mercredi 26 août 2009

"Ouverture aux jeunes” du Conseil économique, social et environnemental : essai "marqué"... mais à transformer


Une fois n’est pas coutume, ce post commencera par l’expression d’une... satisfaction spontanée face à un projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres.


“Satisfaction de principe”

Le 3 juillet dernier, regrettant que la préservation de la biodiversité soit souvent oublié dans une sorte d’angle mort (comparé à la question du changement climatique), je proposais, pour “stimuler les acteurs politiques officiels”, d’ “ouvrir à nos concitoyens l’espace nécessaire pour prendre toute leur part dans le débat public en la matière”. (Voir mon post du vendredi 3 juillet.)

Quelques jours plus tard, j’évoquais les “trappes” de précarité et de vulnérabilité dans lesquelles, parmi d’autres parties de la population, la puissance publique tend à oublier un très grand nombre de femmes et de jeunes concitoyens.
Parmi les moyens d’agir contre une forme d’“abandon”, j’appelais de mes voeux une pratique plus rigoureuse et efficace de la mixité dans les instances “stratégiques”. Et pour les jeunes, en particulier, “une présence suffisante dans l’espace public – y compris dans des instances dotées d’une réelle capacité d’initiative ou d’influence”. Tout en soulignant que “pour être active, cette mixité générationnelle doit naturellement éviter un écueil : celui d’une « sectorisation générationnelle » de l’espace public, chaque génération parlant ou agissant de son côté et non pas dans l’échange avec les autres”.

Sur le principe, je ne peux donc que me réjouir du projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres, portant ouverture du Conseil économique, social et environnemental (voir mon post du vendredi 19 juin) à un plus grand nombre de jeunes (notamment d’étudiants) et de femmes, ainsi qu’aux associations et fondations écologiques.


L’ “ouverture” en son contexte...

Cette “ouverture” s’inscrit dans un fonctionnement renouvelé du Conseil économique, social et environnemental (CESE), tel que prévu par la réforme constitutionnelle de 2008. Pour en apprécier l’ampleur et la portée, il faut donc en observer le détail et la considérer parmi les autres transformations apportées par cette réforme au fonctionnement de l’institution.

• Outre 18 représentants des associations et fondations écologiques, ce sont 4 représentants des jeunes et des étudiants qui trouveront dorénavant place parmi les 233 membres du Conseil - au lieu de 231 actuellement -.
• L'âge minimum requis pour appartenir au Conseil est abaissé de 25 à 18 ans, et les organisations disposant de plus d'un siège au conseil doivent respecter la parité hommes/femmes dans la composition de leur délégation.
• En incluant les 40 personnalités qualifiées (dont 15 particulièrement compétentes dans le domaine de l'environnement), le Conseil s'articulera autour de trois pôles : 140 membres siégeant "au titre de la vie économique et du dialogue social", 60 "au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative" (associations, mutuelles, coopératives, étudiants, Outre-mer) et 33 "au titre de la protection de la nature et de l'environnement".
• Comme le prévoit la révision constitutionnelle, le Conseil pourra désormais être saisi par voie de pétition, signée par 500.000 Français ou étrangers résidant régulièrement en France. Après examen de la pétition, il pourra faire des propositions au gouvernement et au parlement.
• Le projet de loi organique modifie enfin les liens entre les deux chambres du Parlement et le Conseil "pour l'examen des propositions de loi ou des demandes d'avis qui émanent des assemblées" : depuis la révision constitutionnelle, il peut être consulté, non seulement par le gouvernement, mais également par le Parlement, "sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental".


Pour une “ouverture” efficiente : conditions et responsabilités

Au vu de ces données, certaines conditions demeurent clairement requises pour que l’ouverture à des “représentants des jeunes” soit efficiente. Toutes n’incombent pas au seul pouvoir exécutif.

De façon générale, garantir que ces nouveaux venus au sein du Conseil économique, social et environnemental trouveront à se faire entendre. Quelles que soient leurs qualités, cela ne va pas de soi, compte tenu de leur nombre extrêmement réduit : 4 ! Un repère comme un autre : 4, c’est le nombre de ministres “d’ouverture” dans l’actuel gouvernement, qui compte en gros 6 fois moins de membres. On voit dans quelle mesure lesdits ministres parviennent à se faire entendre... Encore jouissent-ils d’une visibilité et de conditions d’accès aux médias sans commune mesure avec celles dont jouissent les membres du Conseil économique, social et environnemental !

Ici, l’enjeu est d’autant plus prégnant que les 4 jeunes membres du CESE auront pour rôle, non pas simplement de “se faire entendre”, mais bien de faire entendre ceux de nos concitoyens qu’ils représentent. Or chacun sait qu’il n’y a pas, en France comme ailleurs, “une jeunesse”. Ce qu’il s’agit de représenter, ce sont bien des jeunesses, toutes ayant également droit à être prises en compte par l’exécutif.
Ce qui, à l’évidence, n’est pas spontanément le cas à l'heure actuelle. Ainsi a-t-on pu entendre aujourd’hui le Président de la république expliquer que l’avenir se prépare en investissant exclusivement, au nom d’un objectif d’ “excellence”, dans l’enseignement supérieur, et nullement dans les parties du système éducatif où s’acquiert (ou pas) la capacité de réussir (ou même de conquérir sa place) à l’université (en fait dans les cycles universitaires ouvrant réellement voie vers l’ “excellence”). À ce compte là, les “trappes” de précarité ont de beaux jours devant elles, et l’objectif présidentiel d’“égalité réelle des chances”... du plomb dans l’aile. (Voir mes posts du mercredi 15 juillet, et du vendredi 26 décembre 2008 .)
Le choix des “représentants des jeunes” devra donc être particulièrement intelligent, et exemplaire, pour satisfaire aux exigences incontournables de diversité d’origine (socioculturelle, voire socioprofessionnelle, géographique...) et d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Avec un nombre de représentants plafonnant à 4 dans l’hémicycle du CESE, cela confine à la “quadrature du cercle”. Des garanties - notamment de transparence - s’imposent donc.

Au-delà, il s’agit de donner aux jeunes membres du Conseil économique, social et environnemental, l’occasion de se faire entendre. À cet égard, les acteurs politiques nationaux ont un rôle à jouer. Formations politiques et associations, au travers par exemple de pétitions rassemblant les 500 000 signatures permettant de saisir le CESE - et le cas échéant, d’obtenir de celui-ci qu’il fasse des propositions au gouvernement et au parlement. Nos députés, en exerçant par exemple leur droit à consulter le CESE sur un sujet de leur choix - et donner ainsi à ses jeunes membres des occasions privilégiées de se faire entendre.
Autant d’efforts essentiels pour que le projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres ait une portée réelle. Car on le sait, “ouvrir” le Conseil économique, social et environnemental à des représentants des jeunes Français est une chose ; c’en est une tout autre que de parvenir à “ouvrir” les yeux et les oreilles de l’exécutif, comme du parlement (voir mon post du 20 avril 2009), aux réalités qu’ils vivent !

Aucun commentaire: