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Comment participer à un comité chargé de lutter contre les discriminations, alors que ce même comité a été nommé par un gouvernement qui mène une politique discriminatoire à un niveau jamais atteint depuis la deuxième guerre mondiale?
C'est pour cette raison notamment que Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et historien de l'immigration, a refusé la proposition de Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, de participer à son Comité pour la mesure et l'évaluation des discriminations et de la diversité.
Ci-dessous, la lettre qu'il a envoyée à Yazid Sabeg:
Monsieur le Commissaire,
J'ai bien reçu votre invitation à participer à un «comité pour la mesure et l'évaluation des discriminations et de la diversité» et vous en remercie.
J'ai toujours pensé que pour un chercheur, accepter de faire partie d'un comité, d'une commission nommée par le pouvoir politique, c'était faire de la politique. En faire avec la formation et l'information du scientifique, mais en faire tout de même puisqu'il s'agit de faire des propositions politiques ce qui implique, non pas un accord complet, mais un minimum d'accord avec le cadre général de la politique suivie dans le domaine de la mission ou de la commission.
Or dans des domaines qui sont particulièrement de ma compétence, ceux de l'immigration et de la nationalité, qui ne sont pas étrangers à la mission de votre commissariat, le gouvernement qui a vous a nommé mène une politique discrètement et objectivement discriminatoire, à un niveau jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale, sous l'impulsion d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, inédit dans notre histoire politique.
Je ne me vois pas travailler aux outils de la lutte contre la discrimination dans le cadre d'une commission nommée par vous, pendant que les naturalisations et l'accès à la nationalité par mariage, le regroupement des conjoints de Français, pour ne citer que quelques exemples, continueront de s'effectuer de façons de plus en plus discrétionnaire et discriminatoire.
Je ne saisis pas non plus très bien l'objectif de cette commission et il m'inquiète même pour le moins. S'agit-il mettre en oeuvre une politique de lutte contre les discriminations en raison de l'origine réelle ou supposée? Si c'est le cas, les instruments existent, ils ont été rappelés clairement par la commission présidée par Madame Simone Veil dont j'approuve l'excellent rapport.
Au mois de juin dernier Patrick Simon et moi-même rappelions que dans le cadre constitutionnel existant, une meilleure connaissance des nationalités et lieux de naissance des ascendants, croisée avec des données socioprofessionnelles permettraient dans les statistiques publiques et au niveau des grandes entreprises privées de mieux approcher les phénomènes discriminatoires et d'ainsi mieux les combattre.
De façon ponctuelle, pour permettre notamment de relier les informations recueillies à partir de ces données objectives à la perception ou la réalité des discriminations, sur échantillon anonyme et sous le contrôle de la CNIL, des enquêtes conduites par la statistique publique pourraient contenir des questions faisant référence à la religion, aux origines ou à la couleur de la peau.
Mesurer la diversité dans la société française est un objectif différent, qui ne me paraît ni prioritaire ni de même de la compétence légitime des pouvoirs publics, contraire en réalité à l'article 1 de notre Constitution.
Pour toutes ces raisons, je ne peux accepter votre proposition.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Commissaire, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Patrick Weil
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