuis deux ans, il n’y a pas un jour de la semaine où, avec de nombreux camarades, nous n'ayons pas arpenté nos rues et échangé avec “mes” concitoyens. Pour ce que j’en ai vu, comme coordinateur des actions de terrain ou comme directeur de campagne, nous avons collectivement réussi à être la force politique la plus présente dans Vincennes lors des dernières campagnes - et finalement depuis deux ans.
Bien sûr, cela prend du temps et de l’énergie. Mais c’est là ce qui donne à l’engagement et à la réflexion politiques une partie importante de ses racines, de son sens, et de sa force. À une condition : savoir s’organiser pour prendre le temps de la réflexion, sans quoi toute une partie de ces échanges si riches et de notre capacité à leur donner suite, au fil du temps, est vouée à se perdre. Pour cette raison, savoir mobiliser toutes les forces vives du PS n’est pas un luxe, mais bel et bien un pré-requis pour être à la hauteur de notre tâche.


Manque de perspectives d’avenir

Certains se sont moqués des manifestants de jeudi, en soulignant que protester contre une crise déjà en train de frapper, cela relevait au mieux de la superstition, au pire de l’ineptie. Les manifestants n’ont pas fait que protester. Et ils ne protestaient pas contre la crise, mais bien contre l’action d’un exécutif (gouvernement et Président de la république) incapable de leur offrir une perspective d’avenir. En arrière-plan, c’est bien l’exigence criante de perspectives d’avenir qui s’est fait entendre.
Ainsi que l’analyse Robert Lion (président de l’association Agrisud international et de Greenpeace France), “cette mobilisation appelle un recadrage politique” : il ne s’agit pas de “programmer une sortie de crise”, mais de “lancer la marche vers un modèle de société plus sobre et plus solidaire, moins fragile, respectueux des écosystèmes, plus durable”, ce qui passe par une “mutation” dans laquelle la société civile tout entière devra être partie prenante.
De ce point de vue, il y a incontestablement une part aussi vraie qu’énergique dans les propos de Julien Dray, relayé je crois par Bertrand Delanoë, et finalement par Martine Aubry, quand il appelle le Parti socialiste à “porter un projet alternatif de société” face à la crise. En effet, la question se pose de la répartition des revenus entre capital et travail. En effet, le système de production, vu les limites qu’il laisse apparaître aujourd’hui, s’impose à notre réflexion réformiste. Il faut donc “renouer avec l’ambition de créer et de porter un projet alternatif de société et de système de production”.
Il le faut d’autant plus que, “si ce ne sont pas les socialistes qui s’engagent fermement sur cette voie, alors d’autres le feront”. D’autant plus aussi, que sans cela le PS risque de s’enliser dans une “conception misérabiliste de la gauche” - celle d’une gauche qui “ne parle que de minima sociaux aux plus démunis, sans leur promettre autre chose qu’une bonification occasionnelle [et exceptionnelle] de 100 euros”.


Manque de travail et d’accès aux biens de première nécessité

L’amélioration du pouvoir d’achat était un des mots d’ordre de la grande mobilisation du 29 janvier. On sait à quelles difficultés de plus en plus de ménages (travailleurs pauvres, familles avec enfants, retraités...) sont confrontées pour “boucler le mois”. Cela s’est entendu en métropole. Entendons-le aussi en Guadeloupe. Depuis le 20 janvier en effet, la Guadeloupe est paralysée par une grève générale pour protester contre la vie chère. Le collectif d’organisations syndicales, politiques et culturelles à l’origine de cette grève porte un ensemble de revendications concernant notamment le prix des produits de première nécessité, le prix des carburants, le montant des loyers, le niveau des salaires. De fait, après la hausse des prix lors du passage à l'euro, les Guadeloupéens souffrent des marges pratiquées sur les produits d'importation - alimentation, vêtements, meubles, équipements ménagers...-, par les quelques groupes qui contrôlent l'économie insulaire. La pénurie d'essence (liée à la grève des stations-services) contribue largement au succès de cette grève.
Ces difficultés d’accès aux biens de première nécessité promettent de s’accentuer dans les mois à venir, y compris à l’échelle internationale. Dans son rapport annuel sur les tendances mondiales de l’emploi (présenté le 28 janvier), le Bureau international du Travail estime qu’en 2009 1,4 milliard de travailleurs vivront sous le seuil de pauvreté (avec moins de 2 dollars par personne et par jour), soit un retour en arrière de dix ans. Près de 45% de la population active ayant un emploi vivrait alors sous le seuil de pauvreté.
Les travailleurs des Pays en développement vont être les plus nombreux à basculer dans la pauvreté (surtout Afrique du Nord et Asie du Sud-Est). D’ici à la fin 2009, plus de 200 millions de personnes dans le monde pourraient basculer dans la catégorie des travailleurs extrêmement pauvres (moins de 1,25 dollar par jour).
À cela s’ajoute une aggravation prévisible du chômage. D’après le même rapport, le nombre de chômeurs dans le monde pourrait augmenter de 51 millions dans les douze prochains mois. Au total, jusqu’à 230 millions de personnes pourraient être sans emploi (contre 179 millions en 2007). Les économies des pays industrialisés seront les premières touchées. Dans les pays riches, le nombre de chômeurs devrait se porter entre 36 et 40 millions (contre 29 millions en 2007).
En France, les tout derniers chiffres du chômage montrent que nous abordons l’année 2009 avec un nombre de demandeurs d’emplois en hausse de 11,4% par rapport à l’année précédente. Fin décembre, ceux-ci étaient en effet 45800 de plus que fin 2007 (2,11 millions). Cette hausse touche aussi bien les hommes (+16,3%), les femmes (+6,4%), les jeunes (+19,5%), que les 50 ans et plus (+8,8%).


Manque de coordination et de cohérence

Le manque de coordination - ou de cohérence - entre les actions et les priorités - concrètes ou affichées - du gouvernement étaient bel et bien un des ressorts de la mobilisation de jeudi. Ainsi, le Collectif des Démocrates Handicapés dénonce-t-il l’absence de prise en compte concrète - en dépit des discours - de la situation de handicap au moment d’engager des réformes dans quelque domaine que ce soit. Ce collectif souligne par exemple que “la réforme de l’éducation nationale est proposée sans que la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire n’en soit une des priorités”.
Autre exemple, cette demande de la Fédération nationale des chauffeurs routiers : facilitation du crédit pour inciter les entreprises à conclure des accords sur les salaires. L’action du gouvernement sur ce plan reste insuffisante (voir mon post du 21 janvier). Alors même que la reconquête du pouvoir d’achat, promise si bruyamment par Nicolas Sarkozy tout au long de la campagne présidentielle, passe à l’évidence par là.
Manque de coordination aussi entre les gouvernements européens. Ils se sont initialement engagés en décembre 2008 à dépenser 1,5% du PIB européen pour soutenir l’activité, en puisant pour l’essentiel sur les budgets nationaux. Mais depuis, chaque Etat tend à agir en fonction de ses spécificités nationales (certains privilégiant l’action sur le taux de TVA, d’autres sur les investissements d’avenir...). De plus, l’impact de la “boîte à outils” mise sur pied dès octobre sous l’égide de Nicolas Sarkozy pour secourir les banques s’est vite essouflé. Et trois mois après, le dispositif est jugé “insuffisant”. Comme le souligne Daniel Gros (directeur du Centre d’étude des politiques européennes), c’est dès le mois d’octobre qu’a été manquée l’occasion d’une véritable action collective, les Etats ne réussissant pas à se mettre d’accord sur un fonds européen de gestion des actifs toxiques - chacun préférant finalement prendre chez soi des mesures nationales.
C’est ce qu’expliquent Laurence Boone et Raoul Salomon dans une tribune parue il y a quelques jours dans le journal Le Monde, intitulée “Ce que l’Europe a manqué avec la crise”. “Au-delà des grandes déclarations communes, à côté des baisses de taux concertées des banques centrales, il n'y a pas eu beaucoup plus de coordination au niveau européen qu'il n'y en a eu au niveau global, pour les plans de sauvetage du système financier, comme pour les plans publics de soutien à l'activité.” “Quant aux plans de relance, il n'y a pas plus de coordination des mesures budgétaires au niveau mondial - ce qui est normal - qu'au niveau européen. Les pays de la zone euro continuent de considérer que leur intérêt propre n'est pas intimement lié à celui de l'ensemble de la zone, comme s'ils sous-estimaient les interdépendances créées non seulement par des échanges importants, mais surtout par la monnaie commune.” Du coup, “les taux sur les emprunts d'Etat qui avaient convergé depuis la mise en place de l'euro - signe en partie d'une homogénéisation des risques perçus sur les Etats membres - se sont remis à diverger violemment”.
Conséquences concrètes : “cet écartement des taux d'intérêt va coûter près de 15 milliards d'euros ou plus d'un point de consommation aux contribuables italiens, 4 milliards ou deux points de consommation aux contribuables grecs. Au total, c'est 31 milliards de consommation en moins pour la zone euro. Sans coordination, l'Allemagne continue à s'endetter au meilleur prix avec le taux toujours le plus bas... Mais elle perd à refuser une relance commune, puisque la demande de ses pays voisins en est d'autant affaiblie. Ainsi, le coût de gestion de la crise au niveau européen risque d'être plus important que si une coordination pratique avait été instaurée : si un grand emprunt européen avait été mis en place pour la recapitalisation des banques, on peut penser que le coût de gestion de la crise, coordonnée, eût été moindre.”


Dans ce contexte, la tâche est historiquement lourde. La nécessité de penser un modèle de société (place de l’humain, répartition des richesses entre capital et travail, reconstitution de liens et de solidarités efficaces y compris par-delà les frontières nationales...), combinée au durcissement du quotidien pour les ménages et les travailleurs, est porteuse d’une triple responsabilité pour les progressistes que nous sommes.
Etre au côté de nos concitoyens pour percevoir les nouveaux possibles que le délitement d’un modèle à bout de souffle commande d'inventer.
Savoir nous rassembler pour être collectivement à la hauteur des circonstances.
Nous donner le temps et les moyens de penser collectivement les nouvelles logiques qu’il s’agit de mettre en place pour sortir, durablement et dans les meilleures conditions, de ce goulot d’étranglement où nous nous trouvons écrasés chaque jour un peu plus.
C’est dans cette optique qu’il nous faut préparer les prochaines élections européennes - auxquelles cet enjeu donnera à l'évidence une signification majeure.