dimanche 20 septembre 2009

Jeunes: l'inquiétant bricolage de l’exécutif


Le 26 août dernier dernier, j’exprimais une “satisfaction de principe” quant au projet de loi, présenté en conseil des ministres, portant notamment ouverture du Conseil économique et social à des représentants des jeunes et des étudiants (voir “Ouverture aux jeunes” du Conseil économique et social : essai “marqué”... mais à transformer ).
De cet apparent souci de prendre mieux en considération les réalités vécues par les jeunes, on pourrait presque voir une confirmation dans la possible extension du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes actifs âgés de 18 à 25 ans ayant travaillé au moins deux ans dans les trois dernières années.
Problème : en cette période de rentrée, plus nombreux sont les signes qui démentent la réalité d'un tel état d'esprit.

En août déjà, je remarquais le nombre très réduit des futurs représentants des jeunes et des étudiants au sein du nouveau "Conseil économique, social et environnemental" (4 sur... 233 membres). Je pointais aussi plusieurs indices d'un manque de détermination de l'actuelle majorité (du Président de la république à notre député Patrick Beaudouin) à prendre en considération réellement les difficultés, les besoins et les aspirations de tous les jeunes.

À présent, c’est la suppression de la Défenseure des enfants que l’on annonce. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de saluer le travail effectué par celle-ci pour réduire les trappes d’invisibilité et de vulnérabilité qui menace nombre de jeunes français. J'avais en effet pu personnellement apprécier l’ouverture et la réelle capacité de dialogue de madame Dominique Versini, à l’occasion d’une matinée de travail au Conseil économique et social (voir mon post du 19 juin dernier “La parole partagée, outil politique privilégié et source de plaisir”). Son courage et son intégrité aussi lorsqu'à la fin du mois d'août elle n’avait pas hésité, bien qu’issue des rangs de la droite, à dénoncer la situation faite aux enfants dans les Centres de rétention administrative (voir mon post du 21 août, Voeux de rentrée... pour une fin de “vacance”).
Est-ce la récompense de ce courage et de cette intégrité ? ou de cette ouverture au dialogue ? Cette interlocutrice facilement identifiable pour les enfants (ne serait-ce que par l'intitulé de sa fonction) et à eux entièrement consacrée, semble aujourd’hui appelée à disparaître. D’après un projet de loi organique révélé ces derniers jours, sa fonction se trouverait fondue parmi les différentes attributions d’un “défenseur des droits”, auquel reviendraient en outre les attributions hier prises en charge par le médiateur de la République, mais aussi par l'actuelle Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Bon courage à ce “défenseur” pour trouver le temps et la disponibilité nécessaire pour égaler le travail accompli jour après jour par la Défenseure des enfants... et aux jeunes français pour trouver leur chemin jusqu’à ce nouvel interlocuteur !

Une absence d’interlocuteur auquel l’exécutif prend soin, rendons-lui cette justice, d’habituer certains jeunes Français par ailleurs. En particulier les collégiens et collégiennes des quartiers "sensibles".
On sait que le rectorat de Créteil a mis en place une cellule d’assistance aux chefs d’établissements, pour les aider à faire face aux difficultés de cette rentrée (cas de grippe A, postes d’enseignants non pourvus...). Dans ce dernier cas, il s’agit de pallier aux problèmes nés de la réduction continue du recrutement d’enseignants sur concours.
Dans un collège par exemple, un professeur “titulaire” absent de manière prolongée (arrêt maladie, etc.) est normalement remplacés par un “tzr” (enseignant recruté par le même concours, à disposition permanente de l’Education nationale, mais pas encore affecté dans un établissement de façon “définitive”, et ayant donc vocation à faire des remplacements). Comme l’Education nationale n’a plus assez de “titulaires” ni de “tzr”, elle fait appel à des “contractuels” ou à des “vacataires” (n’ayant pas passé de concours de l’Education nationale, mais moins coûteux, notamment parce qu’ils n’ont pas de congés payés).
Problème : ceux-ci ne postulent que s’ils en ont envie. Or là où les conditions de travail laissent à désirer (par exemple, en Seine Saint-Denis), ils sont moins nombreux à postuler. Si bien qu’en ce moment, le rectorat (qui s’assure tout de même que les “candidats” réunissent un certain nombre de compétences avant de les embaucher) n’arrive plus, même ainsi, à répondre aux besoins ! Traduction dans la salle de classe : des élèves sans professeur.

Autre espèce d'interlocuteurs “en voie de disparition” : les éducateurs de la Protection judiciaire pour la jeunesse.
Ces éducateurs, fonctionnaires du ministère de la Justice, suivent les mineurs en difficulté (délinquants mineurs ou jeunes en danger) de manière à leur permettre de devenir autonomes (notamment en construisant avec eux un projet d’orientation). Où les trouve-t-on ? Dans les centres d’action éducative en milieu ouvert (CAEMO), où ils prennent en charge des mineurs maintenus dans leur famille (ils les aident à résoudre leurs problèmes familiaux, les guident dans leur scolarité en les rencontrant régulièrement, les soutiennent en période de crise). Ou bien dans les foyers d’hébergement (psycho-éducatifs, scolaires ou professionnels) qui accueillent des mineurs en danger ou délinquants placés par le juge.
Problème : les travailleurs de la PJJ connaissent actuellement une situation peu propice à cette mission, au point que certains font le parallèle avec ce que connaissent depuis quelque temps les salariés de Renault et de France Télécom.
La PJJ a en effet engagé une vaste réorganisation administrative, dans un contexte de durcissement de la législation pour les mineurs (depuis 2007). Concrètement, les éducateurs doivent concentrer leur travail sur les mineurs délinquants et ne plus s'occuper des mineurs victimes, qui relèvent de l'aide sociale dans les départements. En outre, la PJJ souffre d'un déficit d'hébergements en région parisienne.
Résultat : une grande souffrance chez les personnes travaillant pour la PJJ. Au point que mardi dernier, une directrice départementale s’est jetée par la fenêtre de son lieu de travail - une chute à laquelle elle a heureusement survécu. D’après les premiers témoignages, cette fonctionnaire n’est pas une personne fragile. En revanche, elle a attribué son geste à une véritable “maltraitance institutionnelle”, se plaignant de devoir “appliquer tout très vite”, “faire et défaire en permanence”. À un vrai “conflit de loyauté” aussi : ancienne éducatrice, elle se demandait comment les éducateurs feraient désormais pour s’occuper des mineurs avec toutes leurs nouvelles tâches.

Ce grand mouvement de passage à la moulinette (ou d’enfouissement) d’interlocuteurs compétents et disponibles pour les enfants et les jeunes pose gravement problème, pour au moins deux raisons.
Dans un contexte d’explosion du chômage des jeunes (et de montée du chômage en général), nombre d’enfants et d’adolescents se trouvent - ou risquent de se trouver - pris dans des situations familiales difficiles, ou dans une crise de confiance déstabilisante vis-à-vis de l’école, de la collectivité en général, et de l’avenir.
Face à cette situation, mettre en crise la Protection judiciaire de la jeunesse, casser la continuité éducative dans les établissements les plus sensibles, camoufler au point de probablement la rendre invisible la Défenseure des enfants, sont de la part de l'exécutif des choix qui laissent perplexe.
Par ailleurs, au niveau local, la France manque d’espaces permettant aux jeunes de se faire réellement entendre de ceux qui font leur quotidien (au travers de décisions politiques ou de votes au Parlement), et d’échanger avec ceux qui le partagent.
Me revient ici la remarque d’une habitante de Fontenay-sous-Bois, entendue jeudi dernier. Ce soir-là se réunissait, dans la salle du Conseil municipal à l’Hôtel de ville, la commission municipale démocratie locale - ville numérique. On faisait le bilan d’un an d’expérimentation de la mise en place de nouvelles pratiques de démocratie locale à Fontenay. Au détour de la discussion, un habitant du quartier de Bois Cadet s’est fait l’écho du scepticisme des adolescents de son quartier vis-à-vis des Conseils de quartier (où ils pensent que leur parole ne sera pas prise en compte).

Entre “jeu de bonneteau” et “politique de l’autruche”, l’exécutif semble bel et bien se jouer de nos jeunes concitoyens, et s’occupe à des bricolages dont on ne peut que craindre l’effet destructeur pour la collectivité. Conjurer les effets de ce bricolage, c’est aussi la responsabilité des municipalités (le premier espace de vie des jeunes étant... la ville où ils résident).
À l’heure où le maire de Vincennes appelle ses administrés à participer à l'élaboration d'un “Agenda 21”, j'invite toutes les Vincennoises et tous les Vincennois qui se sentent concernés par cet enjeu se mobiliser, pour faire entendre à la majorité municipale cette réalité : le développement durable, c’est aussi celui d’une collectivité solidaire où tous se sentent réellement pris en compte - même les jeunes !

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