jeudi 27 août 2009

Histoires de nombril à quelques encablures de La Rochelle...


À quelques heures de l'ouverture de l’Université d’été de La Rochelle, la presse souligne le probable embarras de Martine Aubry, paraît-il acculée par la “jeune garde” socialiste à prendre d’urgence une position claire sur deux questions. L’ “alliance avec le Modem” ; et l’organisation de “primaires ouvertes” pour investir le candidat (ou la candidate) que le PS soutiendra à la prochaine élection présidentielle.
Les proches collaborateurs de la Première secrétaire font leur possible pour lui ménager, autant que faire se peut, quelque marge de manoeuvre face à ces deux questions. Ainsi Jean-Christophe Cambadélis nous appelait-il hier matin dans la presse à “arrêter de se regarder le nombril”. Autrement dit, à remettre chacune de ces deux questions en perspective, à l’intégrer dans une démarche politique globale, et l’inscrire à sa juste place dans le calendrier politique - en particulier pour la seconde, après que le Modem “nous [aura] di[t] qu’il est désormais de gauche”.
Propos somme toute raisonnables. Propos, au fond, insuffisants.


Arrêter de se regarder le nombril, ce n’est pas détourner le regard pour ne pas voir ce que nous sommes devenus. Ce n’est pas regarder en l’air en sifflotant pour éviter que nos concitoyens remarquent ce que nous faisons dans certaines villes. Ce n’est pas fuir l’échange avec nos électeurs - avérés ou potentiels, réguliers ou occasionnels - et nos sympathisants pour éviter de voir qui ils sont.

Arrêter de se regarder le nombril, c’est d’abord oser aller au-devant de nos concitoyens, ceux en tout cas qui estiment avoir quelque chose à nous dire. Quand ? Comment ? La réponse est simple : le plus vite possible après les élections européennes, en faisant ce que le Front de Gauche par exemple ne s’est pas privé de faire durant l’été (dès le 3 juillet à la Mutualité).
À Vincennes, nous avions, avec quelques camarades de "L'Espoir à Gauche", proposé d’organiser dans les semaines suivant les européennes une réunion publique, la plus simple possible dans sa forme, destinée à écouter nos concitoyens désireux de nous adresser un message. En somme, prolonger et approfondir le dialogue amorcé par la cinglante contre-performance du 7 juin. D’autres l’ont naturellement proposé, dans d’autres sections.
À présent, s’il n’est pas forcément trop tard cela paraît compliqué. D’abord, parce que dans quelques mois auront lieu les élections régionales, qui font surgir dès maintenant des questions d’alliances et de composition de listes - ce qui peut effectivement donner aux Français le sentiment que nous nous “regardons le nombril”. Ensuite, parce qu’après les régionales, l’élection présidentielle sera en ligne de mire. Le temps sera alors compté pour la préparer le plus efficacement possible en évitant les erreurs de 2007 (investiture trop tardive de notre candidate).
Tout cela fait l’impression d’un acte manqué. Comme si certains, craignant de ressusciter dans le même mouvement la démarche participative et la présidentiable Ségolène Royal, ou craignant la brutalité de l’image qui leur serait renvoyée du PS, avaient laissé passer l’occasion de ce face à face salutaire avec nos concitoyens.

Arrêter de se regarder le nombril, c’est aussi garder quelque distance vis-à-vis de notions (primaires ouvertes, rapprochement avec le Modem) dont l’effet instantané tient, en grande partie, à l’imaginaire collectif des socialistes. Manuel Valls pensait-il à cela quand, il y a quelques mois, il mettait en garde contre le "fétichisme des mots" ? Personnellement, je ne suis ni un “fanatique” des premières, ni un “mystique” du second.
Aux primaires ouvertes, je suis clairement favorable - sans en faire pour autant, comme Arnaud Montebourg, la condition de mon adhésion au PS.
Quant à un rapprochement avec le Modem, si je n’y vois pas un Graal, je n’ai pas encore réussi à comprendre quelle apocalypse nous déclencherions en envisageant... ce que nous faisons depuis longtemps au Parlement européen : voir en ceux qui se reconnaissent dans cette formation politique de possibles partenaires dans la réflexion - sans s’enfermer a priori dans un scénario d’alliance électorale.
Ni “fanatique”, ni “mystique”, donc. D’abord parce que, aussi importantes qu’elles soient sur le plan stratégique, ce genre de questions ne compte pas parmi les principaux ressorts de mon engagement politique au PS. Mais aussi parce que, de toute évidence, ces deux démarches peuvent aussi bien ne conduire nulle part - voire à de nouvelles divisions ou à un enlisement fatal - si, se polarisant sur elles, on oublie de relever rapidement un certain nombre de défis. J’en évoquerai deux.


Premier défi : acquérir une vision honnête et claire du paysage politique français - PS inclus -, tel qu’il est aujourd’hui. (Avec plusieurs camarades de “L’Espoir à gauche” nous avions, au lendemain des élections européennes, partagé nos premières analyses à ce sujet avec les militants socialistes vincennois.) À partir de cette vision (que le dialogue direct avec nos concitoyens nous aiderait évidemment à acquérir), on pourra se poser quelques questions simples qui, pour peu qu’on y réponde de façon intègre, nous aideront à tracer notre route.
1) Gagner la prochaine élection présidentielle est-il, à nos yeux, une priorité ?
2) Sommes-nous avant tout socialistes, ou progressistes ? (Au passage, il s’agit de savoir ce que nous mettons derrière ces termes, avec plus de netteté que ne le fait la Déclaration de principe du PS.)
3) Pouvons-nous gagner cette élection sous la seule bannière “PS” ?
4) Le “pédigrée” d’un responsable politique est-il un critère pertinent pour décider si, oui ou non, on prend le temps de voir si une articulation profonde peut être trouvée entre la pensée de la famille politique qu’il représente, et la nôtre ?
À titre personnel, je suis perplexe quand j’entends rejeter a priori toute confrontation d'idées avec “le Modem” au nom de cet imparable syllogisme : “Balladur et Juppé sont de droite. Or Bayrou a travaillé à leur côté. Donc le Modem de droite.”
Les mêmes ont-ils (ou auraient-ils) refusé de militer dans le parti de François Mitterrand au motif que celui-ci avait commencé son parcours politique à droite, ou que certains ont continué à le considérer comme un “homme de droite” jusqu’au terme de ce parcours ?
Refusent-ils aujourd’hui de travailler avec Martine Aubry, plus avancée à Lille que beaucoup de responsables socialistes en matière de partenariat de gestion - et pas simplement de réflexion - avec le Modem ?
Ont-ils renoncé au caractère fondamentalement progressiste de l’engagement socialiste, fondé entre autres sur le pari dans la capacité de la société, et de l’esprit humain, à se “convertir” à l’exigence de justice sociale et de pleine réalisation de l’idéal républicain ?
Que répondent-ils à ceux qui, plus “à gauche” que nous, jugent que le PS n’est justement pas “de gauche” ? Que la seule gauche qui existe c’est celle que nous, socialistes donc de gauche, appelons ainsi ? Nous revoilà alors en tête à tête (si j’ose dire) avec notre nombril. Et nos concitoyens le voient.

Éviter cela, c’est relever un autre défi : faire revivre au sein de notre famille politique l’ “esprit de projet”, en osant se doter des outils que l’on juge nécessaires pour cela.
Certains aspirent à être, le moment venu, dans la course à l’investiture pour l’élection présidentielle ? Qu’ils affirment avec force pourquoi ils s’estiment appelés à jouer un tel rôle, en assumant cette vision dont ils sont porteurs jusque dans leur façon de participer à la vie et à la présence du PS, à la genèse d’une “famille” progressiste (avec les contours qu’ils estiment devoir lui donner), et plus largement à la vie publique nationale. C’est le meilleur moyen, pour ceux que cela intéresse, de défendre leurs chances d’investiture. C’est aussi le meilleur moyen de prendre clairement conscience de ce dont nous, socialistes, sommes aujourd’hui porteurs - et de construire l’avenir autrement qu’en fantasmant à partir de “pédigrées”, et à partir d’étiquettes derrière lesquelles chacun met ce qu’il lui fait plaisir - ou peur - de mettre !
Certains aspirent à être, le moment venu, dans la course à l’investiture pour l’élection présidentielle ? Qu’ils commencent dès maintenant à se faire connaître au travers d’une conception forte et claire de l’avenir dont la société française a, selon eux, besoin, et de l’action politique à leurs yeux nécessaire pour y parvenir. Sur ce dernier point, par exemple, Vincent Peillon (à qui l’ambition de jouer un rôle majeur dans la prochaine campagne présidentielle ne doit pas être totalement étrangère) me paraît avoir, le week-end dernier à Marseille, engagé un travail intéressant. Sans doute d’autres en sont-ils capables.
Dans les colonnes du journal Le Monde, Martine Aubry soulignait aujourd’hui : "le projet précédera les alliances, c'est incontournable". D’accord. Je partage en grande partie, à cet égard, le sentiment de Pierre Moscovici. Ne serait-ce que pour cette raison de bon sens : pour toute alliance avec les socialistes, il y a besoin... des socialistes. Aussi bien pourrait-on dire : il ne pourra y avoir d’alliances que si nous réussissons d’abord à bâtir un projet socialiste. Un projet reflétant ce que les socialistes - et ceux qui ont coutume, ou sont susceptibles, de voter pour eux - sont aujourd’hui ; la vision politique qui est susceptible de leur rendre une unité, une dynamique propre, et une force d'entraînement. Or de toute évidence nous n’avons pas réussi, à ce jour, à formuler une telle vision.
S’atteler sérieusement à cette tâche, c’est faire émerger le “nouveau socialisme” qui, de congrès raté en élection perdue, d’audaces de “quadras” en colères de militants, ne demande qu’à advenir, à se déployer, à s’affirmer. Depuis quelque temps déjà on en pressent, on en devine, tantôt en creux, tantôt en pleins, les contours et la substance. Comment faire qu’enfin, il soit là ? Comment devenir enfin nous-même ?
En osant, notamment, rencontrer l’autre. Autrement dit ? Puisque, au-delà de la rénovation, la "renaissance" est officiellement à l'ordre du jour (cf. Déclaration officielle de Martine Aubry, nouvelle Première secrétaire du PS, le 23 novembre 2008)...
L’Europe n’a
pas, jadis, attendu que sa “Renaissance” fût achevée pour aller à la rencontre du continent américain. Pas davantage n'a-t-elle perdu son identité en chemin. En revanche, cette audace - longtemps ravalée par crainte de ne pas trouver le chemin du retour, de voir son navire se disloquer en cours de route, ou même par peur des créatures monstrueuses que l’on imaginait peupler l’océan - a contribué à faire la Renaissance. Sans renoncer à son héritage, l’Europe s’est alors réinventée, jusque dans sa vision du monde, prenant à l’occasion pour plusieurs siècles “l’avantage” sur les autres civilisations. (Voir la belle étude de Jean Delumeau, La Civilisation de la Renaissance.) Hasard ? Cela correspond aussi au moment où nous avons cessé de concevoir l’univers à partir de notre nombril, et de croire que soleil et planètes tournaient autour de la terre...


mercredi 26 août 2009

"Ouverture aux jeunes” du Conseil économique, social et environnemental : essai "marqué"... mais à transformer


Une fois n’est pas coutume, ce post commencera par l’expression d’une... satisfaction spontanée face à un projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres.


“Satisfaction de principe”

Le 3 juillet dernier, regrettant que la préservation de la biodiversité soit souvent oublié dans une sorte d’angle mort (comparé à la question du changement climatique), je proposais, pour “stimuler les acteurs politiques officiels”, d’ “ouvrir à nos concitoyens l’espace nécessaire pour prendre toute leur part dans le débat public en la matière”. (Voir mon post du vendredi 3 juillet.)

Quelques jours plus tard, j’évoquais les “trappes” de précarité et de vulnérabilité dans lesquelles, parmi d’autres parties de la population, la puissance publique tend à oublier un très grand nombre de femmes et de jeunes concitoyens.
Parmi les moyens d’agir contre une forme d’“abandon”, j’appelais de mes voeux une pratique plus rigoureuse et efficace de la mixité dans les instances “stratégiques”. Et pour les jeunes, en particulier, “une présence suffisante dans l’espace public – y compris dans des instances dotées d’une réelle capacité d’initiative ou d’influence”. Tout en soulignant que “pour être active, cette mixité générationnelle doit naturellement éviter un écueil : celui d’une « sectorisation générationnelle » de l’espace public, chaque génération parlant ou agissant de son côté et non pas dans l’échange avec les autres”.

Sur le principe, je ne peux donc que me réjouir du projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres, portant ouverture du Conseil économique, social et environnemental (voir mon post du vendredi 19 juin) à un plus grand nombre de jeunes (notamment d’étudiants) et de femmes, ainsi qu’aux associations et fondations écologiques.


L’ “ouverture” en son contexte...

Cette “ouverture” s’inscrit dans un fonctionnement renouvelé du Conseil économique, social et environnemental (CESE), tel que prévu par la réforme constitutionnelle de 2008. Pour en apprécier l’ampleur et la portée, il faut donc en observer le détail et la considérer parmi les autres transformations apportées par cette réforme au fonctionnement de l’institution.

• Outre 18 représentants des associations et fondations écologiques, ce sont 4 représentants des jeunes et des étudiants qui trouveront dorénavant place parmi les 233 membres du Conseil - au lieu de 231 actuellement -.
• L'âge minimum requis pour appartenir au Conseil est abaissé de 25 à 18 ans, et les organisations disposant de plus d'un siège au conseil doivent respecter la parité hommes/femmes dans la composition de leur délégation.
• En incluant les 40 personnalités qualifiées (dont 15 particulièrement compétentes dans le domaine de l'environnement), le Conseil s'articulera autour de trois pôles : 140 membres siégeant "au titre de la vie économique et du dialogue social", 60 "au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative" (associations, mutuelles, coopératives, étudiants, Outre-mer) et 33 "au titre de la protection de la nature et de l'environnement".
• Comme le prévoit la révision constitutionnelle, le Conseil pourra désormais être saisi par voie de pétition, signée par 500.000 Français ou étrangers résidant régulièrement en France. Après examen de la pétition, il pourra faire des propositions au gouvernement et au parlement.
• Le projet de loi organique modifie enfin les liens entre les deux chambres du Parlement et le Conseil "pour l'examen des propositions de loi ou des demandes d'avis qui émanent des assemblées" : depuis la révision constitutionnelle, il peut être consulté, non seulement par le gouvernement, mais également par le Parlement, "sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental".


Pour une “ouverture” efficiente : conditions et responsabilités

Au vu de ces données, certaines conditions demeurent clairement requises pour que l’ouverture à des “représentants des jeunes” soit efficiente. Toutes n’incombent pas au seul pouvoir exécutif.

De façon générale, garantir que ces nouveaux venus au sein du Conseil économique, social et environnemental trouveront à se faire entendre. Quelles que soient leurs qualités, cela ne va pas de soi, compte tenu de leur nombre extrêmement réduit : 4 ! Un repère comme un autre : 4, c’est le nombre de ministres “d’ouverture” dans l’actuel gouvernement, qui compte en gros 6 fois moins de membres. On voit dans quelle mesure lesdits ministres parviennent à se faire entendre... Encore jouissent-ils d’une visibilité et de conditions d’accès aux médias sans commune mesure avec celles dont jouissent les membres du Conseil économique, social et environnemental !

Ici, l’enjeu est d’autant plus prégnant que les 4 jeunes membres du CESE auront pour rôle, non pas simplement de “se faire entendre”, mais bien de faire entendre ceux de nos concitoyens qu’ils représentent. Or chacun sait qu’il n’y a pas, en France comme ailleurs, “une jeunesse”. Ce qu’il s’agit de représenter, ce sont bien des jeunesses, toutes ayant également droit à être prises en compte par l’exécutif.
Ce qui, à l’évidence, n’est pas spontanément le cas à l'heure actuelle. Ainsi a-t-on pu entendre aujourd’hui le Président de la république expliquer que l’avenir se prépare en investissant exclusivement, au nom d’un objectif d’ “excellence”, dans l’enseignement supérieur, et nullement dans les parties du système éducatif où s’acquiert (ou pas) la capacité de réussir (ou même de conquérir sa place) à l’université (en fait dans les cycles universitaires ouvrant réellement voie vers l’ “excellence”). À ce compte là, les “trappes” de précarité ont de beaux jours devant elles, et l’objectif présidentiel d’“égalité réelle des chances”... du plomb dans l’aile. (Voir mes posts du mercredi 15 juillet, et du vendredi 26 décembre 2008 .)
Le choix des “représentants des jeunes” devra donc être particulièrement intelligent, et exemplaire, pour satisfaire aux exigences incontournables de diversité d’origine (socioculturelle, voire socioprofessionnelle, géographique...) et d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Avec un nombre de représentants plafonnant à 4 dans l’hémicycle du CESE, cela confine à la “quadrature du cercle”. Des garanties - notamment de transparence - s’imposent donc.

Au-delà, il s’agit de donner aux jeunes membres du Conseil économique, social et environnemental, l’occasion de se faire entendre. À cet égard, les acteurs politiques nationaux ont un rôle à jouer. Formations politiques et associations, au travers par exemple de pétitions rassemblant les 500 000 signatures permettant de saisir le CESE - et le cas échéant, d’obtenir de celui-ci qu’il fasse des propositions au gouvernement et au parlement. Nos députés, en exerçant par exemple leur droit à consulter le CESE sur un sujet de leur choix - et donner ainsi à ses jeunes membres des occasions privilégiées de se faire entendre.
Autant d’efforts essentiels pour que le projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres ait une portée réelle. Car on le sait, “ouvrir” le Conseil économique, social et environnemental à des représentants des jeunes Français est une chose ; c’en est une tout autre que de parvenir à “ouvrir” les yeux et les oreilles de l’exécutif, comme du parlement (voir mon post du 20 avril 2009), aux réalités qu’ils vivent !

mardi 25 août 2009

"Quelque chose a sans doute commencé, samedi à Marseille..." (Libération)


Hier matin, dans Libération, Laurent Joffrin est revenu sur le succès des Ateliers d'été et du rassemblement proposé par Vincent Peillon à Marseille le week-end dernier. Ci-dessous, l'article de L Joffrin, nettement subjectif dans sa forme mais intéressant - et assez bien senti !

" Un peu de soleil dans l’eau froide de la désunion. Pour la première fois depuis des lustres, un peu d’espérance s’est fait jour dans une assemblée organisée par des socialistes. Pour la première fois depuis des lustres, quelque chose a sans doute commencé, samedi à Marseille, quelque chose qui peut renverser le courant de résignation qui semblait emporter la gauche vers une défaite certaine. En réunissant un arc-en-ciel politique qui va du Modem au PCF, en passant par les Verts et les Radicaux de gauche, Vincent Peillon a cristallisé la seule orientation stratégique qui puisse rendre un début de crédibilité au camp du changement social : la Grande Alliance, celle-là même que nous réclamions dans ces colonnes après les européennes.

Le résultat du scrutin montrait déjà que si la gauche retrouvait le chemin de l’entente avec le Modem et les Verts, elle rassemblerait une majorité. Encore fallait-il que cette constatation arithmétique devienne une réalité politique. C’est ce qu’a initié Peillon. Il ne s’agit pas seulement de calcul électoral. Par sa simplicité amicale, par son appel à l’ouverture, par une certaine manière d’affirmer que si l’on cherche un projet commun, les différences sont moins fortes que les ressemblances, la réunion de Marseille esquisse aussi une manière différente de faire de la politique. Le rassemblement proposé est fondé sur des valeurs communes et non sur un programme négocié au sommet, sur un réseau d’affinités et non sur une coalition de partis. Il dessine une troisième phase dans l’histoire des stratégies d’opposition : après l’union de la gauche, après la gauche plurielle, la Grande Alliance, sociale, démocratique et écologique. Contre Sarkozy ? Avant tout pour préparer un après-crise qui remette à l’honneur les notions d’action collective et de justice sociale.

Les classiques, les claniques et les caciques du PS s’y opposeront, concentrés sur la vieille soupe qui mijote dans leur vieille casserole ? Sans doute. Les Trissotin de l’extrême gauche préféreront une chimérique radicalité à l’union pour des réformes, ici et maintenant ? A coup sûr. Solférino voudra noyer le poisson dans un flot d’objections obliques ? Peut-être. Mais le peuple d’opposition y verra, lui, une première raison de croire."

vendredi 21 août 2009

Voeux de rentrée... pour une fin de “vacance”


Mon engagement citoyen vient, entre autres, d'une vigilance aiguë face aux “trapes” de précarité et de vulnérabilité. Ces espaces et ces situations qui constituent de véritables angles morts où, oubliées parce qu’invisibles ou peu visibles, certaines personnes se trouvent laissées en proie à diverses formes de préjudices face auxquels elles sont particulièrement démunies.
D’où par exemple, l’alerte lancée sur ce blog il y a un mois, à la suite de la publication du rapport préparatoire de Brigitte Gresy sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et du 4e rapport du Comité des droits de l’enfant de l’ONU (évaluant l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990). (Voir mon post du mercredi 15 juillet.)


Au début de l’été, j’avais eu la chance de pouvoir échanger longuement, dans des conditions privilégiées, avec madame Dominique Versini, Défenseure des enfants. (Voir mon post du vendredi 19 juin.) Dans le cadre d’une journée de travail au Conseil économique et social, la discussion en “petit comité” avait porté sur la précarité et les domaines dans lesquels elle vient à faire obstacle aux droits de l’enfant (milieu de vie, conditions de travail scolaire, loisirs, santé...).

Parmi les espaces qui, en la matière, constituent des zones de non-droit inacceptables sur le territoire de la République française, il en est d’une sorte à propos de laquelle j’avais eu par ailleurs l’occasion d’interpeller le maire de Vincennes à l’automne 2008. (Voir mon post du jeudi 23 avril.)
Dans une lettre restée à ce jour sans réponse, j’attirais son attention sur la dégradation du sort fait dans les centres de rétention administrative (dont le CRA de Vincennes) aux personnes qui s’y trouvent retenues. Face à la politique menée par le gouvernement en la matière, de nombreux élus de la République (parmi lesquels des membres de la majorité) avaient adressé au Président de la république une lettre ouverte mettant en garde contre les conséquences de l’évolution ainsi cautionnée. J’avais donc souhaité connaître la position de Laurent Lafon (et le cas échéant, de sa majorité municipale) sur cette question. En vain.

Tous les acteurs politiques interpellés sur le sujet ne cèdent pas, fort heureusement, à la tentation de l’ignorer. Dépassant les clivages politiques, Dominique Versini (ancienne ministre de Jacques Chirac) a, le 14 août dernier, sévèrement critiqué la gestion des CRA actuellement cautionnée par le gouvernement. Soulignant de façon générale que “des enfants qui n’ont pas commis d’infraction n’ont pas à séjourner dans des lieux privatifs de liberté”, madame Versini a dénoncé en particulier les aménagements spéciaux censés permettre leur accueil. Ainsi les a-t-elle jugés “mal adaptés à la vie quotidienne des enfants qui présentent souvent des signes de souffrance psychique (troubles du sommeil, mutisme, maux de ventre, dépression...)”.


Le non-respect ponctuel des droits fondamentaux en tel ou tel point d'un territoire a, l’histoire le montre, fâcheusement tendance à y faire "tache d’huile". Ce sujet concerne donc aussi, plus qu’il n’y paraît, nos concitoyens.
Souhaitons donc que ce courageux désaveu d’un pan sinistre de la politique du gouvernement contribue à lui redonner, dans le débat public national et local, toute la place qu’il convient - et que s’efforcent de lui faire des associations comme RESF, la Ligue des droits de l’homme ou encore Amnesty international.
Souhaitons aussi, à la veille de la rentrée politique, qu’il fasse école auprès des acteurs de la république tentés de chasser cette réalité de leur champ de vision, la maintenant ainsi dans un dangereux angle mort. Et, les détournant d’une telle vacance, les réconcilie, face à de tels enjeux, avec le dialogue républicain, ses exigences d’ouverture et de courage.