jeudi 11 juin 2009

Vincennes:Laurent Lafon ou la "proximité à éclipses" (suite)


Il y a quelques semaines, je constatais la “proximité à éclipses” Laurent Lafon
(voir mon post du jeudi 23 avril). Une approche singulière de la politique qui se traduit chez le maire de Vincennes par une sorte de cécité face à certaines réalités humaines - régulièrement aggravée par l’enfermement dans une logique étroitement comptable.
En résultent des choix qui, notamment, tournent le dos aux besoins de nos concitoyens en matière de service public. On l’avait déjà vu avec la fermeture du Tribunal d’instance de Vincennes à l’occasion d’une réforme de la carte judiciaire dont M. Lafon avait regretté qu’elle n’aille pas “plus loin” - alors même qu’elle oblige nombre de justiciables à mobilité réduite (personnes âgées sous tutelle) à faire un trajet compliqué jusqu’à Nogent-sur-Marne.
De cette tournure d’esprit singulières, nous avons eu récemment un nouveau témoignage. Comme beaucoup de Vincennois ont pu le constater, la gestion de la médiathèque municipale a suscité il y a peu un mouvement de grève au sein de celle-ci. Cette grève était la troisième en quatre semaines, et avait été précédée d’une autre grève l’année dernière. L'occasion d'échanger longuement avec des représentants du personnel, et de comprendre les enjeux de cette mobilisation.

De quoi s’agit-il ? L’équipe municipale a décidé d’augmenter les horaires hebdomadaires d’ouverture au public de la médiathèque (qui passeraient de 26 à 31 heures). Une augmentation de 20% des horaires qui, pour être viable, exige la création d’un poste à temps plein.
Dans le même temps, la mairie refuse toute embauche. Solution proposée - et imposée - par Laurent Lafon et son équipe : réduire les animations, accueillir moins de publics scolaires, fermer la bibliothèque Ouest le vendredi sans repenser la cohérence des horaires d’ouverture respectifs des 4 bibliothèques du réseau. En résumé : utiliser comme variable d’ajustement le temps indispensable pour mettre en valeur les collections et permettre aux Vincennois de mieux s’y repérer, ainsi que la disponibilité et la créativité des personnels - dont l’activité s’apparentera de plus en plus à une sorte de travail à la chaîne.
Certes, Laurent Lafon et son équipe pourront chercher refuge dans tel ou tel argument comptable. Par exemple, en arguant du fait qu’avec 33 agents, la médiathèque de Vincennes a un effectif équivalent à d’autres villes de taille comparable. Nouvel exemple de la “cécité” que j’évoquais plus haut ! C’est oublier la réalité humaine dans laquelle s’inscrit la médiathèque de Vincennes : 23% des Vincennois y sont inscrits - au lieu de 17% en moyenne dans les communes françaises -, avec un taux d’emprunt important (+40% de prêts dès l’ouverture de la nouvelle bibliothèque en 2005, niveau maintenu depuis).

Quand on a pour métier, au quotidien, de contribuer à ouvrir l’horizon culturel de ceux qui en ressentent le besoin, on sait ce qu’une telle approche signifie en termes de rapport à la culture : le basculement vers une logique d' "abattage" et de consommation, au détriment de la découverte, et de la créativité, en un mot du plaisir.
Une conception aride, apauvrissante, de l’accès à la culture, où l’affichage du nombre d’heures d’ouverture prime sur l’apport réel au public censé en bénéficier. Bref, une conception du service public de la culture placée sous le signe du renoncement.
Doit-on vraiment souhaiter ce régime pour les Vincennois ? Ne peut-on pas penser que, dans un domaine aussi important que l’accès à la culture, une démarche constructive doit prévaloir ?
Or, d’après les informations que j’ai pu recueillir, Laurent Lafon refuse obstinément de recevoir les représentants du personnel de la médiathèque. Une attitude qui - au passage - laisse songeur sur la bonne foi de la droite lorsqu’un autre de ses représentants locaux, Patrick Beaudouin, rappelle volontiers qu’ “un accord négocié peut, parfois, se révéler plus efficace que la contrainte” (voir mon post du lundi 20 avril). Et un refus de l’échange d’idées et du dialogue dont, semble-t-il, le maire de Vincennes voudrait faire une règle dans le fonctionnement de la médiathèque !

En effet, les conditions imposées aux agents de la médiathèque municipale reviendraient à réduire leur capacité d’initiative en matière d’animations et d’activités d’accueil : n’ayant guère le temps de monter des projets à destination des Vincennois, ils n’auront d’autre possibilité que d’exécuter ceux imposés “par en haut”.
Elles réduiraient aussi leur disponibilité, nécessaire à un contact direct et de qualité avec les Vincennois. En invoquant un “recentrage du travail du bibliothécaire” (Le Parisien du 13 mai), la première adjointe de M. Lafon veut-elle dire que cet aspect de leur travail, essentiel au plein fonctionnement d’une médiathèque, doit devenir une préoccupation périphérique ?
Concrètement par exemple, c’est aujourd’hui l’accueil régulier de classes de collège ou de lycée dans l’espace musique qui est inenvisageable dans de bonnes conditions. Un comble, au moment où commencent à entrer en vigueur dans les collèges de nouveaux programmes qui font une place à la musique jusqu’en cours de français (dans le cadre de l’enseignement de l’histoire des arts) !
Rappelons au passage que ces nouveaux programmes ont été conçus à l’initiative de la famille politique de M. Lafon (le ministre de l’Education nationale était alors Gilles de Robien, proche du Nouveau Centre)... Face à cette réticence à contribuer à la bonne mise en oeuvre de la politique éducative préconisée par ses propres amis, deux hypothèses : soit l’éducation ne constitue pas une priorité pour le maire de Vincennes; soit les choix de ses amis dans ce domaine ne lui paraissent pas devoir être réalisés (parce qu’à ses yeux irréalistes, ou mauvais ?).


Quoi qu'il en soit, avec sa médiathèque et son réseau de bibliothèques, Vincennes a la chance d’être doté d’un magnifique outil en matière d’accès à la culture. Après avoir réalisé un tel investissement, renoncer à une partie des services qu’il peut rendre aux Vincennois n'a aucun sens... et relève du pur et simple gaspillage !

Lieu d’accès à la culture, la médiathèque a par définition vocation à être un lieu de vie culturelle. C'est-à-dire un espace d’échange, de découverte, de créativité. Elle doit donc disposer des moyens que cela exige, à définir dans un dialogue ouvert avec le personnel et ses représentants !

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