Au lendemain du “Printemps des libertés” organisé hier au Zénith par Martine Aubry, on aura presque plus "entendu" (médias aidant !) Manuel Valls que la Première secrétaire du PS! Au risque de susciter la critique (doublement, car il anticipait sur la tenue de l’événement), le député-maire d’Evry a mis en garde samedi (sur son blog) contre les risques d’un “antisarkosisme obsessionnel”. Une disposition d’esprit dont il voit se dessiner en filigrane le spectre dans la manière dont l’actuelle direction du PS commence d’attaquer l’exécutif sous l’angle des atteintes qu’il porte aux libertés publiques.
J’ai dit combien, pour ma part, je trouve sain que le PS s’efforce de se réapproprier le combat pour les valeurs républicaines (voir mon post du vendredi 13 mars). Qu'il refuse de “sous-traiter” ce pan essentiel du débat - et de l’action - politique. Moins heureuse, à l’évidence, la façon qu’a eu la direction socialiste de préparer (ou plutôt, reconnaissons-le, de ne pas préparer) une mobilisation large et profonde autour de cette initiative.
Sous ce relatif échec, je vois en partie les mêmes ressorts que sous l'accueil tiède du “Contre-plan de relance”. En particulier : le manque d’une “passion du projet” - et de l’élan qu’elle sait susciter ; l'insuffisance actuelle de lien humain et d'esprit participatif au sein du PS - qu’il reste certes du temps pour combler, comme il faut bien reconnaître que Ségolène Royal avait su le faire, témoin l’affluence massive suscitée par le rassemblement de la Fraternité qu’elle avait organisé au même Zénith il y a quelques mois.
Martine Aubry et ses proches incarnant une autre approche, il n’est pas anormal que les choses se fassent d'une manière et sur un rythme différents. Manuel Valls, avec nos camarades du pôle “L’Espoir à Gauche”, aspire à une revitalisation radicale du PS dans sa pensée comme dans sa force militante. Si l’on ajoute à cela un goût certain pour la provocation (parfois utile pour se faire entendre), on comprend facilement la “vigueur” de sa mise en garde - comme d’ailleurs les grincements de dents qu’elle a suscités.
Quoi qu’il en soit, sur un point important je partage totalement l’analyse de Manuel Valls : pour être fécond, le combat pour les libertés ne doit pas se réduire à une mise en accusation de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement. Je l’ai écrit dans mon post du 21 janvier : le triptyque liberté-indépendance-autonomie doit fait l’objet d’une réflexion athentiquement créatrice de notre part. C’est ce qui me fait y voir une “nouvelle frontière” pour le PS.
Partir à la conquête de cette frontière avec de réelles chances de succès, cela exige un “changement de braquet”. Un effort pour se doter des outils (techniques, intellectuels, pratiques) nécessaires pour penser ces notions, et leur donner tout leur contenu, dans le contexte offert par le XXIe siècle commençant. Un contexte marqué - depuis presque une décennie déjà - par des évolutions profondes et rapides dans de nombreux domaines qui finissent par travailler notre vécu quotidien. Un contexte dans lequel nous ne devons plus craindre (nous n’en avons plus le temps !) d’enraciner notre réflexion, et pas seulement en y affichant notre présence.
Une suggestion pour commencer : n’opposons pas combat pour les libertés et politique de sécurité (Manuel Valls ne le fait d'ailleurs pas). Car la sécurité des personnes, c’est celle dont ils bénéficient dans l’espace public, comme personnes physiques, ou encore comme agents économiques (propriétaires de biens, force de travail et porteurs de savoir-faire...), aussi bien que comme citoyens membres d’une communauté (la République) au nom de laquelle leurs droits doivent être respectés, leurs devoirs honorés.
De même les libertés, c’est une réalité qui revêt plusieurs dimensions concrètes. Un territoire vaste, composé de plusieurs régions. Chacune d’elles appelant, pour être garantie, des moyens spécifiques. Perdre de vue une partie de ce territoire, c’est déjà s’exposer à le voir s’étrécir.
Or, c’est bien à cette forme risquée de diversion que nous exposent certaines approches de la question des sécurités. Un exemple : l’utilisation quelquefois irrationnelle des caméras. En matière de présence de ces équipements sur notre territoire, un cap est actuellement en train d’être franchi. Rappelons qu’en juillet dernier, un courrier préfectoral invitait les maires du Val-de-Marne à réfléchir à la question. Cela en cohérence avec l’objectif, annoncé en 2007 par Michèle Alliot-Marie, de tripler en deux ans le nombre de caméras installées sur notre territoire. À cela s’est ajoutée, il y a quelques semaines, la demande de Nicolas Sarkozy au Ministre de l’Intérieur d’établir un plan contre les violences de bandes. Parmi les premières pistes évoquées : équiper les établissements scolaires de caméras de surveillance.
Une limite évidente : comme le souligne William Geib, élu PS à Nogent-sur-Marne, filmer un endroit précis - en l’occurrence une sortie de collège - risque surtout de déplacer les actes de délinquance un peu plus loin. Or on ne peut installer des caméras de surveillance à l’infini, parce que cela poserait des problèmes éthiques (quid de la liberté individuelle ?), techniques et économiques (les caméras coûtent cher, et les images filmées dans le cadre de la vidéosurveillance doivent être conservées dans des conditions très strictes). Cela n’empêche cependant pas certains “exploits” : la commune de France la “mieux” (en tout cas la plus) équipée à cejour est le village de Baudinard-sur-Verdon (dans le Var), avec 12 caméras pour... 156 habitants !
Un risque : sacrifier une sécurité à une autre. Dans les quartiers sensibles, équiper les établissements scolaires d’outils de surveillance (a priori tournés vers l’extérieur) au moment même où les conditions de travail des élèves (et dans bien des cas, leur environnement quotidien) ne cessent de se dégrader, c’est s’enfoncer un peu plus dans un processus qui est en grande partie à la source des violences dans les quartiers sensibles. Un processus sur lequel on commence à mettre un nom : “ghettoisation” (voir mon post du 29 décembre).
Renforcer la surveillance “mécanique” sans que cela aille pair avec une politique (de la ville notamment) réellement désenclavante et une politique (notamment scolaire) qui redonne aux jeunes concernés toutes leurs chances de mobilité professionnelle et sociale, c’est habiller le renoncement d’une armure ! Il serait à l’évidence malsain - et dommageable pour notre pays ! - qu’une “bunkerisation” des établissements scolaires en zone sensible prenne le pas sur l’ambition d’en faire un espace où l’on acquiert un socle irréductible de liberté et de sécurité face aux exigences de la vie (capacité à penser par soi-même, à se former, à découvrir et affirmer ses propres goûts et talents...).
Une politique authentiquement républicaine ne consisterait-elle pas, plutôt, à garantir la sécurité des citoyens sans jamais oublier de l’articuler avec les principes fondamentaux de notre république ? Traduction : que vaut de sécuriser les environs d’un collège ou d’un lycée, si une fois les grilles franchies les élèves se sentent mis en danger sur le plan scolaire, et sentent menacée leur liberté de développer assez leurs capacités pour se frayer un chemin dans la vie ?
Insécurité, effets d’entraînement, effets de contexte... c’est ensemble, que ces obstacles à leur liberté doivent être pris à bras le corps. Sinon, les logiques de “marketing politique” (affichage d’un nombre croissant de caméras) l’emportent sur le service réel des citoyens. Ces derniers perdent alors une partie de leurs chances, en même temps que l’action publique une partie de son sens.
En un mot : pour être efficaces sur la question des libertés et des sécurités, bien sûr ne cédons pas à l’angélisme, refusons tout autant la monomanie... mais surtout autorisons-nous à penser ! Et dans ce travail, dès lors que cela s’impose, osons "changer de braquet"!
Sous ce relatif échec, je vois en partie les mêmes ressorts que sous l'accueil tiède du “Contre-plan de relance”. En particulier : le manque d’une “passion du projet” - et de l’élan qu’elle sait susciter ; l'insuffisance actuelle de lien humain et d'esprit participatif au sein du PS - qu’il reste certes du temps pour combler, comme il faut bien reconnaître que Ségolène Royal avait su le faire, témoin l’affluence massive suscitée par le rassemblement de la Fraternité qu’elle avait organisé au même Zénith il y a quelques mois.
Martine Aubry et ses proches incarnant une autre approche, il n’est pas anormal que les choses se fassent d'une manière et sur un rythme différents. Manuel Valls, avec nos camarades du pôle “L’Espoir à Gauche”, aspire à une revitalisation radicale du PS dans sa pensée comme dans sa force militante. Si l’on ajoute à cela un goût certain pour la provocation (parfois utile pour se faire entendre), on comprend facilement la “vigueur” de sa mise en garde - comme d’ailleurs les grincements de dents qu’elle a suscités.
Quoi qu’il en soit, sur un point important je partage totalement l’analyse de Manuel Valls : pour être fécond, le combat pour les libertés ne doit pas se réduire à une mise en accusation de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement. Je l’ai écrit dans mon post du 21 janvier : le triptyque liberté-indépendance-autonomie doit fait l’objet d’une réflexion athentiquement créatrice de notre part. C’est ce qui me fait y voir une “nouvelle frontière” pour le PS.
Partir à la conquête de cette frontière avec de réelles chances de succès, cela exige un “changement de braquet”. Un effort pour se doter des outils (techniques, intellectuels, pratiques) nécessaires pour penser ces notions, et leur donner tout leur contenu, dans le contexte offert par le XXIe siècle commençant. Un contexte marqué - depuis presque une décennie déjà - par des évolutions profondes et rapides dans de nombreux domaines qui finissent par travailler notre vécu quotidien. Un contexte dans lequel nous ne devons plus craindre (nous n’en avons plus le temps !) d’enraciner notre réflexion, et pas seulement en y affichant notre présence.
Une suggestion pour commencer : n’opposons pas combat pour les libertés et politique de sécurité (Manuel Valls ne le fait d'ailleurs pas). Car la sécurité des personnes, c’est celle dont ils bénéficient dans l’espace public, comme personnes physiques, ou encore comme agents économiques (propriétaires de biens, force de travail et porteurs de savoir-faire...), aussi bien que comme citoyens membres d’une communauté (la République) au nom de laquelle leurs droits doivent être respectés, leurs devoirs honorés.
De même les libertés, c’est une réalité qui revêt plusieurs dimensions concrètes. Un territoire vaste, composé de plusieurs régions. Chacune d’elles appelant, pour être garantie, des moyens spécifiques. Perdre de vue une partie de ce territoire, c’est déjà s’exposer à le voir s’étrécir.
Or, c’est bien à cette forme risquée de diversion que nous exposent certaines approches de la question des sécurités. Un exemple : l’utilisation quelquefois irrationnelle des caméras. En matière de présence de ces équipements sur notre territoire, un cap est actuellement en train d’être franchi. Rappelons qu’en juillet dernier, un courrier préfectoral invitait les maires du Val-de-Marne à réfléchir à la question. Cela en cohérence avec l’objectif, annoncé en 2007 par Michèle Alliot-Marie, de tripler en deux ans le nombre de caméras installées sur notre territoire. À cela s’est ajoutée, il y a quelques semaines, la demande de Nicolas Sarkozy au Ministre de l’Intérieur d’établir un plan contre les violences de bandes. Parmi les premières pistes évoquées : équiper les établissements scolaires de caméras de surveillance.
Une limite évidente : comme le souligne William Geib, élu PS à Nogent-sur-Marne, filmer un endroit précis - en l’occurrence une sortie de collège - risque surtout de déplacer les actes de délinquance un peu plus loin. Or on ne peut installer des caméras de surveillance à l’infini, parce que cela poserait des problèmes éthiques (quid de la liberté individuelle ?), techniques et économiques (les caméras coûtent cher, et les images filmées dans le cadre de la vidéosurveillance doivent être conservées dans des conditions très strictes). Cela n’empêche cependant pas certains “exploits” : la commune de France la “mieux” (en tout cas la plus) équipée à cejour est le village de Baudinard-sur-Verdon (dans le Var), avec 12 caméras pour... 156 habitants !
Un risque : sacrifier une sécurité à une autre. Dans les quartiers sensibles, équiper les établissements scolaires d’outils de surveillance (a priori tournés vers l’extérieur) au moment même où les conditions de travail des élèves (et dans bien des cas, leur environnement quotidien) ne cessent de se dégrader, c’est s’enfoncer un peu plus dans un processus qui est en grande partie à la source des violences dans les quartiers sensibles. Un processus sur lequel on commence à mettre un nom : “ghettoisation” (voir mon post du 29 décembre).
Renforcer la surveillance “mécanique” sans que cela aille pair avec une politique (de la ville notamment) réellement désenclavante et une politique (notamment scolaire) qui redonne aux jeunes concernés toutes leurs chances de mobilité professionnelle et sociale, c’est habiller le renoncement d’une armure ! Il serait à l’évidence malsain - et dommageable pour notre pays ! - qu’une “bunkerisation” des établissements scolaires en zone sensible prenne le pas sur l’ambition d’en faire un espace où l’on acquiert un socle irréductible de liberté et de sécurité face aux exigences de la vie (capacité à penser par soi-même, à se former, à découvrir et affirmer ses propres goûts et talents...).
Une politique authentiquement républicaine ne consisterait-elle pas, plutôt, à garantir la sécurité des citoyens sans jamais oublier de l’articuler avec les principes fondamentaux de notre république ? Traduction : que vaut de sécuriser les environs d’un collège ou d’un lycée, si une fois les grilles franchies les élèves se sentent mis en danger sur le plan scolaire, et sentent menacée leur liberté de développer assez leurs capacités pour se frayer un chemin dans la vie ?
Insécurité, effets d’entraînement, effets de contexte... c’est ensemble, que ces obstacles à leur liberté doivent être pris à bras le corps. Sinon, les logiques de “marketing politique” (affichage d’un nombre croissant de caméras) l’emportent sur le service réel des citoyens. Ces derniers perdent alors une partie de leurs chances, en même temps que l’action publique une partie de son sens.
En un mot : pour être efficaces sur la question des libertés et des sécurités, bien sûr ne cédons pas à l’angélisme, refusons tout autant la monomanie... mais surtout autorisons-nous à penser ! Et dans ce travail, dès lors que cela s’impose, osons "changer de braquet"!
1 commentaire:
On lui tombe dessus comme on tomberait sur un Bockel ou Besson, alors qu'il ne demande qu'une seule chose, qui me paraît vitale pour le PS: la réorientation d'un discours d'opposition, qui, depuis le 6 mai 2007, ne porte pas...
bien à toi (et Viva Manuel;)
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