dimanche 7 décembre 2008

Vous avez dit "diversité" ?...


Parcourant ce matin les informations mises en ligne sur le site internet lemonde.fr, un étrange écho a retenu mon attention. Echo entre les résultats de deux sondages réalisés à quelques jours d’intervalle, et qui voient nos concitoyens exprimer dans des proportions similaires deux sentiments a priori sans rapport entre eux.
D’après un sondage réalisé du 21 au 27 novembre, 78% des Français se sentent menacés par la réduction de la biodiversité (84% considérant la réduction de cette dernière comme un enjeu majeur du 21e siècle, et 56% déclarant n'être "pas d'accord" avec l'affirmation selon laquelle "on ne peut pas faire grand chose en tant que citoyen en faveur de la biodiversité [et que] c'est aux pouvoirs publics de prendre les décisions").
D’après un sondage réalisé les 4 et 5 décembre, “pour 71% des Français, le PS n’a pas de projet” (65% mettant en cause la qualité des dirigeants du parti).
Coïncidence anecdotique... ou au-delà et pour qui veut bien l'entendre, rappel à la lucidité et à la responsabilité dans nos pratiques internes ?

Que la préservation de la biodiversité apparaisse largement comme un enjeu majeur du 21e siècle, cela n’a plus rien d’étonnant. Notamment en raison de la place d’ores-et-déjà prise dans le débat public par la notion de diversité - sur les différents plans où elle se décline. Je partage naturellement cette conviction - et c’est sans grande originalité que j’ai mis cet objectif au coeur de ma réflexion sur le pouvoir-vivre, en esquissant les contours de ce que pourrait être une politique du pouvoir-vivre en matière environnementale. Ce qui retient l’attention, c’est qu’une majorité de nos concitoyens estime devoir - et pouvoir - jouer un rôle actif et direct dans préservation de la biodiversité. Et considère désormais ce combat pour faire vivre la diversité comme un enjeu incontournable de l’engagement politique et citoyen au 21e siècle.
Bonne nouvelle pour le débat politique, dont les acteurs vont devoir faire les efforts de lucidité et de rigueur nécessaires pour prendre à bras le corps cet enjeu, sans le faire de manière rhétorique ou superficielle. Bonne nouvelle aussi, a priori, pour le militant socialiste que je suis. Ma famille politique ne s’efforce-t-elle pas, au moment où elle amorce un renouvellement de son oganisation et sa remise en ordre de bataille, de relever le défi de la diversité dans ses différentes dimensions ?
Dès hier samedi, Martine Aubry a en effet annoncé que la nouvelle équipe de direction (secrétariat national) du PS serait une équipe parfaitement mixte avec 19 femmes et 19 hommes, soulignant que “c’est la première fois que cela arrive dans notre parti”. Le même secrétariat national comportera 20% de responsables issus des “minorités visibles” (c’est ce que Martine Aubry appelle, dans des termes effectivement plus heureux que cette formule, une direction “aux couleurs de la France”). Enfin, cette direction comportera “60% de nouveaux visages et 40% de moins de 40 ans”. Sont également annoncés, entre autres, deux outils susceptibles de garantir la diversité des idées dans le débat : "un forum des territoires" présidé par un grand élu PS, pour "que les élus retrouvent leur place au coeur du parti" avec pour missions notamment "d'échanger nos pratiques", "défendre nos collectivités" ; "un laboratoire des idées", pour "ouvrir les portes et les fenêtres" du PS "aux intellectuels, chercheurs, artistes, syndicalistes"... (Aubry: équipe de direction du PS de 38 membres, à parité hommes-femmes - dépêche AFP du 6 décembre, 14h20)
Ayant présenté la contribution de Martine Aubry parce que j’y trouvais un écho de mon engagement pour une politique du pouvoir-vivre, je ne suis pas étonné par ces idées prometteuses. Comme de celle de lancer des "assises de la rénovation" pour porter cet important chantier. Et pourtant, ce soir, j’ai des inquiétudes. Pas sur la bonne foi et la détermination de notre nouvelle Première secrétaire. Ni sur la capacité de nos valeurs, portées collectivement, à faire vivre ces transformations. Alors sur quoi ?
Poursuivant ma lecture, je découvre la dépêche AFP suivante : “Le Conseil national du PS a approuvé samedi par 146 voix pour et 72 abstentions le texte d'orientation politique proposé par la direction de Martine Aubry” (6 décembre 14h48).
Puis je tombe sur ce titre : “Le début de l'ère Aubry plombé par les divisions”, suivi des lignes suivantes en date du 6 décembre : “Nouvelle première secrétaire, nouvelle direction, nouveau texte d'orientation... Le Conseil national du Parti socialiste a marqué, samedi 7 décembre, le début de l'ère Aubry au PS. Mais ce Conseil qui devait être celui du renouvellement aura surtout été plombé par les divisions.”
Avant de rencontrer cette analyse de Vincent Peillon, disposé il y a peu à mettre ses qualités au service de la nouvelle direction du Parti socialiste, et déplorant aujourd’hui le “faux départ” de celle-ci : "tout a été fait pour mettre Ségolène Royal dehors" (faisant allusion à la ligne représentée par cette dernière, qui a recueilli face à Martine Aubry les suffrages d’environ 50% des militants) ; "le parti ce matin n'est pas en ordre de marche et j'ai regardé la direction telle quelle est composée. Cela ne permet pas de rassembler les socialistes, de s'opposer comme nous le devons à Nicolas Sarkozy" ; “Aujourd'hui, un Conseil national de plus de 300 membres a approuvé cette ligne à moins de 150 membres” autrement dit "Une semaine après le Congrès, il n'y a pas de majorité pour voter cette orientation politique [ce qui n’était] jamais arrivé". Espérant que “ce faux départ de la direction sera corrigé”, il réaffirme "Nous ferons tout ce que nous pourrons pour aider, mais en même temps nous ne pouvons être l'otage de quelque chose qui dénaturerait le vote des militants et l'attente des Français".
Résumons : faute de relever en profondeur le défi que constitue la diversité des lignes et des cultures politiques qui coexistent aujourd’hui au sein du PS, la nouvelle direction risque de le priver d’une partie de ses forces vives. Y compris, donc, dans l’exigeant travail d’élaboration de son projet.
Complétons, en revenant aux enseignements du sondage sur la biodiversité : renonçant à faire vivre à l’intérieur même de notre famille politique la diversité qui la caractérise, la nouvelle direction du PS, et avec elle notre parti, ne risque-t-elle pas d’apparaître inapte à prendre véritablement à bras le corps le combat pour faire vivre la diversité - ce combat qu’une majorité de nos concitoyens considère désormais comme un enjeu incontournable de l’engagement politique au 21e siècle?
Dans cette hypothèse, une réaction salutaire reste possible. Celle des militants qui se sentiraient “abandonnés” - et des autres, qui pourraient ne pas souhaiter cette situation. Comme les 56% de Français qui pensent désormais devoir - et pouvoir - prendre toute leur part dans préservation de la biodiversité sans attendre tout des pouvoirs publics, ces militants tendront-ils à jouer un rôle actif et direct dans la vie du PS sans attendre que l’impulsion soit donnée par ses instances dirigeantes ?
La possibilité et la portée de cette réaction salutaire - vecteur du “nouveau départ” souhaité par Vincent Peillon - dépendra alors très largement d’une chose : quel accueil et quel espace ces instances lui accorderont-elles ? Il reviendra aussi aux militants concernés, le cas échéant, de prendre leurs responsabilités pour faire entendre leurs aspirations et faire connaître ce qu’ils sont en mesure d’apporter au Parti socialiste.
Si cela se fait, et si les dirigeants socialistes - depuis le secrétariat national jusque dans nos fédérations et nos sections - font preuve de la réceptivité et de la souplesse nécessaires, alors nous pourrons réellement faire vivre le “tournant militant” ainsi nommé par Jean-Christophe Cambadélis, souhaité par Martine Aubry, et fortement appelé de leurs voeux par les militants socialistes lors du Congrès de Reims. Alors aussi, nous serons réellement rassemblés, et nous pourrons jouer pleinement notre rôle - en nous opposant et en nous imposant comme une alternative crédible aux yeux des Français.

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