mercredi 24 décembre 2008

Crise de l’économie réelle : témoignages édifiants de salariés et de sous-traitants du secteur automobile

En complément à mon “billet” du 20 décembre (où il était notamment question du risque de "se perdre" qui guette les travailleurs et contre lequel il faut d'urgence nous prémunir), ce panel de témoignages trouvé depuis sur le site lemonde.fr. Des travailleurs et des sous-traitants du secteur automobile y racontent comment ils vivent la crise au quotidien, et en quoi leurs conditions de travail se durcissent. (Les témoignages ont été adressés par courrier électronique, d’où le nom quelquefois étrange des intéressés !)
En les “entendant”, on comprend combien dans la période actuelle, les mesures strictement économiques n’ont aucun sens - et risquent fort de n’être pas durablement efficaces - si elles ne s’accompagnent pas d’un combat pour préserver la qualité de vie au quotidien - ce qui passe notamment par la préservation d’un temps à vivre suffisant en dehors du temps travaillé.
J’avais également été amené, dans le cadre de mon travail pour l’Université permanente du PS, à réfléchir sur la place et les conditions faites aux travailleurs dans leur espace de travail. Cet embryon de réflexion (intitulé dans mon mémoire “Pour que vive le travail... faire toute leur place aux travailleurs”) appelle sans aucun doute approfondissement : il est au coeur de la problématique du pouvoir-vivre, indispensable point d’appui pour faire face à la crise actuelle. Dont acte !

<< "Dans l'automobile, nous vivons la peur au ventre"

Les internautes du Monde.fr travaillant dans des entreprises du secteur ou des sous-traitants racontent la crise au quotidien.

"Les prestataires, principale variable d'ajustement" par Melvyn
A chaque fois qu'il est question de la crise du secteur automobile, on fait référence aux situations des constructeurs (Renault, PSA) et de leurs fournisseurs (par exemple Valeo, Faurecia, Magnetti Marelli, etc). Mais quid du cas des milliers d'employés des sociétés de prestations auxquelles les constructeurs ont largement recours ? Pour le site du Technocentre, nous ne sommes pas loin de 30 %. Aujourd'hui, ces prestataires ne sont plus qu'une variable d'ajustement pour venir au secours de la trésorie des grands groupes de l'industrie automobile. Les non-reconductions de contrat en 2009, souvent annoncées à la dernière minute, nous rappellent douloureusement l'aspect précaire de notre travail.

"Tous nos contrats prennent fin au 31 décembre" par Thaddée
Je suis prestataire pour un grand constructeur automobile français dans le secteur de l'ingénierie. Il y a trois semaines, nous avons appris que tous nos contrats prenaient fin au 31 décembre. De quoi passer de bonnes fêtes... Etant jeune ingénieur, j'ai bon espoir de retrouver du travail dans un autre secteur, mais la majorité de mes collègues n'ont pas cette chance. Beaucoup n'ont d'expérience que dans ce secteur. Quelles perspectives d'avenir ont-ils ? A l'aube d'une crise absolument monumentale, nous avançons malheureusement dans une obscurité absolue.

"Nous sommes en chômage technique tous les vendredis" par Guillaume
Je suis chef de projet chez un sous-traitant de premier rang. Mon secteur est l'un des moins touchés pour le moment, et pourtant nous sommes en chômage technique tous les vendredis, et un jeudi sur deux. Pendant les vacances de Noël, nous serons fermés plus de quatre semaines. Nous savons qu'il va y avoir des licenciements et les personnes concernées l'apprendont en janvier. On nous a annoncé une année 2009 très difficile : le volume de travail ne diminuera pas, à l'inverse des personnels, et pourtant, nous sommes déjà en sous-effectif.

"L'entreprise se sépare des intérimaires et des CDD" par Gilles
Je travaille pour le groupe SANDEN, le numéro deux de climatisation automobile. Depuis quelques mois, l'entreprise se sépare a vitesse grand V des intérimaires et des CDD. On ne parle pas encore de plan social mais nous y pensons tous. Nous sommes très inquiets de l'avenir. Pour ma part, à 44 ans, je ne sais pas si je pourrais retrouver du travail.

"Le maître mot c'est : passer l'hiver !" par Nurieta
Je travaille chez un équipementier automobile, basé en région parisienne. La crise, nous la vivons la peur au ventre. Chaque jour les nouvelles sont pires que celles de la veille. Le maître mot c'est : passer l'hiver ! Ceux qui survivront en sortiront renforcés. J'espère que passer l'hiver suffira, car le quotidien devient très difficile à vivre.

"La production a baissé de 30 % entre septembre et octobre" par Ptitkon
Je travaille chez un fournisseur de premier rang dans la branche automobile. Nous subissons de plein fouet les conséquences de cette crise : la production a baissé de 30 % entre septembre et octobre, une diminution de 25 % est attendue pour l'an prochain. Tous les intérimaires, soit une centaine de personnes, ont été renvoyés chez eux. Les consultants vont bientôt subir le même sort. L'équipe de nuit est supprimée.
Mon poste n'est pas directement lié à la production : chef de projet, je travaille sur les futurs produits de l'entreprise. A mon niveau, j'observe un gel de projets, une diminution drastique du plan d'essai par nos clients (moins de prototypes, réduction du kilométrage des essais de validation) et une réduction des échanges directs (annulation de nombreuses réunions, pour ne pas payer l'avion). Je constate également un intérêt croissant des constructeurs pour les moteurs de petite et très petite cylindrées, éventuellement couplés en hybridation. En matière de nouvelles technologies, la tendance va vers des produits basiques et peu chers. Le plus terrible, c'est que personne ne sait à quoi ressemblera cette industrie dans cinq ans.

"Ma société a été mise en vente" par Anonyme
Je suis ingénieur études dans une société de prestation pour l'automobile qui compte 300 personnes en relations publiques. Cette entreprise, détenue par une société étrangère, a vu son carnet de commandes fondre vers un zéro prévisionnel pour 2009. Notre client principal réduit le panel de ses "partenaires" et ma société n'en fait plus partie. "Le marché français n'est plus porteur", et la société mère fait face à de grandes difficultés financières. Résultat : nous sommes mis en vente. L'incertitude règne concernant un éventuel repreneur. Pour assurer mes arrières au cas où la société fermerait, j'ai déjà passé trente entretiens d'embauches. Au bout du compte, je reçois toujours la même réponse : on attend les budgets 2009.

"Le système politico-médiatique a tendance à exagérer cette crise" par Chris
Je suis ingénieur dans une société de prestation travaillant pour le constructeur au losange, et je ne me sens pas du tout menacé par la crise automobile. En effet, même si j'admets être dans un position favorable (en CDI, environ 2 000 € net par mois à 24 ans), je pense que le système politico-médiatique a tendance à exagérer cette crise, provoquant ainsi un vent de panique très néfaste pour la Bourse. Dans mon entreprise, personne n'a été licencié, et les embauches se poursuivent puisqu'il y a plus de projets disponibles que de ressources humaines. Pour certains patrons la crise n'est qu'un pretexte à justifier des plans sociaux qui auraient eu lieu de toutes facons.

"L'industrie automobile est un des plus gros clients de la branche FRET de la SNCF" par Abdel Hakim
Je suis conducteur de train, affecté au FRET SNCF. Plusieurs grands groupes de l'industrie automobile ayant passé des contrats avec la SNCF ont supprimé des trains de marchandises en raison d'une baisse de la production. Conséquence pour moi : une baisse de ma rémunération car une bonne partie de mon salaire varie en fonction de la charge de travail. En effet, l'industrie automobile est un des plus gros clients de la branche FRET de la SNCF. C'est pareil pour la sidérurgie, où les baisses de production influent sur le nombre de trains commandés ensuite à la SNCF.

"Le marché allemand n'est pas épargné" par Geoff
Je travaille en Bavière pour un important fournisseur des constructeurs allemand. Ici, les arrêts de chaîne sont adaptés en fonction de la production des clients. Dans ma branche, le design, les projets dits secondaires ou moins prioritaires (et moins rentables) sont laissés à l'abandon. Les postes d'externes se raréfient, les embauches également. Seuls quelques postes stratégiques font exception. Le marché allemand n'est pas épargné : les ventes chutent, les stocks augmentent et il faut faire le dos rond. L'ambiance est plutot maussade, même si les plans sociaux ne sont pas encore à l'ordre du jour. >>

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