jeudi 13 novembre 2008

Aperçu de mon travail pour l' Université permanente du PS

Parti socialiste
Université permanente des cadres nationaux et fédéraux
Promotion Lucie Aubrac (année 2008)

Pour une politique du pouvoir-vivre
Propositions pour un projet politique socialiste « revitalisé » à partir d’une exploration de la question du pouvoir d’achat.
Exemplaire de restitution.
Guillaume LOOCK
Section de Vincennes (fédération du Val-de-Marne)

À mes camarades et à mes amis qui se reconnaîtront, de Vincennes, du Val-de-Marne et d’ailleurs. Pour leurs réflexions qui stimulent. Pour leurs espérances qui obligent. Pour leur entretien qui inspire… Et pour leur présence, qui stimule ! Merci.

Pour une politique du pouvoir-vivre.
Propositions pour un projet politique socialiste revitalisé à partir d’une exploration de la question du pouvoir d’achat.
« Ce qui est terrible, c’est de se dire, devant ces morts, que la société n’a pas été juste pour eux ; qu’elle n’a pas respecté et glorifié en eux la dignité de la vie. »
Jean Jaurès, éditorial de L’Humanité du 14 mars 1906 (à propos de la catastrophe de Courrières)

« Et quand nous élevons ainsi tous les individus humains à l’état de personnes, quand nous les affranchissons de ce servage économique qui les ravale à la dépendance, à la passivité des choses, quand nous faisons de chaque citoyen un droit vivant égal à tous les autres droits, une volonté vivante égale à toutes les autres volontés, (…) on nous dit : Chimère et aberration ! »
Jean Jaurès, article paru dans La Revue de Paris, 1er décembre 1898

« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »
Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1956


Introduction.
L’actualité des derniers mois a été fortement marquée par une accélération de la dégradation du pouvoir d’achat. Ce dernier a été spectaculairement mis en avant durant la campagne pour les dernières élections présidentielles par Nicolas Sarkozy, qui s’en est fait une arme redoutable en se présentant comme le « candidat – et futur président – du pouvoir d’achat », posture efficacement résumée par le slogan « travailler plus, pour gagner plus ».
Sur ce terrain, nous n’avons pas su trouver notre propre voie, ni notre propre voix. Un peu comme si diverses exigences – ne pas nous départir d’un réalisme et d’une rigueur intellectuelle dont l’exercice prolongé des responsabilités nous a appris l’importance, ne pas renoncer à une approche résolument humaniste qui fait la spécificité et la profondeur de notre
engagement politique… -, entrant en résonance avec une réelle attente de nos concitoyens, avaient entravé notre réflexion.

Une chose est sûre : leur pouvoir d’achat est depuis maintenant plusieurs années une préoccupation majeure pour un nombre croissant de nos concitoyens. L’appréciation des
Français sur l’évolution de leur pouvoir d’achat est le plus dur depuis vingt ans, 65% estimant en septembre 2005 que leur pouvoir d’achat avait diminué durant les douze mois précédents
(+16 points par rapport à 2002)1. Cette préoccupation est même devenue la première pour une majorité de nos concitoyens, avant même le chômage2, et elle semble appelé à le rester longtemps. Plusieurs facteurs expliquent cela, sur lesquels on reviendra. On s’en tiendra pour l’instant à une observation simple : cette situation, si elle porte la rude obligation de rechercher des réponses solides et efficaces aux difficultés rencontrées jour après jour par des Français de plus en plus nombreux, porte peut-être en elle les ferments d’une modernisation radicale de notre projet politique.

C’est en quelque sorte un premier examen de cette possibilité qu’on se propose d’effectuer dans les pages qui suivent. Il n’est pas question ici d’asséner un programme abouti en vue d’une quelconque « refondation » ou « rénovation ». Simplement de mettre en relation, sur une orientation précise, le corpus de valeurs qui fonde notre pensée avec la société et le monde comme ils vont, afin de contribuer à donner toute sa force à cette pensée, et d’agir au mieux dans cette société et dans ce monde.

Une politique dont la clef de voûte serait la notion de « pouvoir d’achat » est-elle l’outil le plus efficace pour répondre aux problèmes que traduit aujourd’hui l’invocation de celle-ci ? Comment éviter qu’une politique prenant pleinement en compte ces problèmes ne réduise à leur fonction économique ceux qu’elle aspire à aider, les poussant ainsi dans les tentacules de la société de marché ? Ne peut-on envisager un projet – ou un pan de celui-ci - qui, tout en ayant le maximum de chances de convaincre par la clarté de son principe et les attraits de l’horizon qu’il propose d’atteindre, prenne en compte toutes les dimensions qui font l’identité d’un individu, et les conditions de sa participation active à la vie en société ?

[…]

Conclusion.
Ainsi donc, par delà les incertitudes que les dimensions de notre réflexion ne laissent de préserver, une chose apparaît clairement. Par la nature de ses ressorts, la grave et durable crise du pouvoir d’achat qui frappe un nombre croissant de nos concitoyens met à l’épreuve notre imagination. Et cette mise à l’épreuve nous conduit à distinguer dans cette situation de crise une obligation historique pour les socialistes que nous sommes : celle d’inverser le rapport entre satisfaction de vie et croissance économique tel qu’on le conçoit traditionnellement. Défi radical. Défi auquel nous obligent tout à la fois les dynamiques et les processus qui structurent désormais le monde et notre société, et les valeurs et les filiations constitutifs de notre engagement politique. Défi dans la prise en charge duquel une notion peut nous servir de point d’appui : celle du pouvoir-vivre.
Le pouvoir-vivre, c’est l’ensemble des dispositions – en chaque individu comme dans son environnement au sens le plus large du terme – susceptibles de garantir trois choses : la pleine possession de soi-même de manière à pouvoir – et aimer - exister dans toute sa profondeur et dans toutes ses dimensions ; la possibilité et le goût d’appréhender et de s’approprier le complexe et le mouvant, autrement dit ce qui n’est ni figé, ni unidimensionnel ; la capacité et le goût d’agir « en-dehors de soi-même », autrement dit d’intervenir dans l’espace public, ce champ d’activités multiples (travail, loisirs, militantisme…).
Née d’une exploration de l’enchevêtrement complexe des facteurs du bien-être – parmi lesquels le pouvoir d’achat -, répondant à des nécessités de notre temps à l’origine du défi qui nous requiert, en cohérence étroite avec ce qui fait le coeur de l’engagement socialiste, la notion de pouvoir-vivre s’offre comme clé de voûte d’un projet politique prétendant relever ce défi, et comme levier conceptuel susceptible de mobiliser autour de lui.
Telle que nous l’avons envisagée dans trois domaines où l’action publique revêt aujourd’hui une importance cruciale - l’environnement dans sa relation essentielle avec la santé, le travail, l’éducation -, une politique du pouvoir-vivre apparaît porteuse d’un horizon humainement attrayant, et fécond d’un point de vue social et républicain. Un horizon qui permettrait de faire à la satisfaction de vie, et aux facteurs de développement autres que le pouvoir d’achat, toute la place qu’exigent notre temps et nos concitoyens.

Au terme de cette réflexion, beaucoup reste à penser. Les premières pistes d’action esquissées sont sans aucun doute à mûrir, à approfondir. Elles sont aussi à compléter par d’autres, touchant à des domaines aussi essentiels que le logement, la culture, ou encore notre politique de construction européenne. Il serait aussi intéressant d’examiner quelles perspectives ouvrirait la mise en oeuvre d’une politique du pouvoir-vivre au niveau de la vie politique de notre pays – et, pourquoi pas, de notre parti. En somme, pour se donner toutes les chances et tous les moyens d’aller à son terme, notre réflexion ne demande qu’à se poursuivre en s’ouvrant aux apports de l’expertise, du partage d’expérience, et du croisement des points de vue.
Le chantier est ouvert !

BIBLIOGRAPHIE
I. Ouvrages
Robert Castel, Peut-on vaincre l’insécurité sociale ?, éd. Le Temps des cerises, 2005
Condorcet, Cinq mémoires sur l’instruction publique (1791), éd. Garnier-Flammarion, 1994
Paul Desanges et Luc Mériga (nouvelle édition avec introduction et notices par), Pages choisies de
Jean Jaurès, éd. Rieder, 1928
André Gorz, Écologica, éd. Galilée, collection Débats, 2008
Juliette Grange, L’idée de République, éd. Pocket, collection Agora, 2008
Jean-Christophe Graz, La Gouvernance de la mondialisation, éd. La Découverte, 2008
Xavier Hochet, Transformer l'entreprise, éd. Odile Jacob, 2008
Christopher Lasch, Le moi assiégé – essai sur l’érosion de la personnalité, éd. Climats, 2008
Philippe Lukacs, Stratégie pour un futur souhaitable, éd. Dunod, 2008
Maria Montessori, Les étapes de l’éducation, éd. Desclée de Brouwer, 2007
Jean-François Naton, A la reconquête du travail, éd. Indigène, 2008
Vincent Peillon (dir.), Inégalités et justice sociale, éd. Le bord de l’eau, collection « Les rencontres de l’Institut Edgar Quinet – Collège des élus », 2008
Edgard Pisani, Le sens de l’Etat, éd. de l’Aube, collection Monde en cours, 2008
Yves Schwartz, Le paradigme ergologique ou un metier de philosophe, éd. Octares, 2000.
Bernard Stiegler (entretiens avec Philippe Petit et Vincent Bontems), Economie de l’hypermatériel et psychopouvoir, éd. Mille et une nuits, 2008
Tzvetan Todorov, L’Esprit des Lumières, éd. Le livre de poche, collection biblio essais, 2006
Jean Viard (avec la collaboration de Ugo Rollin), Eloge de la mobilité. Essai sur le capital temps libre et la valeur travail, éd. de L’Aube, 2008
Jean Viard, Françoise Potier, Jean-Didier Urbain (dir.), La France des temps libres et des vacances, éd. L’Aube-Datar, 2002

II. Enquêtes et rapports
Jan Bernheim, Francis Heylighen, « Bonheur et progrès : une exploration », Médi-Sphere Hebdo 189, 2003
BVA et L’Express, « Les salariés et leurs priorités à la veille de l’élection présidentielle », enquête
réalisée les 26 et 27 mars 2007
Pierre Cahuc, Gilbert Cette, André Zylberberg, «Smic, revenu minimum et coût du travail : quelle articulation pour combiner justice sociale, incitation au travail et compétitivité ?», rapport pour le Conseil d’analyse économique, 2008
Cegos (groupe), baromètre de climat social 2007
Cyclope (cercle, dirigé par Philippe Chalmin), « Prévisions pour 2008 », rendues publiques jeudi 24 janvier 2008
Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), statistiques fournies à l’occasion de la Conférence sur l’amélioration du travail organisée le 4 octobre 2007 à Paris
Jean-Pierre Dubois, Françoise Dumont, Agnès Tricoire (dir.), Une démocratie asphyxiée. L’état des droits de l’homme en France (édition 2008), éd. La Découverte, 2008
Anne-Cécile Geoffroy, Stéphane Béchaux, « Les perdants du pouvoir d’achat », Liaisons sociales
magazine, avril 2008, p.16-21
Hervé Gosselin, Aptitude et inaptitude médicale au travail : diagnostic et perspectives, janvier 2007
Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Organisation des Nations
unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « Perspectives agricoles pour 2008-2017 », publiées le 29 mai 2008
Sofres et Fondation Jean Jaurès, « Les Français et les inégalités », enquête réalisée les 2 et 3 juin 2004
Sofres, L’Hémicycle et Groupe Casino, « Le climat économique et social vu par les Français »,
enquête réalisée le 14 septembre 2005
Sofres et Télérama, « Liberté, Egalité, Fraternité : notre devise vue par les Français », enquête réalisée du 9 au 16 janvier 2007
Bernard Van Praag et Paul Frijters, The Measurement of Welfare and Well-being : the Leyden
approach, 1999, Kahneman, D., Diener, E., Schwarz, N. (éd.)

III. Articles, entretiens et discours
Isabelle Cassiers et Catherine Delain, « La croissance ne fait pas le bonheur : les économistes le
savent-ils ? », Problèmes économiques n° 2938, mercredi 2 janvier 2008
P. Chanial, « L’universelle dignité dans l’universelle solidarité. Le pari de l’égalité dans la tradition du socialisme républicain », in Vincent Peillon (dir.), Inégalités et justice sociale, éd. Le bord de l’eau, collection « Les rencontres de l’Institut Edgar Quinet – Collège des élus », 2008
Lucie Davoine, « L’économie du bonheur peut renouveler les politiques publiques », Problèmes
économiques, n°2938, 2 janvier 2008
Françoise Gri, « Sécurité, flexibilité et connexion », article paru dans Le Monde du 25 janvier2008
Jean Jaurès, discours prononcé à la Chambre des Députés, séance du 3 juillet 1897 (cité p.193-208 de Paul Desanges et Luc Mériga (nouvelle édition avec introduction et notices par), Pages choisies de Jean Jaurès, éd. Rieder, 1928)
Jean Jaurès, article paru dans La Revue de Paris, 1er décembre 1898 (cité p.208–244 de Paul
Desanges et Luc Mériga (nouvelle édition avec introduction et notices par), Pages choisies de Jean Jaurès, éd. Rieder, 1928)
Jean Jaurès, éditorial de L’Humanité du 14 mars 1906
Didier Migaud, « Pouvoir d’achat, le compte n’y est pas », Le Monde, 31 janvier 2008 « Face à l'inflation des prix alimentaires, "il faut s'attaquer à la question des salaires" », entretien réalisé par Mathilde Gérard, Le Monde du 27 février 2008.
Philippe Moati, directeur de recherche au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, Lionel Prouteau, François-Charles Wolff, « La participation associative au regard des temps sociaux », Economie et Statistiques, n°352-353, 2002
Christophe Ramaux, « La flexisécurité : ne pas trop lui prêter », article paru dans Le Monde du 20 février 2008
Hubert Védrine, « La diplomatie de Sarkozy au peigne fin », entretien accordé au Nouvel Observateur, Le Nouvel Observateur, n°2279 du 10 au 16 juillet 2008
Raphaël Wintrebert, « Mesurer le bonheur : des indicateurs pertinents pour la France ? », Problèmes économiques, n° 2938, 2 janvier 2008

TABLE DES MATIÈRES
Introduction……………...…………………………………………………………………………………..p.4-5
I. À la redécouverte de la question du pouvoir d’achat : d’un tragique goulot
d’étranglement à la possibilité d’un défi radical……..……………………………………………p.6-12
1.1. L’érosion du pouvoir d’achat : une rude épreuve promise à durer… …………………….p.6-7
1.2. … et face à laquelle les marges d’action directe trouvent vite leurs limites… ……………p.8-9
1.3. … qui nous conduisent à mettre au jour un défi radical…..………………………………p.10-12

II. A la recherche du pouvoir-vivre : fondements, ascendances
et définition d’une notion politique.……………………………………………………………...p.13-21
2.1. Le pouvoir-vivre comme pleine « propriété de soi »…..……………………………………p.13-15
2.2. Le pouvoir-vivre, ou savoir appréhender « un fleuve où chaque flot est une source »..…...p.16-18
2.3. Le pouvoir-vivre : « marcher fièrement sous le soleil » (Jaurès)……………………………p.19-21

III. Vers une politique du pouvoir-vivre : des idées pour agir..………………………………….p.22-33
3.1. L’environnement, source de vie.…………………………………………………………….p.22-25
3.2. Pour que vive le travail : faire toute leur place aux travailleurs.……………………………p.26-29
3.3. Ego, logos, ago : pour une politique éducative du pouvoir-vivre.…………………………..p.30-33

Conclusion…………………………………………………………………………………………...p.34
Bibliographie……………………………………………………………………………………..p.35-36
Table des matières…………………………………………………………………………………...p.37

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