dimanche 25 janvier 2009

Journée d’écoute et de travail à Alfortville




Une fois n’est pas coutume, c’est sur le marché d’Alfortville qu’a commencé pour moi ce dimanche ! Après Saint-Maurice la semaine dernière, c’est dans cette commune de notre département que m’ont conduit cette semaine mes activités (politiques cette fois). Après une fin de semaine chargée, j'ai en effet souhaité assister à la journée de travail organisée pour “relancer” en ce début d’année le travail de “Besoin de gauche”, le club de réflexion animé par Pierre Moscovici.

Au coeur de cette journée de travail, co-animée par Jean-Paul Planchou (vice-président du Conseil régional d'Ile-de-France), les trois principaux enjeux de la période actuelle :
1) la crise financière, économique et sociale ;
2) la préparation des élections européennes, en relation avec a situation internationale ;
3) le débat sur la réforme des collectivités territoriales.

En perspective, et en cohérence avec l’attente - ravivée par les crises actuelles - de réponses authentiquement progressistes aux réalités du moment, cet objectif : oeuvrer pour le rassemblement des réformistes afin de construire, et défendre, la “social-démocratie du 21e siècle”.
C’est-à-dire donner contenu et force à l’idée de progrès.
C’est-à-dire aussi travailler à créer les conditions d’une action politique concertée à l’échelon européen - en étant pleinement des “socialistes européens”.
C’est-à-dire encore, forger un discours de vérité articulant réalisme (cultiver et actualiser notre “culture de gouvernement”...) et devoir d’intransigeance (par exemple dans la conquête de nouveaux espaces de droit et la préservation de ceux existants).
C’est-à-dire enfin, revitaliser le Parti socialiste en profondeur, au travers d’un travail collectif associant activement et largement les militants, en ouvrant davantage le parti sur la société (par des moyens qui permettront aussi l’émergence de candidatures “plus jeunes” et “moins formatées”). Ou encore en organisant très en amont un débat militant ouvert sur la procédure de désignation de notre prochain-e candidat-e à l’élection présidentielle (la préférence de Pierre Moscovici et de beaucoup d’intervenants allant, à ce jour, à l’organisation de “primaires” ouvertes aux sympathisants).

J’ai aimé retrouver Pierre Moscovici, comme toujours rigoureux dans l’expression de ses convictions et sérieux dans son propos, mais aussi - plus que je ne l’avais jamais perçu auparavant - visiblement heureux de se réunir avec ceux que ses analyses et ses qualités intéressent et inspirent - d’autant plus que de son point de vue le déroulement du congrès de Reims n’a clairement pas été à la hauteur de ce qu’y s’y jouait.
J’ai aimé, l’expression libre de points de vue forts - quelquefois contradictoires - et leur accueil attentif, et convivial.
J’ai aimé, l’appel spontané d’un intervenant à cesser de raisonner avant tout en termes de “motions”, pour privilégier une démarche constructive en enrichissant l’oeuvre collectif de ce qu’on peut apporter - en cohérence naturellement avec ses compétences et sa sensibilité.
J’ai aimé, l’abord simple et ouvert de tel responsable val-de-marnais, visiblement en phase avec cette aspiration et avec une autre exigence largement exprimée au fil des débats - l’exigence d’efficacité.
J’ai aimé, les retrouvailles avec des camarades, animateurs locaux de notre famille politique, rencontrés avant notre congrès dans diverses circonstances dont la nature et l’esprit tiennent dans ces deux mots : formation, rassemblement.
J’ai aimé, la dimension participative de cette journée de travail, correspondant à un parti pris méthodologique revendiqué d’assez longue date maintenant par Pierre Moscovici (qui, dans son ouvrage La France dans un monde dangereux. De l’exception à l’influence, publié en octobre 2006, appelait déjà à intégrer une démarche de cette nature dans l’élaboration de notre politique étrangère et européenne).

Dans mon post du 7 janvier dernier, je reproduisais un article paru dans le journal Le Monde, intitulé “PS, digérer le vinaigre de Reims”. Outre qu’il faisait allusion à la nécessité de démêler les enseignements de ce congrès, ce titre interrogeait sur la capacité de notre famille politique à surmonter les divisions quelquefois profondes auxquelles il a donné lieu. Quelles chances avons-nous d’y parvenir, et de quels moyens disposons-nous pour cela ?
Cette journée m’a paru fournir un premier élément de réponse : relever ce défi - dont on ne saurait nier l’ampleur et la réalité, j’en ai encore eu des témoignages aujourd’hui - est à notre portée. Comment ? Notamment au travers d’un travail associant activement et tout au long de son déroulement les militants, dans la prise en compte des priorités qui leur paraît s’imposer pour être en prise avec nos concitoyens, et dans un réel respect de leurs sensibilités - même lorsqu’elles donnent lieu à des divergences de vue -. Par là passe l’unité... et le plaisir de militer ensemble !

mercredi 21 janvier 2009

Gaza : des outils pour comprendre, des pistes pour réfléchir





Ce jeudi soir ce tient la première assemblée générale de ma section pour l’année 2009. Je ne pourrai malheureusement peut-être pas m’y rendre -une fois n’est pas coutume !-, mais le programme est intéressant et ambitieux. L’actualité, c’est le moins qu’on puisse dire, l’impose. Ce sont donc notamment les affrontements dont Gaza a été le théâtre ces dernières semaines qui occuperont notre réflexion.

J’ai déjà exprimé mon sentiment personnel face à ces événements au moment où les affrontements se déroulaient. Sous-tendue en partie par un lien affectif fort avec cette région du monde, et dans l’esprit de mes engagements associatifs, ma pensée est allée en priorité aux populations civiles qui, une fois de plus, se sont trouvées prises au piège de réalités (historiques, économiques, politiques...) dont les ressorts et l’engrenage leur échappent pour l’essentiel. Et qui leur coûtent, aussi, l’essentiel.
Au-delà, sur les tenants et les aboutissants des derniers affrontements, les réalités complexes - et cruelles - dans lesquelles il plonge ses racines et dont il peut avoir entretenu la prégnance, le contexte géopolitique régional dans lequel il s’inscrit, j’ai eu l’occasion de lire ou relire quelques textes éclairants, chacun à leur façon.

En voici les références. Le délai est court, bien sûr, mais sans doute avons-nous vocation à construire et actualiser notre réflexion sur les réalités qui travaillent le Proche-Orient non seulement “à chaud”, mais sur la durée. Ce ne sera donc pas perdu !

Yves LACOSTE, Géopolitique. La longue histoire d’aujourd’hui, Larousse, 2006 (IVe partie “Les points chauds du globe”, p. 288 sqq “Israël-Palestine : un problème crucial toujours sans solution”)

Dominique BORNE et Jacques SCHEIBLING (dir.), La Méditerranée (voir en particulier “Israël-Palestine : géopolitique d’un processus de paix”), Hachette (coll. Carré géographie), 2002

Le volume Enjeux diplomatiques et stratégiques 2007, sous la direction de Pascal CHAIGNEAU (Centre d’Etudes diplomatiques et stratégiques), éd. Economica, 2007 (p83 sqq, l’article de Fouad NOHRA “Le conflit israélo-palestinien à la lumière des élections de 2006”, en particulier la conclusion, “La paix par une lente mutation des opinions publiques”)

Noam CHOMSKY et Ilan PAPPÉ (entretiens croisés sous la direction de Frank Barat), Le Champ du possible. Dialogue sur le conflit israélo-palestinien, éd. Aden, 2008

Hubert VÉDRINE (avec la collaboration de Adrien Abécassis et Mohamed Bouabdallah), Continuer l’Histoire, Fayard, 2007

Edward W. SAID (interviews with...), Power, Politics and Culture, Bloomsbury, 2001


Également, un débat diffusé ce mois-ci sur La Chaîne parlementaire, dans le cadre de l’émission “ça vous regarde” (sous le titre, l’adresse à laquelle ce programme est visionnable gratuitement sur le site internet de la chaîne) :

“Israël-Palestine : l’interminable conflit ?”
http://www.lcpan.fr/emission/71947/video


Enfin une carte de la bande de Gaza, faite à partir d’une photo satellite et permettant de visualiser le site géographique de "très" près :
http://www.populationdata.net/cartes/asie/palestine-gaza.php


Liberté, indépendance, autonomie : un triptyque qui dessine une des “nouvelles frontières” à conquérir ensemble, pour un socialisme du 21e siècle


“Indépendance”. “Autonomie”. “Liberté”. Volontiers brandies, tantôt comme une arme, tantôt comme un bouclier, ces notions ont souvent servi à dessiner la “ligne de front” du clivage entre droite et gauche. Comme des étendards haut levés - ce qui après tout n’est pas mal ! -, mais souvent aussi déformés à volonté - ce qui à l’évidence ne peut que nuire à la qualité du débat politique, et à la mise en œuvre concrète de ces objectifs -. Exemple récent : le projet Pécresse d’ “autonomie des universités”.
Clairement, dans une période historique marquée notamment par un renforcement de l’individualisme, et par une importance accrue des mobilités (mondialisation aidant...), la pertinence et l’efficacité d’une action politique dépend désormais largement de sa capacité à réaliser ces objectifs majeurs dans une vie. C’est-à-dire à leur donner des contenus concrets, pour chacun comme pour la collectivité. À articuler “indépendance”, “autonomie” et “liberté” au travers de pratiques qui n’aboutissent pas à les annuler, ou à les réduire.
Dans ces conditions, une question se pose légitimement. Dans quelle mesure la politique de l’actuel exécutif offre-t-elle à l’“indépendance”, à l’“autonomie” et à la “liberté” un appui efficace, ou une réalité accrue pour nos concitoyens et pour notre pays ?
Naturellement, seule une observation suivie, sur la durée, donnera une réponse à cette question. Toutefois, plusieurs aspects de cette politique permettent d’ores et déjà un premier examen révélateur : réforme des universités, prise en charge des phénomènes migratoires, réforme de la justice (suppression des juges d’instruction), situation des PME face aux banques, à quoi l’on pourrait ajouter l’approche de l’orientation professionnelle pour les jeunes.


Universités : une approche dirigiste et technocratique de l’ “autonomie”, au détriment de l’autonomie réelle des individus

Plusieurs limites du projet de réforme des universités porté par Valérie Pécresse révèlent ainsi, de la part du pouvoir actuel, une approche paradoxale de l’ “autonomie”. Son esprit fortement dirigiste : le projet de décret accentue les effets nocifs de la loi LRU, qui a concentré tous les pouvoirs entre les mains des présidents d’université.
Deuxièmement, ce projet oublie la logique qui a fait conférer aux universitaires le statut de fonctionnaires d’Etat : garantir leur liberté, condition essentielle pour réaliser leur vocation (associer l’enseignement à la recherche dans un cadre serein et approprié).
Troisièmement, le ministère de l'enseignement supérieur s'attaque à la ressource la plus précieuse de l'universitaire : son temps d'autonomie. C'est grâce à lui qu'il peut féconder son enseignement par ses lectures, ses recherches, ses échanges avec d'autres spécialistes, en France et à l'étranger.
Quatrièmement, ce projet hypothèque la capacité des étudiants à jouir demain d’une autonomie la plus grande possible, notamment dans la construction de leur parcours professionnel. Exposés à voir diminuer la qualité de leur formation à cause d’une fuite amplifiée de leurs meilleurs enseignants, ces étudiants risquent fort de voir se réduire la palette des compétences sur lesquelles s’appuyer pour construire et réaliser leur projet, une fois sur le marché du travail.

PME : une politique bien timide et clairement insuffisante pour développer la “liberté positive” (A. Sen) des entreprises françaises, pénalisées au niveau européen

Ceux qui connaissent un peu la réalité quotidienne de la plupart des chefs d’entreprise - c’est-à-dire les dirigeants de PME - le savent : en France, contrairement à ce qui semble se passer dans le reste du monde, l'accès au crédit continue d'être plus difficile pour les petites et moyennes entreprises (PME) françaises que pour les grandes firmes.
(Selon une enquête de l'Association française des trésoriers d'entreprises (AFTE) réalisée du 15 au 24 décembre 2008, 21 % des sociétés déclarent qu'au moins une de leurs lignes de crédit a été réduite récemment. Ce taux est de 26 % pour les petites entreprises (définies comme les firmes dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions d'euros). Et alors que 14 % des entreprises de toutes tailles ont dû faire face à la suppression d'une de leurs lignes de crédit, ce taux atteint 20 % pour les PME. Quand elles ont voulu négocier un nouvel emprunt, plus de la moitié des entreprises ayant répondu à l'enquête de l'AFTE ont déclaré que leur banque avait accepté de leur prêter de l'argent ; mais ce taux n'est plus que de 24 % pour les PME, qui ont voulu négocier des "lignes de crédit non confirmées", c'est-à-dire des prêts de court terme, généralement destinés à financer leur exploitation. Le taux est supérieur (40 %) pour "les lignes confirmées" généralement utilisées pour financer des investissements.)
Certes, la situation s'était quelque peu améliorée ces dernières années : les lois d'aides aux PME (lois Dutreil en particulier) ayant déplafonné les taux d'intérêt consentis aux entreprises par les banquiers, permettant à ces derniers de mieux se prémunir contre le risque. Mais la moins grande fiabilité supposée des PME reste ancrée dans les esprits des institutions financières françaises.
Il en va différemment en Europe, en Allemagne en particulier, et aux Etats-Unis. Selon plusieurs études citées par le Financial Times du 5 janvier, 48 % des grandes firmes allemandes souffriraient du resserrement du crédit, mais seulement 35 % des petites. Aux Etats-Unis, ce serait le cas pour 95 % des grands groupes, mais "seulement" 90 % des petits. "Les petites entreprises ont une meilleure relation avec leur banquier", explique le quotidien économique.
Les mesures gouvernementales destinées à inciter les banques à continuer de prêter aux PME ne suffisent donc pas à gommer les réticences classiques des banques vis-à-vis de cette catégorie d'entreprises.

Phénomènes migratoires : de l’exigence croissante de liberté et de la possibilité d’une autonomie constructive, à l’enfoncement stérile dans la rigidité

Dans ce domaine, l’actuel exécutif n’a cessé d’agir non seulement à l’inverse des valeurs historiques de notre République, mais aussi à rebours des réalités internationales. Par une politique on ne peut plus rigide, qui trouve une triste vitrine dans les Centres de rétention administrative (CRA). Et une sombre illustration dans les incidents à répétition dont le CRA de Vincennes - récemment rouvert - a été plusieurs fois le théâtre au fil des derniers mois.
Est-ce le rejet de cette façon de traiter les personnes, en rupture avec la culture politique et l’histoire de notre République et de notre pays ? Est-ce la conscience du décalage entre cette approche des choses, et les réalités du monde dans lequel s’inscrit à présent toute politique nationale ? En tout cas, selon un sondage Ipsos/Le Point publié le 30 décembre, 30% des Français seulement jugent favorablement l’action de l’exécutif en matière de migrations ! Fidèle au programme affiché par Nicolas Sarkozy pendant la campagne des présidentielles, la politique menée par Brice Hortefeux comme ministre de l’Immigration suscite un rejet de la part des Français.
Voilà qui explique peut-être le “sauvetage” in extremis de ce très proche du Président de la République, qui trouve aujourd’hui asile dans un ministère plus respectable.
Voilà qui explique peut-être, aussi, la réticence de notre maire Laurent Lafon - qui avait soutenu la candidature de Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle - à prendre clairement position aujourd’hui quant à sa politique dans ce domaine (voir mon post du 6 décembre 2008).
De cette politique, il faut savoir souligner combien elle est aberrante dans un contexte où, en tout état de cause, le développement accélère les migrations. D’autant plus que, comme le rappelait récemment Catherine Wihtol de Wenden, du Centre d’études et de recherches internationales, la circulation fonctionne d'autant mieux que les migrants acquièrent un vrai statut de résidents, des titres de séjour à entrées multiples ou la double nationalité. Plus les frontières leur sont ouvertes, plus les migrants circulent. (À cet égard, l'Union pour la Méditerranée aurait pu être l'occasion de créer un espace de circulation euro-méditerranéen. Mais les migrations n'ont pas été inscrites comme priorité, alors que les visas sont une préoccupation récurrente des pays de sa rive sud.)

Justice : transfert de pouvoir “d’un petit juge indépendant à un gros parquet dépendant”

De l’avis des professionnels, on assiste à la mise en place d’une emprise renforcée du pouvoir exécutif sur la justice. Nicolas Sarkozy a fait savoir son intention de supprimer les juges d’instruction pour confier les enquêtes judiciaires au seul parquet.
Alors que la Chancellerie vient à peine de regrouper les juges d’instruction dans des pôles, ce choix marque un changement de cap de Nicolas Sarkozy. Pendant la campagne présidentielle en effet, il disait vouloir seulement faire “travailler en équipe” les juges d’instruction pour les “sortir de l’isolement”. Cette évolution avait d’ailleurs été recommandée par la commission parlementaire d’enquête sur le désastre judiciaire d’Outreau, largement imputé à la solitude du jeune juge Burgaud.
En résumé, le chef de l’Etat entend confier l’enquête exclusivement au Parquet - mais sans le corollaire réclamé par ceux qui sont favorables à cette approche, à savoir : donner leur indépendance aux magistrats du parquet (les procureurs), aujourd’hui nommés et contrôlés par le pouvoir exécutif. Or, ainsi placé sous la tutelle de l’exécutif, le procureur ne peut garantir son indépendance, pilier d’une bonne justice.
Mireille Delmas Marty, cette éminente juriste qui a présidé une importante réflexion sur le sujet, a bien résumé la menace dont ce projet unijambiste est porteur : un transfert de pouvoir "d'un petit juge indépendant à un gros parquet dépendant".


À l’issue de ce premier tour d’horizon, l’exécutif actuel - et les élus qui le représentent - apparaissent incapable de penser et de mettre en œuvre efficacement ce triptyque liberté-indépendance-autonomie. Les options évoquées ci-dessus, comme d’ailleurs certaines prises de position de Laurent Lafon (voir mon post du 4 janvier), font apparaître une approche étriquée et rigide, coincée entre une vision normative de la liberté, et une approche technocratique de l’autonomie. Une approche dont on ne saurait donc attendre aucun supplément d’indépendance ou de “liberté positive” conséquent - que l’on soit universitaire, dirigeant de PME, travailleur migrant, magistrat, futur actif...
Je ne pense pas qu’il y ait là une incapacité fondamentale de la droite, affirmer cela n’aurait sans doute pas beaucoup de sens. On peut plutôt penser que, en matière d’idées porteuses de progrès dans ce domaine, la droite se trouve aujourd'hui dans une sorte de goulot d’étranglement. Peut-être même dans une fin de cycle idéologique, marquée par une difficulté à prendre à bras le corps cette problématique désormais au cœur de tout projet politique digne de ce nom.
Doit-on en tirer matière à réjouissance ? Par respect pour la chose publique comme pour nos concitoyens, sûrement pas ! En revanche, à l’heure où beaucoup de nos concitoyens cherchent des différences significatives et concrètes entre la politique actuellement menée par l’exécutif de droite, et ce que serait demain la politique d’une majorité progressiste emmenée par la gauche ; à l’heure aussi où beaucoup - y compris parmi ses membres - attendent du Parti socialiste qu’il entre de plain pied dans le 21e siècle, le triptyque liberté-indépendance-autonomie requiert une réflexion approfondie de notre part.
Parce qu’il dessine une des “nouvelles frontières” qu’il nous faut pour cela conquérir ensemble, et dont certains (Pierre Moscovici, Vincent Peillon...), avec une rigueur constante, cherchent activement les voies. Sans naturellement jamais perdre de vue un triple horizon : celui de la solidarité, de l’efficacité, et de la réceptivité aux aspirations émergentes de nos concitoyens - conditions d’une action réellement progressiste.

mardi 20 janvier 2009

Barack H. Obama, 44e Président des Etats-Unis d'Amérique


Barack Obama et Joseph Biden après leur investiture à Washington le 20 janvier 2009


Sur la dimension historique de l'événement, sur les espérances dont il est porteur et les limites de celles-ci, sur la personnalité du nouveau Président des Etats-Unis d'Amérique, son parcours et ce qu'il représente, les images et les commentaires ne manquent pas. Ils continueront d'affluer dans les jours qui viennent, y compris de la part des meilleurs connaisseurs des Etats-Unis, de leur histoire, de la société nord-américaine, ou encore de leur rôle géopolitique singulier.
Par ailleurs, le moins que l'on puisse dire est que l'éloquence du nouveau Président et la teneur de son propos n'ont guère besoin ni de "tuteurs", ni d' "accompagnements" pour s'élever à la hauteur du moment historique qu'ils marquent !
De Barack Obama, le mieux est donc peut-être d'imiter... l'humilité ! C'est pourquoi je reproduis simplement ci-dessous le texte intégral du discours d'investiture du président Barack H. Obama, 44e président des Etats-Unis d'Amérique (traduction AFP).


“Chers compatriotes,

Je suis ici devant vous aujourd'hui empli d'un sentiment d'humilité face à la tâche qui nous attend, reconnaissant pour la confiance que vous m'avez témoignée et conscient des sacrifices consentis par nos ancêtres.

Je remercie le président Bush pour ses services rendus à la nation ainsi que pour la générosité et la coopération dont il a fait preuve tout au long de cette passation de pouvoirs.

Quarante-quatre Américains ont maintenant prêté le serment présidentiel. Ils l'ont fait alors que gonflait la houle de la prospérité sur les eaux calmes de la paix. Mais il arrive de temps à autre que ce serment soit prononcé alors que s'accumulent les nuages et que gronde la tempête.

Dans ces moments, l'Amérique a gardé le cap, non seulement en raison de l'habileté ou de la vision de ses dirigeants, mais aussi parce que Nous le Peuple, sommes demeurés fidèles aux idéaux de nos ancêtres et à notre constitution.

Ainsi en a-t-il toujours été. Ainsi doit-il en être pour la présente génération d'Américains.

Nul n'ignore que nous sommes au beau milieu d'une crise. Notre nation est en guerre contre un vaste réseau de violence et de haine. Notre économie est gravement affaiblie, conséquence de la cupidité et de l'irresponsabilité de certains, mais aussi de notre échec collectif à faire des choix difficiles et à préparer la nation à une nouvelle ère. Des gens ont perdu leur maison ou leur emploi, des entreprises ont dû fermer leurs portes. Notre système de santé coûte trop cher. Nos écoles laissent tomber trop d'enfants et chaque jour apporte de nouvelles preuves que la façon dont nous utilisons l'énergie renforce nos adversaires et menace notre planète.

Ce sont les signes de la crise en termes statistiques. Mais, si elle n'est pas aussi tangible, la perte de confiance dans tout le pays n'en est pas moins profonde, nourrie de la crainte tenace que le déclin de l'Amérique soit inévitable et que la prochaine génération doive diminuer ses ambitions.

Je vous dis aujourd'hui que les défis auxquels nous faisons face sont réels. Ils sont importants et nombreux. Nous ne pourrons les relever facilement ni rapidement. Mais, sache le, Amérique, nous le relèverons.

En ce jour, nous sommes réunis car nous avons préféré l'espoir à la peur, la volonté d'agir en commun au conflit et à la discorde.

En ce jour nous proclamons la fin des doléances mesquines et des fausses promesses, des récriminations et des dogmes éculés qui ont pendant trop longtemps étouffé notre vie politique.

Nous demeurons une jeune nation. Mais pour reprendre les mots de la Bible, le temps est venu de se défaire des enfantillages. Le temps est venu de réaffirmer la force de notre caractère, de choisir la meilleure part de notre histoire, de porter ce précieux don, cette noble idée transmise de génération en génération: la promesse de Dieu que nous sommes tous égaux, tous libres et que nous méritons tous la chance de prétendre à une pleine mesure de bonheur.

Nous réaffirmons la grandeur de notre nation en sachant que la grandeur n'est jamais donnée mais se mérite. Dans notre périple nous n'avons jamais emprunté de raccourcis et ne nous sommes jamais contentés de peu. Cela n'a jamais été un parcours pour les craintifs, ceux qui préfèrent les loisirs au travail ou ne recherchent que la richesse ou la célébrité.

Au contraire, ce sont plutôt ceux qui ont pris des risques, qui ont agi et réalisé des choses - certains connus, mais le plus souvent des hommes et des femmes anonymes - qui nous ont permis de gravir le long et rude chemin vers la prospérité et la liberté.

Pour nous, ils ont rassemblé leurs maigres possessions et traversé des océans en quête d'une vie nouvelle.

Pour nous, ils ont trimé dans des ateliers de misère et colonisé l'Ouest. Ils ont connu la morsure du fouet et la dureté du labeur de la terre.

Pour nous, ils se sont battus et sont morts dans des lieux comme Concord et Gettysburg, en Normandie ou à Khe-Sanh (Vietnam, ndlr).

A maintes reprises ces hommes et ces femmes se sont battus, se sont sacrifiés, ont travaillé à s'en user les mains afin que nous puissions mener une vie meilleure. Ils voyaient en l'Amérique quelque chose de plus grand que la somme de leurs ambitions personnelles, que toutes les différences dues à la naissance, la richesse ou l'appartenance à une faction.

C'est la voie que nous poursuivons aujourd'hui. Nous demeurons la nation la plus prospère, la plus puissante de la Terre. Nos travailleurs ne sont pas moins productifs qu'au début de la crise. Nos esprits ne sont pas moins inventifs, nos biens et services pas moins demandés que la semaine dernière, le mois dernier ou l'an dernier. Nos capacités demeurent intactes. Mais il est bien fini le temps de l'immobilisme, de la protection d'intérêts étroits et du report des décisions désagréables.

A partir d'aujourd'hui, nous devons nous relever, nous épousseter et reprendre la tâche de la refondation de l'Amérique.

Où que nous regardions, il y a du travail. L'état de l'économie réclame des gestes audacieux et rapides. Et nous agirons - non seulement pour créer de nouveaux emplois mais pour jeter les fondations d'une nouvelle croissance. Nous allons construire les routes et les ponts, les réseaux électriques et numériques qui alimentent notre commerce et nous unissent.

Nous redonnerons à la science la place qu'elle mérite et utiliserons les merveilles de la technologie pour accroître la qualité des soins de santé et diminuer leur coût.

Nous dompterons le soleil, le vent et le sol pour faire avancer nos automobiles et tourner nos usines. Nous transformerons nos écoles et nos universités pour répondre aux exigences d'une ère nouvelle. Nous pouvons faire tout cela et nous le ferons.

Cela dit, il y a des gens pour s'interroger sur l'ampleur de nos ambitions, et suggérer que notre système n'est pas capable de faire face à trop de grands projets à la fois. Ils ont la mémoire courte. Ils ont oublié ce que ce pays a déjà accompli, ce que des hommes et des femmes libres peuvent réaliser quand l'imagination sert un objectif commun et que le courage s'allie à la nécessité.

Ce que les cyniques ne peuvent pas comprendre, c'est que le sol s'est dérobé sous leurs pieds et que les arguments politiques rancis auxquels nous avons eu droit depuis si longtemps, ne valent plus rien. La question aujourd'hui n'est pas de savoir si notre gouvernement est trop gros ou trop petit, mais s'il fonctionne - s'il aide les familles à trouver des emplois avec un salaire décent, à accéder à des soins qu'ils peuvent se permettre et à une retraite digne. Là où la réponse à cette question est oui, nous continuerons. Là où la réponse est non, nous mettrons un terme à des programmes.

Et ceux d'entre nous qui gèrent les deniers publics seront tenus de dépenser avec sagesse, de changer les mauvaises habitudes, de gérer en pleine lumière - c'est seulement ainsi que nous pourrons restaurer l'indispensable confiance entre un peuple et son gouvernement.

La question n'est pas non plus de savoir si le marché est une force du bien ou du mal. Sa capacité à générer de la richesse et à étendre la liberté est sans égale. Mais cette crise nous a rappelé que sans surveillance, le marché peut devenir incontrôlable, et qu'une nation ne peut prospérer longtemps si elle ne favorise que les plus nantis. Le succès de notre économie n'est pas uniquement fonction de la taille de notre produit intérieur brut. Il dépend aussi de l'étendue de notre prospérité, de notre capacité à donner une chance à ceux qui le veulent - non par charité mais parce que c'est la meilleure voie vers le bien commun.

En ce qui concerne notre défense à tous, nous rejettons l'idée qu'il faille faire un choix entre notre sécurité et nos idéaux. Nos Pères fondateurs, face à des périls que nous ne pouvons que difficilement imaginer, ont mis au point une charte pour assurer la prééminence de la loi et les droits de l'Homme, une charte prolongée par le sang de générations. Ces idéaux éclairent toujours le monde, et nous ne les abandonnerons pas par commodité.

A tous les peuples et les gouvernants qui nous regardent aujourd'hui, depuis les plus grandes capitales jusqu'au petit village où mon père est né (au Kenya, ndlr): sachez que l'Amérique est l'amie de chaque pays et de chaque homme, femme et enfant qui recherche un avenir de paix et de dignité, et que nous sommes prêts à nouveau à jouer notre rôle dirigeant.

Rappelez-vous que les précédentes générations ont fait face au fascisme et au communisme pas seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables. Elles ont compris que notre puissance ne suffit pas à elle seule à nous protéger et qu'elle ne nous permet pas d'agir à notre guise. Au lieu de cela, elles ont compris que notre puissance croît lorsqu'on en use prudemment; que notre sécurité découle de la justesse de notre cause, la force de notre exemple et des qualités modératrices de l'humilité et de la retenue.

Nous sommes les gardiens de cet héritage. Une fois de plus guidés par ces principes, nous pouvons répondre à ces nouvelles menaces qui demandent un effort encore plus grand, une coopération et une compréhension plus grande entre les pays.

Nous allons commencer à laisser l'Irak à son peuple de façon responsable et forger une paix durement gagnée en Afghanistan. Avec de vieux amis et d'anciens ennemis, nous allons travailler inlassablement pour réduire la menace nucléaire et faire reculer le spectre du réchauffement de la planète.

Nous n'allons pas nous excuser pour notre façon de vivre, ni hésiter à la défendre, et pour ceux qui veulent faire avancer leurs objectifs en créant la terreur et en massacrant des innocents, nous vous disons maintenant que notre résolution est plus forte et ne peut pas être brisée; vous ne pouvez pas nous survivre et nous vous vaincrons.

Nous savons que notre héritage multiple est une force, pas une faiblesse. Nous sommes un pays de chrétiens et de musulmans, de juifs et d'hindous, et d'athées. Nous avons été formés par chaque langue et civilisation, venues de tous les coins de la Terre. Et parce que nous avons goûté à l'amertume d'une guerre de Sécession et de la ségrégation (raciale), et émergé de ce chapitre plus forts et plus unis, nous ne pouvons pas nous empêcher de croire que les vieilles haines vont un jour disparaître, que les frontières tribales vont se dissoudre, que pendant que le monde devient plus petit, notre humanité commune doit se révéler, et que les Etats-Unis doivent jouer leur rôle en donnant l'élan d'une nouvelle ère de paix.

Au monde musulman: nous voulons trouver une nouvelle approche, fondée sur l'intérêt et le respect mutuels. A ceux parmi les dirigeants du monde qui cherchent à semer la guerre, ou faire reposer la faute des maux de leur société sur l'Occident, sachez que vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire.

A ceux qui s'accrochent au pouvoir par la corruption et la fraude, et en bâillonnant les opinions dissidentes, sachez que vous êtes du mauvais côté de l'histoire, mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer votre étau.

Aux habitants des pays pauvres, nous promettons de travailler à vos côtés pour faire en sorte que vos fermes prospèrent et que l'eau potable coule, de nourrir les corps affamés et les esprits voraces.

Et à ces pays qui comme le nôtre bénéficient d'une relative abondance, nous disons que nous ne pouvons plus nous permettre d'être indifférents aux souffrances à l'extérieur de nos frontières, ni consommer les ressources planétaires sans nous soucier des conséquences. En effet, le monde a changé et nous devons évoluer avec lui.

Lorsque nous regardons le chemin à parcourir, nous nous rappelons avec une humble gratitude ces braves Américains qui, à cette heure précise, patrouillent dans des déserts reculés et des montagnes éloignées. Ils ont quelque chose à nous dire aujourd'hui, tout comme les héros qui reposent (au cimetière national) à Arlington nous murmurent à travers les âges.

Nous les honorons non seulement parce qu'ils sont les gardiens de notre liberté, mais parce qu'ils incarnent l'esprit de service, une disponibilité à trouver une signification dans quelque chose qui est plus grand qu'eux. Et à ce moment, ce moment qui définira une génération, c'est précisément leur esprit qui doit tous nous habiter.

Quoi qu'un gouvernement puisse et doive faire, c'est en définitive de la foi et la détermination des Américains que ce pays dépend. C'est la bonté d'accueillir un inconnu lorsque cèdent les digues, le désintéressement d'ouvriers qui préfèrent travailler moins que de voir un ami perdre son emploi, qui nous permet de traverser nos heures les plus sombres.

C'est le courage d'un pompier prêt à remonter une cage d'escalier enfumée, mais aussi la disponibilité d'un parent à nourrir un enfant, qui décide en définitive de notre destin.

Les défis face à nous sont peut-être nouveaux. Les outils avec lesquels nous les affrontons sont peut-être nouveaux. Mais les valeurs dont notre succès dépend, le travail, l'honnêteté, le courage et le respect des règles, la tolérance et la curiosité, la loyauté et le patriotisme, sont anciennes. Elles sont vraies. Elles ont été la force tranquille du progrès qui a sous-tendu notre histoire. Ce qui est requis, c'est un retour à ces vérités. Ce qui nous est demandé maintenant, c'est une nouvelle ère de responsabilité, une reconnaissance, de la part de chaque Américain, que nous avons des devoirs envers notre pays et le monde, des devoirs que nous n'acceptons pas à contrecoeur mais saisissons avec joie, avec la certitude qu'il n'y a rien de plus satisfaisant pour l'esprit et qui définisse notre caractère, que de nous donner tout entier à une tâche difficile.

C'est le prix, et la promesse, de la citoyenneté.

C'est la source de notre confiance, savoir que Dieu nous appelle pour forger un destin incertain.

C'est la signification de notre liberté et de notre credo, c'est la raison pour laquelle des hommes, des femmes et des enfants de toutes les races et de toutes les croyances peuvent se réjouir ensemble sur cette magnifique esplanade, et pour laquelle un homme dont le père, il y a moins de 60 ans, n'aurait peut-être pas pu être servi dans un restaurant de quartier, peut maintenant se tenir devant vous pour prêter le serment le plus sacré.

Donc marquons ce jour du souvenir, de ce que nous sommes et de la distance que nous avons parcourue. Aux temps de la naissance des Etats-Unis, dans les mois les plus froids, un petit groupe de patriotes s'est blotti autour de feux de camp mourants, au bord d'une rivière glacée. La capitale fut abandonnée. L'ennemi progressait. La neige était tachée de sang. Au moment où l'issue de notre révolution était la plus incertaine, le père de notre nation (George Washington, nldr) a donné l'ordre que ces mots soient lus:

"Qu'il soit dit au monde du futur, qu'au milieu de l'hiver, quand seul l'espoir et la vertu pouvaient survivre, que la ville et le pays, face à un danger commun, (y) ont répondu".

O Etats-Unis. Face à nos dangers communs, dans cet hiver de difficultés, rappelons-nous ces mots éternels. Avec espoir et courage, bravons une fois de plus les courants glacés, et supportons les tempêtes qui peuvent arriver. Qu'il soit dit aux enfants de nos enfants que lorsque nous avons été mis à l'épreuve, nous avons refusé de voir ce parcours s'arrêter, nous n'avons pas tourné le dos ni faibli. Et avec les yeux fixés sur l'horizon et la grâce de Dieu, nous avons continué à porter ce formidable cadeau de la liberté et l'avons donné aux générations futures."

dimanche 18 janvier 2009

Mardi 20 janvier 2009 - Investiture du président élu des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama


Après une semaine d’ “interruption” due à des problèmes techniques (encore merci au réparateur!), je retrouve l’usage de mon ordinateur...
Juste à temps pour rendre hommage aux citoyens nord-américains qui ont osé se mettre à la hauteur de leur histoire, et à celui qui a su leur inspirer ce sursaut. Pour rendre hommage, aussi, au graphiste contemporain Shepard Fairey, dont l’oeuvre a fourni l’affiche officielle de la cérémonie d’investiture du nouveau Président des Etats-unis.

jeudi 8 janvier 2009

Gaza et Israël : protéger les civils !


Dans l'esprit que j'ai exprimé il y a quelques jours, je vous renvoie, par le lien ci-dessous, aux communiqués publiés par Amnesty International et aux positions exprimées par cette organisation depuis le début des violences dont la bande de Gaza est actuellement le théâtre. Avec comme fil directeur une priorité : protéger les populations civiles qui se retrouvent otages d’événements qui leur échappent totalement, mais n'en pèsent que plus cruellement sur eux.

http://www.amnesty.fr/index.php/amnesty/s_informer/actualites/gaza_et_israel_proteger_les_civils

mercredi 7 janvier 2009

Reims... et après ? Mise en perspective du Congrès de Reims par regards croisés (et stimulants)


L’article ci-dessous a paru dans le journal Le Monde il y a quelques jours. Malicieusement (!) intitulé “PS, digérer le vinaigre de Reims”, il est le fruit d’un entretien entre Gérard Grunberg (politologue, spécialiste du Parti socialiste) et Alain Bergounioux (historien, membre du PS et ex-secrétaire national aux études, soutien de Bertrand Delanoë lors du Congrès de Reims).
Ces deux observateurs avisés du Parti socialiste mettent en perspective le Congrès de Reims et ses enseignements... L’occasion d’esquisser l’état des lieux d’un Parti socialiste qui apparaît, à bien des égards, à la croisée des chemins. Sont notamment abordées les questions suivantes : qu’a montré le Congrès de Reims sur les modes de fonctionnement actuels du PS, quels nouveaux défis a-t-il fait surgir dans ce domaine ? comment interpréter politiquement l’ “affrontement” Martine Aubry-Ségolène Royal, et l’échec de Bertrand Delanoë ? quelles perspectives d’avenir ? comment la “dramatisation” de la question des rapports avec le Modem s’explique-t-elle, et dans quelle mesure cette dramatisation apparaît-elle pertinente ? quel rapport le PS entretient-il avec l’élection présidentielle, et quels défis doit-il relever pour se mettre en situation de la gagner ?
(Les passages mis en gras l’ont été par moi, pour une lecture plus rapide.)


CitationPS, digérer le vinaigre de
Reims

Le Parti socialiste a terminé l'année 2008 avec une nouvelle direction, mais sans avoir surmonté ses divisions. Peut-il, malgré tout, se rénover ?
Alain Bergounioux. L'enjeu majeur des prochains mois est de le stabiliser. Si on reste dans des stratégies d'empêchement, la rénovation ne se fera pas. Or elle est indispensable. Le PS a connu ces dernières années une période de "dépolitisation" qui l'a rendu vulnérable par rapport à la droite et par rapport à l'extrême gauche. Il doit refaire de la stratégie, échapper à la contradiction qui le fait osciller entre des postures idéologiques et une gestion pragmatique. Je reconnais que c'était plus simple du temps de François Mitterrand : il y avait des rapports de force établis, des motions homogènes, des militants plutôt légitimistes. Aujourd'hui, tout est beaucoup plus compliqué. C'est pour cela qu'il faut refaire avant tout de la politique...
Gérard Grunberg. La situation du PS me paraît grave et son avenir incertain. Le "duel des dames" qui se joue entre Martine Aubry et Ségolène Royal peut conduire, s'il n'est pas maîtrisé, à un affaiblissement réel de ce parti, voire, à terme, à son implosion. C'est l'élection présidentielle qui mine le PS. S'il refuse de résoudre sereinement la question de la présidentialisation, de sa logique et de ses contraintes, il peut décliner. Il doit se donner toutes les chances d'être présent au second tour de la prochaine élection présidentielle. S'il n'en fait pas son objectif premier, c'est sa survie même comme grand parti de gouvernement qui sera menacée.

Quelles leçons tirez-vous du congrès de Reims qui s'est tenu en novembre 2008 ?
A. B. Historiquement, ce congrès n'a pas vraiment d'équivalent. Comme à Rennes en 1990, aucune motion n'était majoritaire. Mais la grande différence c'est que, depuis 1995, le premier secrétaire est élu par l'ensemble des militants : si aucune majorité ne se dégage au congrès, c'est son élection qui devient le vote-clé. La logique de la présidentialisation a modifié les pratiques et les représentations du parti.
G. G. Ce congrès a fait éclater la contradiction entre les deux logiques à l'oeuvre dans le parti depuis sa création à Epinay en juin 1971. D'un côté, le principe de la représentation proportionnelle des motions dans les instances dirigeantes et de la délibération collective pour définir la ligne politique. De l'autre, le principe de l'élection directe du leader par l'ensemble des adhérents dans une logique majoritaire empruntée au mode de scrutin présidentiel français. C'est ce système qui, s'appliquant pour la première fois dans toute son ampleur, a explosé à Reims. Compte tenu de la personnalisation croissante de la politique, il n'est plus possible de traiter de la question du leadership une fois seulement que les questions de fond sont résolues. Le congrès a échoué à définir une ligne politique puis à désigner un leader dont la légitimité puisse s'imposer à tous. Cet échec marque la fin du parti d'Epinay. Le PS est écartelé entre deux logiques contradictoires qui ont empêché un nouvel Epinay.

Le problème fondamental du PS, c'est son rapport aux institutions de la Ve République ?
G. G. C'est évident. Plus les socialistes sont absorbés par la logique de la présidentialisation et plus ils la condamnent. Ils continuent à ne pas assumer d'être un grand parti présidentiel et à refuser les institutions de la Ve République. A Reims, beaucoup voulaient empêcher que le nouveau leader soit un(e) présidentiable. A l'arrivée, ils en ont deux, dont l'opposition va structurer la vie interne du parti dans les années à venir.
A. B. La question de la personnalisation ne se pose pas qu'en France. Aucun parti n'échappe à ce phénomène. Aucun ne peut vraiment disjoindre la désignation de son leader de ses orientations de fond. Dans son fonctionnement interne, le PS touche du doigt la contradiction qu'il dénonce dans les institutions de la Ve République. La façon la plus simple de la surmonter serait qu'il désigne, comme le font les grands partis sociaux-démocrates, un leader en début de législature ou de mandat présidentiel et qu'il fasse en sorte que ce leader se présente aux élections. Quitte à en tirer les conséquences s'il échoue.

C'est le premier secrétaire qui devrait être, selon vous, le candidat naturel à l'élection présidentielle ?
A. B. La théorie selon laquelle il ne faut pas de "présidentiable" à la tête du PS est erronée. La seule question qui vaille est : la désignation de ce leader doit-elle être l'affaire exclusive des militants ou être confiée à un électorat plus large ? C'est une question difficile. La "primaire ouverte" aux sympathisants n'offre pas une garantie de succès, comme on l'a vu en Italie. En outre, elle contribue à diluer le parti alors que dans un régime parlementaire on a besoin de partis forts. Toute la difficulté est d'ouvrir le PS mais de préserver sa force et sa cohésion.
G. G. Il y a cependant de fortes raisons de confier à l'ensemble des sympathisants la désignation du candidat à l'élection présidentielle. D'abord et surtout, cette désignation est devenue pour le parti lui-même un enjeu trop lourd à gérer et comporte un risque trop élevé d'implosion de l'organisation. Il a intérêt à la déléguer à un corps électoral beaucoup plus large. En outre, une telle modification faciliterait la mobilisation derrière le candidat désigné et augmenterait sa légitimité. Enfin, comme l'ont montré les primaires américaines, elle peut favoriser l'ouverture du parti et le renouvellement de son cercle dirigeant. Cependant, il faut reconnaître les difficultés et les problèmes posés par une telle modification. Elle heurterait de plein fouet un parti dont la culture et le fonctionnement demeurent parlementaires au sein d'un régime qui lui aussi, malgré les apparences, demeure un régime largement parlementaire.

Idéologiquement, la bataille Aubry/Royal est-elle le prolongement de l'opposition, somme toute classique entre la première et la deuxième gauche ?
A. B. C'est plus compliqué que cela. Comme à chaque fois que son identité paraît en jeu, le PS se déporte sur sa gauche et renforce sa critique du capitalisme. C'est un réflexe génétique mais, sous l'effet de la crise économique, cette évolution est aussi perceptible dans les autres partis sociaux-démocrates européens. En outre, on ne peut pas dire qu'il y a d'un côté une ligne plus sociale-libérale incarnée par Ségolène Royal et une autre plus à gauche conduite par Martine Aubry. Mme Royal a mélangé les registres, elle a peu repris les thèmes de sa campagne présidentielle, elle a mené une critique radicale du comportement des banques. Mme Aubry et ses alliés ont davantage insisté sur les valeurs de la gauche. Mais les principales motions du congrès de Reims ne sont pas si incompatibles quand on examine les propositions concrètes. C'est la raison pour laquelle il n'est pas sorti de ce congrès l'impression d'un grand affrontement idéologique. On avait plutôt affaire à un choc de cultures politiques et de personnalités.
G. G. Reims me fait cependant penser au congrès de Metz, en 1979. Certes, le clivage central n'est pas cette fois-ci de nature économique. Mais dans l'un et l'autre cas, la majorité du parti, pour battre politiquement sa minorité - hier rocardienne, aujourd'hui royaliste, hier sur l'économie de marché, aujourd'hui sur l'évolution du parti et les alliances -, a adopté des positions très clivantes qui peuvent gêner soit la conquête du pouvoir, soit son exercice.

Que traduit l'échec de Bertrand Delanoë ?
G. G. Il a été pris à contre-pied par la crise. Les mêmes qui, au PS, s'étaient ralliés au réformisme contenu dans la déclaration de principes du parti ont radicalisé leur discours. Lorsque Martine Aubry dit "il faut changer le système", on sent bien que ce parti a toujours un problème pour définir son rapport au capitalisme. Il a du mal à redéfinir son projet européen. Il ne parvient pas à penser la mondialisation de manière équilibrée. Il privilégie trop souvent les distinctions manichéennes.
A. B. Il est vrai que l'anti-libéralisme sert souvent de pensée facile au PS. C'est regrettable, car cela lui interdit de penser une réalité plus complexe. Contrairement à ce qu'il dit souvent, la droite française n'est pas que libérale.

S'unir ou non avec le centre, la querelle entre Royal et Aubry sur les alliances est-elle réelle ou montée de toutes pièces ?
A. B. C'est une question identitaire : le PS, à Epinay, s'est fondé sur l'idée du rassemblement de la gauche contre la droite. En même temps, le sujet prend des contours nouveaux, car les alliés traditionnels des socialistes sont affaiblis. Ils ne suffisent plus à faire une majorité. C'est cette question que le parti ne parvient pas à aborder de façon rationnelle. Il est tiraillé entre son "hyper-idéologie" au niveau national et son "hyper-pragmatisme" sur le terrain.
G. G. Paradoxalement, ce parti qui se veut parlementariste ne s'est jamais posé la question des alliances dans une optique parlementaire. Pour lui, la conception des alliances est idéologique plus que politique : il s'agit de réunifier la gauche plutôt que de trouver une majorité au Parlement. Ainsi, le rapport au PCF n'a jamais été conçu par les socialistes - à l'exception de François Mitterrand... - d'abord comme une alliance. C'était avant tout le moyen de réunifier la classe ouvrière, comme disait Léon Blum, d'effacer le congrès de Tours de 1920 qui avait vu la scission du Parti socialiste. Aujourd'hui encore, lorsque le PS appelle au rassemblement de toute la gauche et au rejet de l'alliance avec le MoDem, il agit au nom d'une vision plus idéologique que politique.
(Propos recueillis par Françoise Fressoz et Jean-Michel Normand.)Citation

lundi 5 janvier 2009

“Liberté, égalité, fraternité” : agir d’urgence contre le dépérissement et la perte de sens des principes fondateurs de notre République

En complément à mon précédent post ainsi qu'à celui du 10 décembre (et appelant d’autres réflexions sur l’école et le monde associatif), ces éléments d’analyse trouvés entre temps dans le journal Le Monde. Jean-Michel Dumay, dans un éditorial intitulé “La crise et la devise”, rend compte d’une étude récente sur le degré de réalité dans la société française des trois principes de la devise républicaine - liberté, égalité, fraternité -, d’après le vécu de nos concitoyens. Faire vivre les éléments de cette devise issue de la Révolution française est bel et bien un enjeu d’actualité - ce qui donne d’ailleurs une résonance singulière au titre de l’ouvrage de Vincent Peillon, La Révolution française n’est pas terminée (éd. Seuil, 2008).
Est notamment mis en avant le rôle désormais majeur de la mobilité en termes d’intégration et d’exclusion. Ou encore, en filigrane, la nécessité de redonner sens aux principes républicains en prenant à bras le corps les nouvelles réalités qui travaillent aujourd’hui notre société en profondeur (“ascenseur social” bloqué, érosion - peut-être structurelle dans une certaine mesure - du pouvoir d’achat, attentes accrues vis-à-vis de l’école et du monde associatif en matière de tissage des liens sociaux...).

CitationLa crise et la devise, par Jean-Michel Dumay (Le Monde, 4 janvier 2009)

Dans un récent sondage réalisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) (pour La Croix), les trois piliers de la République, testés sur leur pertinence actuelle, sont en net recul. Moins de la moitié des personnes interrogées (45 %) estiment que la fraternité "s'applique bien à la société française d'aujourd'hui", une proportion bien moins grande encore (32 %) pense qu'il en va de même pour l'égalité. Ce sont sept à huit points de chute par rapport à 2004 - en fait, un retour aux bas niveaux de 2002. La dégringolade de la valeur "liberté" est, elle, plus nouvelle : elle caractérisait la France pour les trois quarts des sondés en 2003. Elle ne le fait plus que pour 60 % en 2008. (...)

Sans trop de surprise, la perception de liberté s'accroît avec l'augmentation des revenus, celle de fraternité diminue en fonction. Sur le terrain de l'égalité, on sait les conséquences de la panne de l'ascenseur social. A 78 %, les professions dites intermédiaires rejettent la pertinence du mot sur les frontons républicains. Comme dans une bulle, statistiquement isolée, c'est dans les foyers à plus de 4 500 euros mensuels net que se trouve la plus forte proportion de ceux qui considèrent qu'il y est au contraire encore à sa place. Une analyse plus fouillée met au jour quelques poches bien discriminantes. Les 65-74 ans, qui goûtèrent, alors enfants ou adolescents, la bolée d'air frais de l'après-guerre, sont ceux à considérer le plus (à 48 %) que la liberté n'est pas une valeur qui s'applique actuellement à la société française. Les 40-49 ans, enfants des soixante-huitards qui voulurent changer le monde avec un succès bien relatif quand ils en vinrent aux commandes, sont ceux à douter le plus (à 65 %) de la capacité de la société à être fraternelle.

On ne dit d'ailleurs plus très souvent "fraternel" de nos jours. On parle, comme le président de la République garant des trois piliers lors de ses voeux le 31 décembre, de solidarité. Sur ce point, on peut s'interroger, avec Gaël Giraud (revue Etudes, janvier), sur ce que sont les "nouveaux chemins de solidarité par temps de crise", la devise républicaine étant elle-même chahutée par de puissants changements sociétaux.

C'est que (...) les figures du "vivre ensemble", et donc de l'exclusion à combattre, ont profondément changé dans une société aujourd'hui marquée par la mobilité, les réseaux et la déterritorialisation. Sont exclus désormais ceux qui ne sont pas ou plus capables de faire preuve de la mobilité jugée nécessaire et/ou de s'arrimer à un réseau : les personnes âgées, les jeunes peu scolarisés, les handicapés, les malades... "mais aussi les informaticiens qui n'auront pas assimilé le dernier logiciel à la mode, les employés qui auront refusé de suivre leur entreprise délocalisée". Bouge, ou crève... "L'exclusion, désormais, est décrite et vécue comme un processus horizontal, aléatoire, dispersé, qui concerne des cas de figure individuels dont l'hétérogénéité rend difficile l'appréhension comme "phénomène social"."

D'où ce sentiment d'insécurité et de précarité qui peut surgir chez chacun, une fois dissoutes les formes traditionnelles de solidarité (qui s'enracinaient dans la famille, le travail, les amis, etc., toutes ces notions aujourd'hui fragmentées). A la question de savoir sur qui compter pour encourager la fraternité (hormis les proches), les personnes interrogées par le CSA ont plébiscité l'école, et plus encore les associations : c'est-à-dire des réseaux. Pour lutter contre l'exclusion, toujours crainte, d'un monde en réseaux.

Citation

dimanche 4 janvier 2009

Handicap et mobilité : pour une approche à la hauteur de la complexité des situations, et des obligations de la puissance publique


Dans ses voeux adressés à la nation le 31 décembre, Nicolas Sarkozy a promis qu’il ne laisserait “pas les plus fragiles se débattre seuls dans les pires difficultés”. Faisons-lui crédit de ne pas avoir attendu le 31 décembre 2008 pour prendre conscience de l’importance de cette exigence centrale dans la conduite d’un pays - l’exigence de solidarité... Reste que, pour apprécier le degré de crédibilité de tels engagements, le rapprochement s’impose avec l’état d‘esprit et les actes de ceux qui, au niveau national comme au niveau local, ont pour charge de les relayer et de les mettre en oeuvre concrètement. En ces premiers jours de 2009, une “nouveauté” bien cruelle nous en donne l’occasion...

Depuis le 1er janvier en effet, de nombreuses familles s’aperçoivent que les frais de transport des personnes handicapées entre leur domicile et le centre où elles reçoivent des soins sont désormais moins remboursés. Jusqu’alors, ces dépenses étaient prises en charge par l’assurance-maladie. Désormais, elles sont intégrées dans un nouveau dispositif : la Prestation de compensation du handicap (PCH). Problème : cette prestation est plafonnée à 200 euros par mois, alors que, quand le handicap nécessite plusieurs séances de soins par semaine, les seuls frais de taxi peuvent dans certains cas dépasser 1000 euros ! Si le décret créant cette situation date de février 2007 (donc avant l’élection de Nicolas Sarkozy et l’installation du gouvernement Fillon), l’exécutif actuel est bel et bien comptable de sa mise en application.
Difficile de ne pas faire un rapprochement entre cette mesure, prise au détour d’un décret, sans concertation préalable, et la réaction affligeante du Parquet après la mort du patient décédé le dimanche 28 décembre à Paris, après qu’on a cherché en vain un lit en réanimation dans les hôpitaux d’Ile-de-France. “Si on avait trouvé une place, ça n’aurait pas changé les choses (...). Il y avait peu de chances de le sauver.”
Difficile aussi de ne pas faire le rapprochement, aussi, avec les déclarations de Laurent Lafon à propos de la fermeture du Tribunal d’Instance de Vincennes décidée par madame Dati. Le maire de Vincennes affirmait soutenir sans réserve cette décision parce que “notre tribunal [étant] le plus petit du département, il est logique qu’il disparaisse” (Vingt minutes, édition du mardi 30 octobre 2007). [Une précision s’était alors imposée : contrairement à ce que prétendait M. Lafon, on avait traité au Tribunal d’Instance de Vincennes en moyenne 1250 affaires par an (et non mille...) au cours des trois années précédentes, contre 1100 pour le Tribunal d’Instance de Charenton - maintenu, lui.] M. Lafon avait également argué du fait que “nous ne sommes pas un territoire enclavé duquel il est difficile de sortir”, et que cette fermeture s’imposait donc au nom de la “logique de territoire”.

Analyse bien courte ! Peut-on raisonnablement ignorer la part croissante des seniors et des personnes âgées dans notre population (allongement de la durée de vie, importance de la génération du “baby boom”...) ? Peut-on s’affubler de telles oeillères au moment où l’on commence, enfin, à ouvrir les yeux sur un véritable “problème français” en matière d’intégration des personnes confrontées au handicap au sein de la cité (voir la tribune co-signée par Edouard Braine, avocat au barreau de Paris, et Monique Peletier, présidente du Conseil national handicap, administratrice du Conseil national handicap, parue dans le journal Le Monde le 25 décembre dernier) ?
Dans ce contexte, et pour faire face efficacement - et humainement - à ces réalités, la prise en compte d’une gamme de critères plus réaliste, c’est-à-dire notamment plus diversifiée, s’impose. En particulier pour éviter que, à côté des ghettos géographiques qui commencent à apparaître dans notre pays (voir mon post du lundi 29 décembre), ne se développent aussi dans notre espace public et dans notre société de plus en plus de “situations-ghetto”. C’est-à-dire de situations humaines constituant de véritables prisons pour les personnes qui y sont confrontées.
Cela implique d’accorder une place centrale - et durable - à la réalisation, dans l’espace public, de deux droits, comme garanties indispensables de la liberté réelle au sein de cet espace : le droit à la mobilité, et son corollaire le droit à l’accessibilité. Cela au moment où, négociant le virage (à beaucoup d’égards à peine amorcé) de la mondialisation, nous entrons dans une période longue qui verra peut-être les difficultés financières et matérielles s’accroître pour les citoyens des “pays riches”, dont la crise internationale réduit déjà le pouvoir d’achat. Dans ce contexte, les déplacements doivent aussi être envisagés du point de vue de l' “investissement” - financier mais aussi physique - qu’ils représentent pour chacun, notamment en raison du moment de son parcours de vie où il se trouve, et en raison de son état de santé.

Comme beaucoup, je pense que la capacité - ou l’incapacité - de se déplacer sur notre territoire est un facteur majeur de réduction - ou d’aggravement - des inégalités susceptibles d’altérer toujours plus la cohésion sociale dont nous avons besoin, singulièrement dans la période qui s’ouvre. Qu’agir à ce niveau est non seulement un moyen de lutter contre les discriminations, mais aussi un levier privilégié pour régénérer les exigences et l’esprit républicains (liberté, égalité, fraternite, solidarité, égalité réelle des chances...). Et qu’à ce titre, sa prise en compte s’impose comme une priorité dans la conduite des politiques publiques, y compris au niveau local.
Mais cela suppose que le pouvoir politique jouisse d’une crédibilité suffisante - surtout quand l’état de nos finances publiques offre peu de marges de manoeuvre et peut donc rendre exigeante pour l’ensemble de nos concitoyens la mise en oeuvre de politiques nécessaires. De ce point de vue, l’année commence mal pour la droite ! Car, ainsi que l’écrit un éditorialiste dans Le Monde du 4 janvier, “[q]ue l'assurance-maladie doive réaliser des économies n'est pas contestable. Que cela demande des efforts à tous, y compris peut-être aux familles de handicapés, peut se discuter. Mais appliquer mécaniquement des décisions si lourdes de conséquences pour certains des plus démunis des Français n'est pas acceptable. Et tenir le soir des voeux du Nouvel An des propos si rapidement démentis par les faits risque de décrédibiliser encore un peu plus la parole politique.” Comment éviter cet écueil ?
Un début de réponse réside sans doute dans l’exigence de cohérence dans les choix effectués et les positions adoptées à travers le temps. Ce qui commande par exemple, lorsqu’on met en oeuvre un plan Handicap - ce qui est une bonne chose, du point de vue de la loi bien sûr, et sur un plan humain tout simplement -, de ne pas simultanément applaudir une politique ministérielle qui oblige les personnes concernées à se rendre au Tribunal d’Instance de Nogent-sur-Marne - à l’heure où l’accessibilité et la fonctionnalité des transports en commun pour les personnes en situation de handicap restent très en retard par rapport à ce qu’elles sont chez beaucoup de nos voisins européens - !

Prises comme seules boussoles, la “logique de territoire” et l’approche étroitement comptable conduisent immanquablement à des aberrations. Et à des aberrations dommageables pour nombre de nos concitoyens à qui toute leur place n’est pas encore faite dans la société française - loin s’en faut.
À ces logiques claudiquantes, le moment est clairement venu d’articuler une exigence de proximité et de respect vis-à-vis des situations humaines
- aujourd’hui précarisées, durablement peut-être -, une prise en compte réaliste de l’environnement - c’est-à-dire aussi l’état des équipements et transports à disposition de nos concitoyens, suivant leur lieu de résidence -, et une ambition salutaire - et persistante - en matière de droit à la mobilité et à l’accessibilité. C’est aussi cela, une politique du pouvoir-vivre !

vendredi 2 janvier 2009

À l'orée de 2009, quelques "sources d’inspirations" prometteuses...


Entre deux séries de copies à corriger et deux échanges de voeux (j'avoue un retard coupable dans ce dernier loisir...), j’agrémente ce début d’année de lectures stimulantes intellectuellement, et de préférence agréables !
Du côté des classiques de la littérature française
, les Caractères de La Bruyère (souvent feuilletés, jamais lus dans leur intégralité). Outre les délices du style, une lecture qui féconde le sens critique et aiguise la clairvoyance. De quoi sourire aussi en pensant, souvent, à tel ou tel que l’on croit reconnaître (avant de s’apercevoir quelquefois qu’il s’agit de soi-même!)...
Du côté des livres politiques, deux textes remarquables d’intelligence et de clarté. D’une part, Choisir ! Lettre ouverte à ceux qui veulent encore espérer de la Gauche, de Gaëtan Gorce (aux éditions Lignes de repères, paru en septembre 2008). Un tour d’horizon éclairant des enjeux et des exigences à faire nôtres pour redonner vie à une Gauche en phase avec son temps - et à terme redonner toutes ses chances à la France et à ceux qui y vivent.
D’autre part, oublié (à tort !) de longs mois sur une étagère de ma bibliothèque, La France dans un monde dangereux. De l’exception à l’influence de Pierre Moscovici (Plon, collection Fondation Jean jaurès, paru en octobre 2006). Ecrit dans les derniers mois de la présidence de Jacques Chirac, cet ouvrage clair et dense met en lumière nombre d’enjeux toujours d’actualité en matière de politique étrangère et européenne, et propose une approche renouvelée pour la puissance française dans ces domaines.
Comme militant socialiste, je trouve dans ces deux dernières lectures un double réconfort. Le premier : ma famille politique, cela se confirme, ne manque nullement des talents et des compétences nécessaires pour la faire entrer de plain pied dans le 21e siècle ! Pour prendre à bras le corps les questions, même les plus complexes, et penser les changements, même les plus profonds, que cela exige, les ressources ne manquent pas - reste à mettre en oeuvre les meilleurs moyens de les mobiliser dans un travail véritablement collectif.
Deuxième réconfort : le goût d’examiner les choses à la fois en profondeur et en même temps dans l’ouverture aux apports de ceux qui peuvent nous y aider dans la société, pour proposer un cap compréhensible et convaincant, existe bel et bien parmi les socialistes !
Il faut donc souhaiter que toute la place nécessaire sera faite à cette disposition à travailler, de même qu’à ceux qui le manifestent et aux vocations qu’ils savent susciter. Faisons le pari que ce voeu - formulé notamment par les deux auteurs, l’un dans son livre, l’autre sur son blog - se réalisera, et ce sera, sur le plan de l’action politique de la Gauche, et malgré les rigueurs annoncées et pour une part déjà ressenties, une raison nouvelle d’aborder 2009 plein d'espérances.

jeudi 1 janvier 2009

Belle et heureuse année 2009 !




Voici venue l’heure des voeux ! À mon tour je sacrifie à la tradition. Jusqu’à ces toutes dernières semaines, l’année 2008 a été intense... ce qui en fait une source d’inspiration riche en matière d’espérances et de bonnes résolutions !

Comme militant socialiste, j’ai un souhait général pour 2009 : que le Parti socialiste ne se laisse pas coincer dans une posture stérile, enfermer dans un espace politique sans spécificité forte, sans consistance, et finalement sans visibilité ni perspectives. Même si cela ne saurait à l’évidence constituer un horizon politique, sachons retrouver une vitalité et un “savoir-agir” que ne doivent pas résumer l’hyper-pragmatisme de Nicolas Sarkozy (dont beaucoup de nos concitoyens voient qu’il est l’alibi d’une politique sans colonne vertébrale ferme), ni le ripolinage à la Jean-Marie Bockel (au moment où celui-ci lance son mouvement “gauche moderne” et revendique de “rénover la gauche”... dans le cadre de l’actuelle majorité de droite !). Je souhaite que notre famille politique réussisse de nouveau à faire vivre pleinement le socialisme, redonne vitalité aux espérances qu’il a aujourd’hui vocation à porter. Osons devenir nous-mêmes ! Pour cela, ni “ripolinage”, ni “dilution” : ré-enracinement, progressisme authentique, clarté, exigence démocratique et républicaine !

Ré-enracinement. Dans un contexte incertain, dans un monde plus complexe et mouvant que jamais, l’enracinement s’impose pour donner force et sens à notre discours. Pour régénérer notre pensée et notre projet. Cela signifie connaître et se réapproprier notre héritage, et ce dont il est porteur pour aujourd’hui (ce que Jean-Christophe Cambadélis appelle dans son dernier livre “le génie du socialisme”). C’est un préalable indispensable pour faire pleinement vivre le socialisme, lui permettre d’assumer le rôle qu’il a vocation à jouer en ce 21e siècle commençant. Enracinement dans notre histoire commune donc. Enracinement aussi dans le terreau humain de notre action collective : le Parti socialiste - ses militants, ses sympathisants. Cela exige de comprendre et de faire vivre la diversité qui existe en son sein - et qui fait de lui ce qu’il est à présent. Je répète ici mon souhait de voir dépasser le plus souvent possible les logiques de “courants” et de “motions”, pour laisser s’exprimer de véritables “lignes politiques”, ainsi que les sensibilités et les talents des militants. Enracinement encore dans la réalité du 21e siècle commençant. Du global au local, du champ économique au terrain social en passant par les défis culturels et environnementaux, il nous faut pénétrer dans sa profondeur, sa complexité, et parfois sa rugosité le monde dans lequel doit s’inscrire notre travail. À quelques mois des élections européennes, cette nécessité prend tout son sens !

Progressisme authentique. Dans la tribune cosignée cet été avec mon camarade Akli Mellouli, je rappelais qu’être progressiste, c’est “reconnaître les élans nouveaux que chaque époque recèle, et faire porter leurs fruits aux aspirations [légitimes et fécondes] engendrées par notre société au fil de son histoire”. À cela, l’enracinement souhaité précédemment nous aidera. Connaissant ceux pour qui, et avec qui il nous faut agir, nous saurons identifier les points d’appui d’une politique véritablement progressiste. C’est-à-dire d’un réformisme assumé - sachant qu’il n’est pas de réformisme assumé sans réformisme radical chaque fois que cela est nécessaire. À nous d’identifier - en commençant dès les mois qui viennent - les priorités qui appellent, du point de vue même de nos concitoyens (à l’expression desquels il conviendrait de faire une large place), la part de radicalité dont nous sommes aussi porteurs. C’est au prix de ce travail que nous pourrons être pleinement nous-mêmes, sans être dogmatiques ni pouvoir être présentés comme tels.

Clarté. Etre pleinement nous-mêmes, c’est-à-dire aussi transcrire ce que nous sommes dans un projet politique cohérent, réaliste, identifiable et entraînant. Pour cela, il faut retrouver le goût de réfléchir en vue de tracer un cap. En vue, comme l’écrit Gaëtan Gorce dans sa Lettre ouverte à ceux qui veulent encore espérer de la Gauche, de susciter “une confiance dans l’avenir fondée sur une vision claire, réaliste et volontariste des enjeux à relever”. Cet exercice diffère certes de celui par lequel se compose une majorité à l’issue d’un Congrès... Mais lui seul permet de dégager une ligne politique, une dynamique de proposition, à partir de laquelle le Parti socialiste montrera son unité et redeviendra capable de mobiliser une majorité de nos concitoyens au viveau national. De dessiner un horizon vers lequel nous aurons vraiment envie d’aller ensemble, et avec nous les Français. Pour moi et quelques autres, cet horizon s’appelle pouvoir-vivre. Plus largement, experts et simples militants, laboratoires d’idées, groupes de travail plus modestes et militants studieux : nous sommes déjà nombreux à avoir engagé cette quête, chacun selon ses moyens. Je souhaite que le Parti socialiste nous offre régulièrement les occasions de nous retrouver, d’échanger, dans une réflexion pleinement collective et durablement ouverte (aux acteurs économiques, sociaux et associatifs, plus largement à nos concitoyens notamment sympathisants...). Tout simplement pour avoir plus de chances d’être, le moment venu, à la hauteur de nous-mêmes et des exigences du temps.

Exigence démocratique et républicaine. Commentaires de la Ministre de la Justice après le jugement de Lille (mariage annulé parce que la mariée avait “dissimulé” sa non-virginité à son promis) mettant en cause le principe d’égalité ; manque d’audace de l’actuelle majorité et de ses alliés au niveau local dans la lutte contre les discriminations sociales, culturelles et territoriales mettant en cause le même principe, et bien souvent celui de liberté ; trouble suscité dans les esprits par la grâce présidentielle accordée à M. Marchiani, ou par diverses atteintes aux libertés publiques notamment avec les conditions d’interpellation de Vittorio de Filippis (l’ancien directeur de publication du journal Libération)... Les exemples ne manquent pas, qui montrent combien faire vivre les principes démocratiques et républicains, comme la confiance dans leur respect au plus haut niveau, est un combat d’actualité. Si nous n’en avons pas le monopole, nous ne saurions à l’évidence déserter ce combat. N’ayons pas honte de revendiquer clairement, y compris lors d’un rassemblement comme celui organisé cet automne au Zénith par Ségolène Royal, notre attachement à un principe républicain comme la Fraternité. N’ayons pas honte d’agir autant qu’il est en nous pour “le strict respect des droits et libertés dans notre pays”, appelé de ses voeux par Martine Aubry mercredi dernier. Osons agir, jusque dans nos communes, dans cette perspective : faire vivre les possibilités et les exigences nouvelles en la matière. Réinvestir activement le champ des valeurs républicaines : par micros interposés, un échange chaleureux avec notre nouvelle Première secrétaire lors des Ateliers de la rénovation au CNAM au printemps dernier me donne à penser que cela est bel et bien à l’ordre du jour au Parti socialiste. Tout simplement parce que faire oeuvre de socialiste, c’est aussi faire oeuvre de citoyen ! Je souhaite que sur ce plan aussi, nos espérances militantes trouvent des réponses concrètes.

Quelques mots plus personnels pour terminer... Comme la précédente, et même un peu plus, cette année a été très intense. Comme militant et sur le plan humain, de rencontres en mise à l’épreuve, de doutes en espérances, elle m’a accaparé et construit. M’a offert des rencontres marquantes, trop souvent aussi privé de présences qui me sont douces et nécessaires. Depuis quelques semaines, prenant le temps d’une réflexion que l’issue de notre récent congrès commandait, et n’ayant pas été encore sollicité par ma secrétaire de section à qui j’ai souhaité laisser le temps de chercher ses marques pour mieux agir ensemble, (cédant à l’appel de la vie, aussi !...) j’ai pu redécouvrir le prix de ces présences. Retrouvailles et découvertes : de cela aussi, la fin 2008 a été riche ! Merci à celles et ceux qui en ont été porteurs. Ils m’ont apporté plus qu’ils ne pensent. Je souhaite maintenant savoir le leur montrer un peu mieux que ces deux dernières années !

Je vous souhaite une heureuse année 2009, riche de tout ce qui, en dépit des rigueurs annoncées, saura vous la rendre belle et “passionnante” !