samedi 28 février 2009

Chômage : le défi du “pouvoir-vivre”, c’est maintenant !


Le mois de janvier 2009 aura vu 90 200 actifs de plus être mis au chômage. Après deux années de relative amélioration, le marché du travail en France s’était fortement retourné en 2008, avec 217.000 personnes supplémentaires inscrites ou réinscrites à l’ANPE à la fin décembre. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie 1 (personnes sans emploi, immédiatement disponibles, à la recherche d’un emploi à durée indéterminée à temps plein) a explosé en janvier, progressant de 90.200 par rapport à décembre (+4,3%) et de 15,4% depuis 1 an, pour s’établir à 2,204 millions.
Quelques éléments d’analyse plus précis : explosion des licenciements économiques (+ 23,5% en un mois) ; dégradation spectaculaire pour les emplois précaires (- 32% de contrats en janvier) ; chute de l’offre d’emploi (-14% par rapport au mois de décembre) ; une hausse du nombre de chômeurs qui sur l’année (+ 15,4%) frappe plus encore les hommes (+21,8%) que les femmes (+8,7%), et surtout les moins de 25 ans (+23%).

Cette accélération de la hausse du chômage, entraînée par une crise dont la dureté s’affirme un peu plus de mois en mois, apporte un argument supplémentaire à l’appel que, avec mon camarade Akli Mellouli (maire adjoint de Bonneuil-sur-Marne), nous avions voulu lancer l’été dernier (Pour un PS retrouvé : cap sur le pouvoir-vivre, tribune reproduite dans mon post du 19 novembre 2008).
Alors que le gouvernement Fillon venait de relever le plafond du nombre de jour travaillés dans une année pour les “travailleurs autonomes” (autrement dit, les cadres), je lui avais en effet proposé de co-signer une tribune adressée au journal Le Monde. Celle-ci dénonçait une politique aberrante en matière de temps de travail. C’est-à-dire une politique allant à rebours des mouvements et des aspirations à l’oeuvre dans notre société, en particulier l’aspiration à pouvoir trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale - élément crucial de ce que j’appelle le “pouvoir-vivre”.
À cette réalité, que nous observons dans notre entourage proche ou moins proche, s’en ajoute désormais une autre : la hausse accélérée du chômage rattrape aussi les cadres. Pour les titulaires d’emplois moins qualifiés (plus souvent concernés par les CDD et l’intérim), le marché de l’emploi a commencé de se retourner déjà il y a 6 mois. Les cadres sont toujours touchés avec un décalage, mais désormais ils sont de plus en plus nombreux à chercher un emploi (sur les 50 000 emplois supprimés depuis septembre dans le cadre de plans sociaux dans les grandes entreprises, 8500 sont des emplois de cadres). Et pour ceux qui perdent leur emploi et pour les jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail, la durée du chômage ne cesse de s’allonger.

Ce qui accentue encore le caractère aberrant de la politique alors dénoncée, allant dans le sens d’une augmentation du temps de travail. Plus encore aujourd’hui qu’au moment où j’ai écrit cette tribune, les entreprises doivent réfléchir à réduire le temps de travail. C’était d’ailleurs le titre d’un entretien accordé par Xavier Lacoste (directeur général du cabinet Altedia) au journal Les Echos (édition du 26 février).
Soulignant que le gouvernement pensait déjà avoir atteint un sommet en novembre (avec 64000 chômeurs de plus), on pourrait bien “aller de record en record s’il n’incite pas les entreprises à modifier leurs pratiques”, en faisant fonctionner les dispositifs d’amortissement interne qui permettraient de limiter les licenciements. À ce stade en effet, malgré le changement de conjoncture, et sauf dans quelques secteurs (hôtellerie, verrerie, chimie), les entreprises n’ont quasiment pas recours à ces dispositifs.
Pour limiter les licenciements économiques, les entreprises pourraient par exemple réduire leur temps de travail ; avoir recours aux accords de RTT défensifs (largement utilisés à la fin des années 1990 pour amortir le ralentissement de l’emploi).
Le gouvernement, pour sa part, pourrait renoncer aux heures supplémentaires défiscalisées (mises en oeuvre en 2007 dans un contexte d’expansion économique) au profit d’exonérations de charges liées à la réduction du temps de travail.
Si le chômage partiel permettrait dans une certaine mesure de “limiter la casse”, beaucoup d’entreprises ignorent qu’elles y ont droit. De sorte que beaucoup de secteurs multiplient les licenciements économiques sous la pression notamment de leurs actionnaires. Il faudrait donc que l’administration du travail comme le Pôle Emploi fassent un gros effort de pédagogie et d’information pour changer les réflexes en la matière.
Autre piste : réactiver les contrats aidés (beaucoup moins nombreux aujourd’hui qu’à la fin des années 1990) pour maintenir les compétences des salariés mis au chômage et leur permettre d’accéder à de nouvelles qualifications.

Deux certitudes en revanche, également mises en avant par Xavier Lacoste. Premièrement, les mesures annoncées la semaine dernière par Nicolas Sarkozy ne sont pas de nature à freiner l'arrivée de dizaines de milliers de chômeurs tous les mois.
Deuxièmement, la nouvelle convention d'assurance-chômage n'est pas non plus adaptée à la situation, et fait peser de lourdes menaces sur l'avenir. La durée d'indemnisation des chômeurs de longue durée va se réduire, et dans un an c'est autant de personnes qui seront assistées par l'Etat, par le biais de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et du revenu de solidarité active (RSA). Les entreprises sont donc en train de perdre des compétences considérables, ce qui, à long terme, peut leur coûter extrêmement cher.

En août dernier, soucieux d’éviter un congrès de déchirements, nous appelions à ce que le PS se retrouve pour imaginer une politique du pouvoir-vivre. Aujourd’hui, les conditions semblent émerger pour que, toutes sensibilités confondues, les socialistes se retrouvent.
Marqué par les réactions entendues à la suite du Congrès de Reims. Marqué aussi par les réactions entendues au “Contre-plan de relance” (dont l’honnêteté nous oblige à reconnaître que, outre ses qualités, il avait le défaut majeur d’être trop “classique” et foisonnant pour ouvrir des perspectives claires et nouvelles), je forme un voeu. Que les socialistes, s’étant retrouvés, approfondissent ce rassemblement dans l’élaboration audacieuse d’une politique du pouvoir-vivre. Cet effort me paraît être un passage obligé pour que, au-delà des retrouvailles internes, nos concitoyens à leur tour se retrouvent vraiment dans les propositions de notre famille politique !




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