samedi 21 février 2009

"République sociale" et "république démocratique" : deux combats à mener de front !


Cela fait maintenant plus d’un an que j’exprime mon inquiétude quant au sort fait aux libertés publiques fondamentales sur notre propre territoire. Et que j’appelle à faire à cette question la place centrale (pas exclusive certes, mais centrale) qui doit impérativement lui revenir aujourd’hui, dans le débat public
. Nécessité d’une vigilance permanente et d’une exigence sans faille quant au respect de ces libertés : cette réalité, aujourd’hui criante, je me suis souvent efforcé de la mettre en lumière auprès d’interlocuteurs divers, comme citoyen ou comme militant socialiste. Sans malheureusement être toujours entendu.
Je l’ai entre autres fait, il y a maintenant plus d’un an, comme animateur du groupe de réflexion que j’ai animé pour préparer les dernières élections municipales à Vincennes. À l'issue de ce travail collectif, nous étions un certain nombre à avoir tiré l'enseignement suivant : même au niveau local, la promotion des libertés et des droits de chacun et la vigilance quant au respect réel de ceux-ci est un axe d’action et de réflexion prioritaire. (Quelques mois plus tard en juin 2008, souvenons-nous, la Haute Autorité à la Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité rappelait à l'ordre Laurent Lafon et sa majorité.)
Je l’ai fait, au printemps 2008, lors d’une journée de travail organisée au CNAM par le “Pôle des reconstructeurs” en vue du Congrès socialiste de Reims. Dans un échange chaleureux par micros interposés, j’avais alors exprimé devant celle qui est depuis devenue Première secrétaire du PS, Martine Aubry, le sentiment suivant : malgré la crise économique et sociale qui se profilait (ou peut-être, justement, en raison de sa brutalité annoncée) il y avait urgence à ce que notre famille politique réinvestisse le champ des valeurs et des pratiques républicaines - combat qui fait en partie le coeur de notre engagement commun, à nous socialistes.
Ou encore, à la fin du mois d’octobre 2008, dans un courrier adressé à Laurent Lafon - et demeuré à ce jour sans réponse. Dans une lettre ouverte au Président de la République, des élus locaux de toutes sensibilités (y compris des élus UMP et Modem aux parlements français et européen) venaient de s’élever contre la politique du gouvernement dans les Centres de rétention administrative (dont le CRA de Vincennes), en particulier contre le fait qu’il serait de plus en plus difficile de contrôler réellement les conditions de vie faites aux personnes qui s’y trouvent retenues. Je lui demandais donc de m’indiquer clairement quelle était sa propre position sur ce sujet intéressant tous les élus de la République française, ainsi que la position de sa majorité municipale. (Voir mes posts du samedi 6 décembre 2008, et du mercredi 10 décembre 2008.)



Aujourd’hui, cet engagement personnel - quelquefois malicieusement moqué par quelques amis ou camarades qui, de façon d'un certain point de vue compréhensible, pensaient raisonnable de le passer par "pertes et profits" au profit d’autres sujets - apparaît plus que jamais d’actualité. Ce diagnostic et cet appel à la vigilance, et à une exigence sans faille en matière de respect des droits et des libertés publiques, s’avèrent à l’évidence gravement fondés.
Est-ce la connaissance raisonnée de l’histoire du 20e siècle ? Est-ce le résultat de l’accumulation de mesures et d’actions gouvernementales, qui en rend plus visibles les défauts? La question des libertés retrouve une place majeure dans le débat public, sur fond de vive inquiétude. Quelques éléments d’un état des lieux permettent de le comprendre !

Garde à vue : personne ne semble plus à l’abri, tant la procédure se banalise.
En huit ans, le nombre de personnes gardées à vue a explosé : en 2008, un Français sur cent (577 816 personnes, contre 336 718 en 2001) a subi ce régime de contrainte, dans des conditions souvent déplorable. En huit ans, le nombre de personnes placées en garde à vue a progressé de plus de 50 % ! Parce qu'ils ont simplement participé à une manifestation, qu'ils ont eu des mots envers des policiers ou le chef de l'Etat, des citoyens ordinaires sont poursuivis.

Lieux d’enfermement : remplissage jusqu’à saturation (et même au-delà). Tous les lieux d'enfermement se sont, en quelques années, remplis de façon spectaculaire. On le savait pour les prisons, dont le Parlement français, les instances européennes ou l'ONU ont dénoncé la situation scandaleuse. On le constate également pour les centres de rétention pour étrangers en situation irrégulière ou pour les hospitalisations sans consentement dans des services psychiatriques.

Vers un espace public saturé de systèmes de surveillance - eux-mêmes mal contrôlés.
Dans le même temps, les fichiers (rappelons-nous l’épisode du “fichier Edvige”) et les équipements de surveillance (vidéosurveillance) se sont multipliés - tandis que les organismes censés en contrôler l’utilisation voyaient leurs moyens progresser beaucoup moins vite. Une prolifération qui se fait dès lors dans des conditions souvent opaques et discutables, et dictée beaucoup plus par une logique de “marketing politique” que par une volonté d’efficacité. Prolifération aussi de l'arsenal législatif. Depuis 2001, dix-sept lois ont, d'une manière ou d'une autre, renforcé les moyens de la police et de la justice pénale. C’est dire le soin apporté à la conception et à l’application de chacune. Et quatre nouveaux textes sont en préparation !

Tout cela au service d’une action finalement inefficace, voire dangereuse.
Les chiffres officiels témoignent que, en réalité, l'insécurité la plus traumatisante (les atteintes aux personnes) a continué à progresser. Quant aux risques de dérapage qu’une telle politique multiplie - d’autant plus qu’une situation économique et sociale cruelle polarise les attentions -... n’insistons pas. On a déjà vu que le principe même de liberté, le sentiment de sa réalité sur le territoire de la République française pour nos concitoyens, se trouve bel et bien fragilisé (voir mon post du lundi 5 janvier 2009). Non seulement inefficace, la politique actuellement menée par le gouvernement apparaît donc dangereuse.



Dans ce contexte, j’aperçois avec soulagement au sein du Parti socialiste des indices d’un sursaut salutaire... et nécessaire !

Ainsi, lors de la réunion de lancement de “L’Espoir à gauche” (le 31 janvier dernier), Vincent Peillon a rappelé la place essentielle du combat pour les libertés publiques dans l’engagement commun des socialistes. Réaffirmant - comme le montre l’histoire de notre famille politique - que la question de la démocratie a toujours été, pour la gauche, un combat absolument central, il a rappelé que “ce qu’a fait Jaurès fut de réconcilier la république démocratique et la république sociale. Un gain que l’on serait, à l’évidence, bien mal inspiré de “liquider” ! Cela accompagné d’un appel vigoureux et sans équivoque à la vigilance et à la combativité sur le terrain des libertés : "Quand les libertés sont en cause, nous devons nous lever !”
Etre en pointe dans la défense et la promotion de ces libertés n’est pas une option parmi d’autres, que l’on pourrait choisir en fonction de considération tactiques : c’est tout simplement une obligation dès lors que l’on est socialiste. Ne pas se résigner à sous-traiter ce combat à telle ou telle autre formation politique (comme revenait en quelque sorte à le faire, le fait d’ériger en enjeu majeur du Congrès de Reims la question d’éventuels accords futurs avec l’appareil politique du Modem, avant tout travail approfondi sur la base de nos propres valeurs), assumer pleinement notre histoire en étant en première ligne sur un enjeu aussi actuel que celui-ci : c’est aussi cela, être socialistes !

Est-ce cette voix forte qui a été entendue ? ou le degré d’exigence d’un nombre croissant de militants socialistes - et tout simplement de concitoyens ? En tout cas, le PS semble s’être décidé à reprendre, face à cette question, toute sa place dans l’espace public. En effet, devrait paraître dans quelques semaines un “Livre noir” sur les libertés publiques, fruit d’un travail coordonné par Marie-Pierre de La Gontrie (secrétaire nationale chargée des libertés publiques et de l’audiovisuel). Ce document passera au crible la politique en matière de reconduites à la frontière, de sécurité et de médias, ainsi que la réforme de la justice et la question de l’équilibre des pouvoirs. Cette initiative – qui pourrait se prolonger, fin mars, par un rassemblement de l’ensemble de la gauche sur le thème des libertés publiques – vise à mettre au coeur du débat une problématique sur laquelle Nicolas Sarkozy et ses proches apparaissent de plus en plus contestés. Elle procède aussi de la conviction, réaffirmée par Marie-Pierre de La Gontrie à son tour, que « la défense des libertés publiques ne doit pas être considérée par les socialistes comme un supplément d’âme».

Comme militant, j’y vois aussi un appel à amorcer une réflexion collective et courageuse sur des questions comme : les conditions de régularisation des sans-papiers ; les moyens efficaces et raisonnables d’assurer réellement la sécurité de nos concitoyens (quid de l’installation de caméras de surveillance dans les lieux publics ? comment mettre un terme à certains comportements policiers – et gendarmesques - inacceptables ?) ; quel contenu donner au secret de l’instruction ; comment assurer réellement la protection des sources des journalistes ?... Autant de questions que, pour les socialistes que nous sommes, il ne s’agit certainement plus d’esquiver ! Plaçant la mise en oeuvre des principes républicains, et notamment de la liberté, au coeur de mon engagement (voir mon post du mercredi 21 janvier) et de la nécessaire “revitalisation” du PS, on comprendra que je m’en réjouisse !


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