mardi 7 juillet 2009

Vincennes–majorité: sous la «proximité à éclipses»… une «priorité à l’électoralisme» ?


J’ai un peu tardé à en faire état sur ce blog, car ce n’est pas le type de sujet que j'aime le plus y traiter. L’actualité m’a finalement convaincu de le faire, par l’écho troublant qu’elle en a fourni il y a quelques jours.

Mercredi 24 juin dernier, j’étais comme prévu (voir mon post du mardi 23 juin) à l’Hôtel de ville, pour la dernière réunion du conseil municipal avant les congés d’été. Il devait en effet être question du conflit qui oppose, depuis plusieurs semaines, la majorité municipale au personnel de notre médiathèque et de nos bibliothèques (voir mes posts du jeudi 11 juin et du mardi 23 juin). En tout début de séance, dans le cadre des « questions orales », Pierre Meslé, élu socialiste de la liste Vivons Vincennes!, est intervenu sur ce sujet.

Plusieurs remarques factuelles, nécessaires pour remettre précisément les choses en contexte suite à une réponse faite par M. Vindéou (adjoint à la culture) lors du précédent conseil sur le même sujet :
  • l’ « ambition culturelle » proclamée par l’actuelle majorité est démentie par la baisse de 4% du budget d’acquisition de livres cette année (alors même que Vincennes voit sa population étudiante augmenter avec l’inauguration d’un foyer) ; - quoiqu’il affirme avoir participé à des réunions de concertation avec le personnel, M. Vindéou est inconnu des employés des bibliothèques qui semblent n’avoir eu pour interlocutrice que madame Le Bideau ;
  • pour rencontrer les représentants syndicaux du personnel de la médiathèque après la mise en place du groupe de travail censé réfléchir à l’élargissement de la grille d’horaires de celle-ci, madame Le Bideau a attendu… 8 mois !
  • les relations sociales au sein de l’administration municipale vincennoise se sont tellement détériorées ces derniers mois, que pour la première fois les trois syndicats qui y sont représentés ont publié un document commun dénonçant plusieurs dysfonctionnements ;
  • l’actuelle majorité a aiguisé le conflit : par le refus obstiné de Laurent Lafon de recevoir personnellement les représentants des grévistes ; en présentant les projets de délibérations aux élus municipaux avant même que le Comité technique paritaire se soit réuni (signifiant ainsi aux représentants syndicaux membres de cette instance que leur avis est considéré comme négligeable).

Outre ces mises au point utiles, deux recommandations :
  • inviter les représentants du Comité technique paritaire à venir expliquer leurs positions devant la ou les commissions municipales concernées (proposition précédemment exprimée par le groupe socialiste en conseil municipal) ;
  • lorsque cela s’impose comme ici (faute d’une écoute suffisante pour avoir anticipé sur les problèmes de fonctionnement, et sur les désagréments pour les Vincennois, engendrés par la gouvernance particulière de Laurent Lafon et de sa majorité), envisager de recourir aux « dépenses imprévues » (provisionnées à hauteur de 300 000 euros et... prévues pour cela).

La réponse de Laurent Lafon et de sa majorité, exprimée par la voix de madame Dominique Le Bideau (adjointe chargée de l’administration municipale, des ressources humaines et des… relations avec les citoyens), a été marquée par un stupéfiant dérapage.
Lapsus
? Moment d’égarement ? Cynisme tranquille, dopé par les résultats du dernier scrutin européen ? Les citoyens – élus et non élus – assemblés dans la salle du conseil ont entendu cette étrange « leçon de politique » : pourquoi intervenir de la sorte, alors que les résultats de l’élection européenne montraient que cela n’était pas payant, électoralement ?
Durant quelques secondes, il m’a semblé qu’un silence mi-gêné, mi-consterné, se faisait dans la salle. Peut-être même - est-ce projeter abusivement sur autrui ma sensibilité républicaine ? - chez certains élus de la majorité. On peut le comprendre !
Passons sur la confusion des enjeux et des échelles d’action (Union européenne / ville)
. La griserie de voir une élue municipale vincennoise sur la liste UMP en Ile-de-France explique peut-être cette perte de repères.
Il y a plus essentiel – et plus grave – dans ces propos. Quand le souci de rentabilité électorale prime sur les exigences du jeu républicain ; quand l’obsession du retour électoral sur investissement (dans le débat public) conduit à hypothéquer son devoir de nourrir le débat public en affirmant ses convictions ; c’est le degré zéro de l’engagement politique qui se trouve encouragé.

Plus qu’un écho, cette approche « rentabiliste » a récemment trouvé une illustration sordide dans le geste fait par la direction de l’UMP en direction des restaurateurs – et révélé par la presse la semaine dernière. Pour être franc, entendant à la radio cette information, j'ai d'abord cru à un canular de mauvais goût...
Dans la foulée de la mise en place d’une TVA à 5,5% dans la restauration, les restaurateurs se sont vu adresser par Xavier Bertrand une lettre (datée du 5 mai) et… un bulletin d’adhésion à l’UMP ! Geste d’une signification aussi claire qu’est indiscutable son élégance : on était bienvenu à payer l’addition, tel un client à l’issue du service !
Le principe même de ce qu’on appelle une politique clientéliste. Une forme de politique qui fait injure à ceux sur qui elle prétend s’appuyer, en réduisant leurs choix de citoyens à la poursuite du seul et immédiat intérêt personnel – au sens exclusivement financier du terme. D’où l’indignation – bien compréhensible - exprimée par nombre de restaurateurs.
Une forme de politique qui, aussi, dégrade l’action politique en la réduisant, loin de la mise en œuvre collective d’un projet bénéficiant au plus grand nombre, à la fabrication d’une multitude de clientèles électorales censées se laisser fidéliser par tel geste sonnant et trébuchant.

Cette conception de l’action politique – faut-il le dire ? – n’est pas la mienne, n’est pas la nôtre. D’ailleurs, tel ne semblait pas non plus devoir être l’esprit d’une certaine « politique de civilisation » jadis annoncée par Nicolas Sarkozy, et sitôt oubliée – faute, peut-on aujourd’hui se demander, de garanties suffisantes sur sa « rentabilité électorale » ?

Empruntant à la terminologie d’un sociologue bien connu, répondons simplement à Madame Le Bideau ceci. Il est des sujets et des temps où, pour le politique, l’éthique de responsabilité rejoint plus que jamais l’éthique de conviction. Et commande de ne brader à aucun prix, ni le droit d’exprimer ce à quoi l’on croit, ni le devoir de défendre l’intérêt de ses concitoyens tel qu’on le conçoit… et tel qu’on a été élu pour le garantir !

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