lundi 29 décembre 2008

Diversité : l’heure n’est déjà plus aux mesures “gadgets” et à l’agitation de “symboles” !


Rapide synthèse de deux articles à paraître dans Le Monde du 30 décembre (et déjà mis en ligne sur le site LeMonde.fr). De quoi compléter mon précédent post sur les limites prévisibles de l’ “approche Sarkozy” en matière d’ “égalité réelle des chances” à l’école faute d’une politique véritablement cohérente, et d’une réelle volonté d’efficacité vis-à-vis des individus victimes des ségrégations sociale et territoriale...

Le "plan banlieue" reste très loin de ses objectifs (d'après un article de Luc Bronner)...
Pour l'emploi, considéré comme le dossier le plus important, moins de la moitié des objectifs ont été tenus. Le secrétariat d'Etat annonce 2 000 contrats autonomie signés fin 2008, contre 4 500 prévus à cette date et 45 000 promis en trois ans.
Difficultés aussi dans la mise en place du "busing", dispositif importé des Etats-Unis pour favoriser une plus grande mixité sociale dans les écoles. Lors de l'annonce du plan, il y a dix mois, M. Sarkozy avait fixé l'objectif de 50 communes expérimentant ce modèle d'affectation des élèves des quartiers dans des écoles plus favorisées. Fin 2008, seules sept communes s'étaient lancées dans l'opération. Cinq autres pourraient s'y ajouter en septembre 2009.
En matière de rénovation urbaine, un rapport du comité d'évaluation et de suivi de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) s'inquiétait du désengagement de l'Etat et des difficultés de financement des opérations à moyen terme (Le Monde du 13 novembre). La crise économique, en rendant urgente la mise en place d'un plan de relance, a toutefois contraint l'Etat à revoir ses objectifs à la hausse. Le gouvernement a annoncé le déblocage anticipé de 350 millions d'euros pour permettre le lancement de nouveaux travaux dès 2009.

...Dans un contexte en nette dégradation (d'après un entretien réalisé par Luc Bronner)
Dans un ouvrage paru récemment (Ghetto urbain, éd. Robert Laffont, 2008), le sociologue Didier Lapeyronnie explique comment nombre de quartiers, partout en France, se sont transformés en ghettos ces dernières années.
Il y a dix ans, il n’aurait pas utilisé ce terme. Pour que se constitue un ghetto, il faut à la fois une fermeture d'un territoire vis-à-vis du reste de la société et la construction, dans cette cité, d'une contre-société ou d'un mode de vie particulier. Or aujourd’hui, une telle réalité commence bel et bien à apparaître en France. Avec comme socle le fait de se considérer relégué et abandonné, d'être obligé de vivre dans un espace non choisi, de se sentir victimes de la société et de ceux qu'ils désignent comme des "Français" ou des "Blancs" - les citoyens à part entière que les habitants des ghettos ne sont pas. Paradoxalement, ces phénomènes de ghettoïsation sont plus marqués dans les villes moyennes de province que dans les régions auxquelles on pense habituellement, comme la Seine-Saint-Denis ou la banlieue lyonnaise. Le niveau de chômage et l'enfermement social et ethnique y apparaissent encore plus forts. On peut craindre qu'avec la crise actuelle les évolutions économiques y soient aussi plus brutales.
Par ailleurs, un lien s’établit entre l’apparition de ces ghettos et la dégradation des rapports hommes-femmes. Aujourd'hui, en France, la féminité permet en effet d'échapper au racisme, au moins en partie. Lorsqu'on interroge des filles, elles disent souvent : "Avec une minijupe et les cheveux lisses, je rentre partout" - y compris dans les boîtes de nuit à l’entrée desquelles les garçons se voient refuser. Cette expérience se traduit par un profond sentiment d'humiliation pour les hommes qui perçoivent l'émancipation des femmes comme une démonstration supplémentaire de leur relégation, et la "féminité" comme une trahison. Du coup, ils tendent à se replier sur les modes sociaux traditionnels, sur les rôles familiaux rigides où chacun a une place prédéfinie.

Face à cette réalité, les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy pour redonner ses chances à... l’égalité des chances, apparaissent bien dérisoires. Et la responsabilité du Parti socialiste, s’agissant d’élaborer une politique - et pour l’heure de jouer un rôle actif - à la hauteur de la situation, considérable. Pour l'heure, espérons que l'exécutif saura entendre ce que recouvraient les propos tenus dimanche 21 décembre sur les ondes de la BBC par Dominique Strauss-Kahn. Reconnaissant que l’augmentation de la dette publique était “inquiétante”, le Secrétaire général du FMI a appelé les gouvernements à une action forte face à la récession (hausse des dépenses budgétaires, réductions fiscales temporaires) - pour ne pas ignorer que “l’ensemble de la société va souffrir” en 2009.

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