jeudi 26 février 2009

L'exécutif rabote les libertés... et en prend d’inquiétantes avec l'éthique républicaine !


Ci-dessous, deux articles parus ces dernières 48 heures dans Libération et dans le journal Le Monde, suite aux propos tenus publiquement par Nicolas Sarkozy lors du sommet franco-italien de Rome (avant-hier mardi). Le président de la République a affirmé que la future nomination du secrétaire général adjoint de l’Elysée, François Pérol, à la tête du futur groupe Caisse d’épargne-Banque Populaire ne posait pas de «problème» aux yeux de la Commission de déontologie de la fonction publique.

À l'évidence, c’est là prendre d’inquiétantes libertés avec l’éthique républicaine, en particulier avec le respect dû aux artisans du bon fonctionnement de la République
. En effet, la Commission n’a pas été saisie du cas Pérol, et son président nie s’être jamais exprimé sur le cas personnel de M. Pérol - encore moins au nom de la Commission qu’il préside.


Pantouflage de Pérol : le gros mensonge de Sarkozy (Grégoire Biseau, Libération du 24/02)

Contrairement à ce qu'affirme Nicolas Sarkozy, la Commission de déontologie de la fonction publique ne s'est pas prononcée sur la nomination du conseiller de l'Elysée à la tête du futur groupe Banque populaire - Caisse d'épargne.

Nicolas Sarkozy a manifestement quelques soucis avec la déontologie. Depuis Rome, lors du sommet franco-italien, le président de la République a déclaré devant la presse que la future nomination du secrétaire général adjoint de l’Elysée, François Pérol, à la tête du futur groupe Caisse d’épargne - Banque Populaire ne posait pas de «problème» aux yeux de la Commission de déontologie de la fonction publique.

Cette dernière est censée se prononcer en cas de pantouflage, c’est-à-dire de départ d’un fonctionnaire vers le privé pour vérifier qu’il n’existe pas de conflits d’intérêts potentiels.

D’après Sarkozy, la Commission de déontologie «a donné son point de vue, et son point de vue a été communiqué aux deux banques. Il sera rendu public et vous verrez qu’une fois de plus c’est la différence entre une polémique et un problème, de problème il n’y en a pas».

Il semble que le président de la République prenne ses rêves pour la réalité. Car la Commission n’a pas été saisie du cas Pérol. Et ne s’est pas réunie pour en discuter. «On n’a jamais évoqué le cas de François Pérol, assure un membre de la Commission interrogé par Libération, puisque notre prochaine réunion est prévue pour le 11 mars».

A l’Elysée, un porte-parole tente de rattraper le coup en expliquant que «la Commission ne s’est pas encore réunie, mais elle a émis un avis "off", positif, qu’elle a communiqué aux banques. C’est ce qui se passe dans les cas d’urgence» (1).

En réalité, il semble bien que cette procédure d’urgence soit totalement inconnue: «Cela fait des années que je siège à cette Commission, et à ma connaissance une telle procédure n’a jamais été convoquée», selon le membre de la Commission interrogé par Libération.

Le président de la Commission de déontologie, Olivier Fouquet, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Quant aux banques, elles refusent de dire si elles ont, ou non, reçu le fameux avis «off» de la commission. Mais puisqu’on vous dit qu’il n’y a pas de problème…

(1) L'Elysée a déclaré mardi soir avoir obtenu un courrier de la Commission de déontologie assurant qu'il n'y avait «pas d'inconvénient pénal» à la nomination de François Pérol. L'accord a été obtenu via une lettre du président de la commission Olivier Fouquet, a-t-on précisé de même source.



Affaire Pérol : le président de la Commission de déontologie se démarque de l’Elysée (Claire Gatinois et Anne Michel, Le Monde, 26/02)

Pour faire taire la polémique liée à la nomination de François Pérol, secrétaire général adjoint de l'Elysée à la tête du groupe issu de la fusion des Banques populaires et des Caisses d'épargne, Nicolas Sarkozy a-t-il forcé la main de la Commission de déontologie ? Dans une lettre adressée, mercredi 25 février dans l'après-midi, par courrier électronique, à l'ensemble des membres de cette commission, Olivier Fouquet, son président, se livre à une mise au point qui révèle ses doutes croissants quant à la conformité de la nomination de ce proche de M. Sarkozy à la tête de la future deuxième banque française.

Dans ce courrier électronique que Le Monde a pu consulter, M. Fouquet explique que la "position" qu'il a exprimée dans le courrier adressé mardi 24 février à Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, où il se disait a priori favorable à la nomination de M. Pérol (Le Monde du 26 février), n'engageait en aucun cas la commission.

Il précise qu'il a rendu cet avis, car, souligne-t-il, M. Pérol ne souhaitait pas être entendu par la commission, raison pour laquelle M. Guéant l'avait personnellement sollicité. Le président de la Commision de déontologie rappelle aussi que ses conclusions ont été motivées par des cas de jurisprudence récents. Il indique que "dans l'hypothèse où l'on considérerait que François Pérol s'est comporté de la manière habituelle dont se comportent les membres de cabinet, alors, dans cette hypothèse-là, on peut considérer qu'il n'est pas nécessaire que la commission statue".

M. Fouquet rappelle qu'il ne s'est pas exprimé sur le cas personnel de M. Pérol. Aussi, ajoute-t-il, quand Nicolas Sarkozy a annoncé que la Commission avait été saisie et émis un avis, "j'ai donc dû le démentir et j'ai demandé la publication de la lettre à l'Elysée".

Le chef de l'Etat avait affirmé, mardi, que "la Commission de déontologie a donné son point de vue (..) De problème, il n'y en a pas", avait assuré le chef de l'Etat.

“On ne peut pas exclure qu’il ait outrepassé ses fonctions”

La controverse provoquée par le "parachutage" du secrétaire général adjoint de l'Elysée à la tête du nouveau groupe Caisse d'épargne-Banques populaires (CEBP) est-elle en train de se transformer en "affaire d'Etat", comme l'estime Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste?


Pour éviter pantouflage et corruptions, la Commission de déontologie peut interdire, dans certains cas, le départ de fonctionnaires ou agents de l'Etat vers le secteur privé. Interrogé par Le Monde, M. Fouquet explique que, depuis 2007, la saisine de cette Commission est, la plupart du temps, "facultative".

M. Pérol estime, que "compte tenu de la nature des fonctions qu'il a exercées", il peut s'en exonérer, indique M. Fouquet. En effet en tant que secrétaire général adjoint de l'Elysée, celui-ci n'était pas a priori décisionnaire, le pouvoir étant entre les mains du chef de l'Etat et de ses ministres. Toutefois, dans un passé récent, tous les membres de cabinet qui ont rejoint le secteur privé sont passés devant cette Commission.

M. Guéant, lui, n'a pas saisi la Commission, mais il a demandé à M. Fouquet un avis consultatif sur la nomination de M. Pérol. Ce dernier le lui a transmis par courrier. Dans cette lettre, le président de la Commission indiquait "à titre personnel", que si M. Pérol avait exercé ses fonctions "dans des conditions habituelles", différents cas antérieurs laissaient penser qu'au regard de la jurisprudence, son départ ne poserait pas de problème.

Le président de la Commission s'est notamment appuyé sur l'exemple de Gilles Grapinet. Cet ex-directeur de cabinet d'Hervé Gaymard et de Thierry Breton à Bercy a rejoint le Crédit agricole, en 2007. Mais son cas n'est pas comparable à celui de M. Pérol, car il n'est pas devenu numéro un de la banque, mais directeur de la stratégie.

En outre, l'avis concernant M. Pérol a été rendu sans étude approfondie du dossier. "Je ne l'ai pas entendu", précise M. Fouquet. M. Pérol "a pu intervenir dans un dossier; on ne peut pas exclure qu'il ait outrepassé ses fonctions, prévient le président de la section finance du conseil d'Etat, il faut le vérifier".

Dans le cas de la fusion des Banques populaires et des Caisses d'épargne, par exemple, M. Pérol aurait-il pu jouer un rôle assimilé à une forme de contrôle ce qui interdirait son départ ? "Tous les membres du cabinet n'ont pas passé des mois à travailler sur un dossier comme l'a fait M. Pérol. Toutes les réunions sur cette fusion bancaires avaient lieu dans son bureau", fait remarquer un proche.

Ce point ne sera vérifié que si la Commission est saisie. Si l'Etat ne ne le fait pas, c'est "à ses risques et périls", signale M. Fouquet. Si la saisine de la Commission n'était pas réclamée alors qu'elle le devrait, l'intéressé risque deux ans d'emprisonnement et 3 000 euros d'amendes. "C'est un délit pénal", rappelle M. Fouquet.

Jeudi 26 février, les deux premières étapes décisives, préalables à la nomination de M. Pérol à la tête du groupe fusionné, devraient pourtant être franchies. Le secrétaire général adjoint de l'Elysée était sur le point d'être élu par le conseil des Caisses d'épargne à la tête de la banque, après la démission forcée de son ex-patron Bernard Comolet. La veille, il avait été désigné par le conseil des Banques populaires pour en prendre la tête. "A l'unanimité", a précisé la ministre de l'économie, Christine Lagarde.

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